Le prix des virements instantanés ne baisse toujours pas en France. Au contraire : certaines banques ont mis en place un modèle tarifaire qui fait exploser son prix. Explications.

Des virements instantanés dans toutes les banques et au même prix que les virements SEPA traditionnels : dans neuf mois, les banques n'auront plus le choix. C'est en effet ce que va leur imposer un nouveau règlement européen, entré en vigueur le 8 avril et qui devra être appliqué d'ici au 9 janvier 2025.

Les institutions européennes n'ont eu d'autre choix que celui de légiférer. Près de sept ans après son lancement, la part de marché des virements SEPA instantanés reste encore faible. En France, par exemple, il représente seulement 6% de tous les virements émis, selon des chiffres de la Banque de France datant du 1er semestre 2023.

On connait la date à laquelle le virement instantané va devenir gratuit !

Retard à l'allumage pour le virement instantané

Il n'y a pas besoin d'aller chercher bien loin la raison de ce retard à l'allumage : alors que le virement traditionnel est systématiquement gratuit lorsqu'il est initié sur le web ou le mobile, le virement instantané demeure le plus souvent payant.

Les banques françaises ont, en effet, choisi de répercuter sur les usagers les coûts de mise en place du nouveau moyen de paiement. Au mépris de leur intérêt : le virement instantané est porteur d'innovations dans le domaine des paiements en ligne, des règlements de factures, des transactions entre particuliers, etc. Des innovations dont la diffusion est freinée par cette politique tarifaire.

Certes, elles permettent à leurs clients d'utiliser gratuitement Paylib entre amis, un service interbancaire de paiement entre particuliers fondé sur le virement instantané. Mais il est très loin de couvrir tous les cas d'usages possibles.

Des prix qui continuent d'augmenter

Pire : le prix d'un virement instantané a même tendance à augmenter. Selon notre relevé tarifaire, il est passé, en moyenne, de 0,79€ en janvier 2022 à 1,02€ actuellement. Soit une hausse de près de 30% en un peu plus de deux ans.

Pourtant, les banques de détail sont de plus en plus nombreuses à jouer le jeu. 25, sur les 128 suivies par MoneyVox (soit 20% environ), ne font plus payer le virement instantané. Mais d'autres ont pris le chemin inverse, en trouvant une astuce pour alourdir le coût du virement instantané : la facturation par palier de montant. En clair, le prix du virement augmente en même temps que le montant transféré.

Malgré le règlement européen à venir, une trentaine d'enseignes pratiquent encore ce mode de facturation. C'est le cas, en particulier, de la grande majorité des Caisses d'Epargnes et des Banques Populaires.

Les frais des virements instantanés

Dans ces banques, régler par virement instantané un montant substantiel (par exemple, pour payer un voyage, acheter une voiture ou envoyer des arrhes pour une location) peut coûter une petite fortune. Le virement de 15 000€ et plus est actuellement facturé 10€ dans plusieurs Banques Populaires, et jusqu'à 10,40€ à la Caisse d'Epargne Bretagne Pays de Loire.

Dans son rapport 2022, l'Observatoire des tarifs bancaires du CCSF avait observé le phénomène en détail. A l'époque, les virements instantanés de moins de 300 euros coûtaient en moyenne 0,78 euro. Le prix montait de 9% (0,85 euro) pour les virements compris entre 300 et 1 000 euros. Au-delà, le coût s'envolait dans les établissements ayant opté pour une tarification différenciée :

  • 1,18 euro de 1 000 à 1 500 euros ;
  • 2,86 euros de 1 500 à 5 000 euros ;
  • 2,89 euros de 5 000 à 15 000 euros ;
  • 7,95 euros de 15 000 euros à 100 000 euros.

Le prix du risque

Cette politique tarifaire n'est pas justifiée par le coût d'accès à TIPS (Target Instant Payment Settlement), l'outil de règlement créé par la Banque centrale européenne. Ce prix est fixe quel que soit le montant : 0,002 euro par opération.

Elle s'explique plutôt par les politiques de risque mises en œuvre par ces banques. Le taux de fraude du virement instantané, pourtant, n'a rien de particulièrement inquiétant. Au 1er semestre 2023, derniers chiffres disponibles (1), il est en baisse et comparable à celui de la carte bancaire. Il reste toutefois 20 fois plus élevé que celui du virement classique. En clair, les banques en question semblent faire payer à leurs usagers les risques supplémentaires générés par leur choix du temps réel.

A leur décharge, elles ont au moins le mérite d'autoriser les virements instantanés de gros montant. C'est loin d'être le cas partout. Toujours pour contenir les risques de fraude, de nombreuses banques, notamment parmi celles qui ne facturent plus le virement instantané, ont choisi de limiter considérablement les montants qui peuvent être envoyés par ce moyen. A La Banque Postale, par exemple, il est impossible de dépasser les 1 000€ par jour. Un choix qui, lui aussi, entrave l'essor du virement instantané.

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(1) Source : Banque de France