PRESIDENTIELLE 2022 - Produits redondants, fonctionnement illisible, plafonds trop élevés : l'épargne réglementée à la Française est une chance pour les épargnants, mais elle a besoin de renouveau. Parmi ses 10 propositions adressées aux candidats à la prochaine présidentielle, MoneyVox propose de supprimer le Livret A et ses cousins LDDS et LEP, et de les faire renaître sous une forme plus adaptée aux besoins réels des Français.

Comment ça fonctionne aujourd'hui

En France, l'Etat est omniprésent, y compris dans le portefeuille des épargnants. Fin 2020, selon la Banque de France, 14% du patrimoine financier des ménages était placé sur des produits d'épargne réglementée, dont le fonctionnement et le rendement sont fixés par la puissance publique. Cela représentait 814 milliards d'euros, dont près de 480 milliards sur des livrets.

Les Français ont en effet accès à 3 différents livrets d'épargne réglementée, 4 même pour les moins de 25 ans, en ajoutant le Livret Jeune :

  • le Livret A, qui permet de placer jusqu'à 22 950 euros au taux de 0,5% net actuellement ;
  • le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) : jusqu'à 12 000 euros à 0,5% net ;
  • le Livret d'épargne populaire (LEP) : jusqu'à 7 700 euros à 1% net.

Ces 3 produits ont beaucoup en commun :

  • un taux fixé, ou au moins encadré, par la puissance publique ;
  • une exonération de prélèvements fiscaux et sociaux ;
  • une liquidité totale : les sommes placées sont disponibles à tout instant ;
  • une totale sécurité : le capital placé est garanti par l'Etat.

Ces caractéristiques font des livrets réglementés le support idéal pour une épargne de précaution, c'est-à-dire pour placer des liquidités mobilisables sur le champ en cas de coup dur. Plus spécifiquement, le LEP permet également à la moitié la moins fortunée des ménages français de mettre un pécule - jusqu'à 7 700 euros - à l'abri de la hausse des prix, son taux étant indexé sur l'inflation.

Qu'est-ce qui cloche ?

Le paysage de l'épargne réglementée souffre selon nous de plusieurs problèmes. Un manque de lisibilité d'abord. Qui aujourd'hui, en dehors de quelques spécialistes, est capable de distinguer Livret A et LDDS ? De fait, la raison d'être du LDDS a disparu depuis 2009, et la généralisation de la distribution du Livret A à l'ensemble des réseaux bancaires. Le mastodonte Livret A a aussi tendance à cannibaliser le LEP : combien de foyers français savent qu'ils pourraient bénéficier d'une rémunération doublée en optant pour ce dernier LEP ? Selon la Banque de France, plus de 50% d'entre eux y sont éligibles. Mais dans les faits, seuls 13% ont franchi le pas.

Autre problème : un poids trop important. Cumulés, les livrets réglementés dépassent largement le cadre de l'épargne de précaution. Selon les spécialistes du sujet, il est recommandé de garder sous la main de 2 à 6 mois de revenus. Soit 11 000 euros pour une personne proche du salaire médian (1), 22 040 euros annuels en 2019 selon l'Insee. Or, dans l'état actuel des choses, le simple cumul d'un Livret A et d'un LDDS permet d'arriver à 34 950 euros de versements. Soit l'épargne de précaution maximum conseillée à une personne dont le salaire annuel approche les 70 000 euros. Un revenu atteint par seulement 3% des salarié, selon l'Observatoire des inégalités. Cette hypertrophie des livrets réglementés fait ainsi de cette épargne une niche fiscale qui profite massivement à une minorité d'épargnants, généralement fortunés et disposant de liquidités en abondance. Seuls 7% des Livrets A, il faut le rappeler, dépassaient le plafond de versements de 22 950 euros fin 2020. Ils représentaient 30% des encours. Et une niche fiscale qui coûte cher : plus d'un milliard d'euros par an aux contribuables.

