Le juge d'instruction Roger Le Loire va mener une enquête pour "prise illégale d'intérêt" sur la nomination de François Pérol à la tête de Banque populaire-Caisse d'épargne (BPCE), contestée par les syndicats et l'opposition, a-t-on appris lundi de sources proches du dossier.

Les syndicats CGT et Sud des Caisses d'épargne, ainsi que l'ancien magistrat et ex-salarié de la BPCE, Nathanaël Majster, qui avaient déposé des plaintes avec constitution de partie civile, ont reçu lundi une ordonnance du juge Le Loire dans laquelle il annonce l'ouverture de l'enquête, selon ces sources.

Le parquet, qui a mené une enquête préliminaire sur les conditions de cette nomination, dispose jusqu'à mercredi pour faire appel de l'ouverture de cette enquête. En cas d'appel du parquet, il reviendrait à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de se prononcer.

Les plaignants estiment que M. Pérol, 46 ans, ancienne figure incontournable de la présidence sur les dossiers économiques et industriels, avait à ce titre joué un rôle essentiel dans la fusion des deux établissements bancaires dont il a pris la tête fin février 2009 juste après son départ de l'Elysée.

Une prise illégale d'intérêt ?

Or, la loi du 2 février 2007 interdit à tout fonctionnaire de travailler pour une entreprise qu'il a surveillée, avec laquelle il a conclu un contrat ou qu'il a conseillée dans ses opérations, durant les trois années précédant son départ de la fonction publique. La prise illégale d'intérêt est passible de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.

Le parquet avait classé sans suite en septembre une première enquête préliminaire, au cours de laquelle M. Pérol avait été entendu par les policiers de la Brigade financière. Le parquet avait considéré que la mission de François Pérol s'était limitée « à informer et donner un avis au président de la République sur le rapprochement des groupes Banque populaire et Caisse d'Epargne, sur le soutien financier de l'Etat et sur l'explication à donner à l'opinion publique ».

Dans son ordonnance, le juge Le Loire juge « succincte » l'enquête du parquet et estime que la seule audition de M. Pérol ne peut suffire « à la manifestation de la vérité », selon une source proche du dossier.

Des auditions comme témoins de Xavier Musca, ancien directeur du Trésor qui a succédé à M. Pérol à l'Elysée, de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, ou encore de Charles Milhaud, ancien patron de la Caisse d'épargne, devraient être menées par le juge, selon une autre source.

L'annonce de la nomination de M. Pérol, effectuée sans que la commission de déontologie de la Fonction publique ait été saisie, avait suscité une levée de boucliers à gauche mais aussi dans certains cercles de la droite.

La fusion a donné naissance à BPCE, deuxième groupe bancaire de France avec 8.000 agences et 110.000 salariés. BPCE est de loin le groupe français à avoir le plus bénéficié durant la crise financière des apports de l'Etat, qui se sont montés à 7,1 milliards d'euros.