Ce faisant, les livrets réglementés contribuent à une autre tendance lourde : un certain désintérêt des Français pour le devenir de leur patrimoine. Pour préparer sa retraite par exemple, il y a beaucoup mieux que le Livret A. Selon l'Institut de l'épargne immobilière et foncière, son taux de rendement annuel sur les 30 dernières années atteint 2,8%, très loin de placements certes plus risqués mais beaucoup plus rentables à long terme : 9%, par exemple, pour l'immobilier locatif ou 5% pour l'assurance vie.

Ce qu'il faut changer en 2022

Pour ramener l'épargne réglementée à sa juste place dans le patrimoine des Français, MoneyVox propose de supprimer le Livret A, le LDDS et le LEP pour les remplacer par un nouveau livret unique. Ce livret bénéficiera de certaines des caractéristiques précédentes :

  • rémunération indexée sur l'inflation et les taux interbancaires ;
  • exonération fiscale et sociale ;
  • disponibilité totale ;
  • garantie de l'Etat.

Le plafond de versement de ce nouveau livret sera fixé à 20 000 euros. Beaucoup moins qu'aujourd'hui, certes, mais plus que ce qui existait avant que François Hollande, récemment élu président de la République, ne décide de relever les plafonds du Livret A et du LDDS en 2012-2013 (2).

Pour les personnes éligibles, sur la base du revenu fiscal de référence comme aujourd'hui avec le LEP, les 10 000 premiers euros bénéficieront d'un taux relevé et nécessairement supérieur à l'inflation. Pour mémoire, le plafond actuel du LEP est de 7 700 euros.

Comme pour le LDDS aujourd'hui, les titulaires de ce nouveau livret auront la possibilité de verser tout ou partie de leurs intérêts annuels à des associations et entreprises de l'économie sociale et solidaire.

Enfin, les deux tiers environ des dépôts continueront à être centralisés par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) au sein du Fonds d'épargne afin de financer certains secteurs d'utilité publique : le logement social, la politique de la ville, la transition énergétique, etc.

Ce qu'il faut changer dans la loi

Cette proposition réclame une réforme d'ampleur du chapitre 1er du titre II du livre II de la partie législative du Code monétaire et financier. Ce chapitre est aujourd'hui consacré aux « produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique » (Livret A, LEP, livret jeune, LDDS, PEA, et épargne logement). Il faudrait supprimer les sections 1, et 4, respectivement dédiées au livret A et au LDDS, et la sous-section 1 de la section 2, s'agissant du LEP.

Une nouvelle première section serait créée pour le livret unique, avec de nouveaux articles qui préciseraient les caractéristiques de ce nouveau produit : les établissements habilités à le proposer, les conditions d'ouverture, son plafond, la centralisation des dépôts, etc. La partie réglementaire du Code monétaire et financier serait adaptée de la même façon.

Votez pour cette proposition

Les 10 propositions de MoneyVox pour la présidentielle

L'élection présidentielle est généralement l'occasion pour les candidats de parler économie, sécurité ou éducation. Mais rarement de répondre aux problèmes rencontrés par les Français avec leurs fournisseurs de services (banque, assurance, énergie, télécom...) et qui, parfois, leur empoisonnent la vie et leur font perdre beaucoup d'argent.

Fort d'une expertise reconnue et d'un large auditoire sur les finances personnelles et le budget, MoneyVox a souhaité proposer aux candidats à la présidentielle 10 pistes concrètes pour améliorer le quotidien des Français et leur pouvoir d'achat. Le tout dans un souci de pragmatisme, d'efficacité, et bien sûr dans un esprit non-partisan.

Ces propositions seront transmises aux candidats déclarés, et MoneyVox vous tiendra informé de leurs éventuelles réponses.

1- Forfait mobile, box internet, SVOD... Imposons une résiliation simplifiée !

2- Forfait mobile, transports en commun, autoroutes... Remboursons les clients en cas de défaillance de service

3- Démarchage : permettons d'annuler le contrat après la première facture

4- Permettons le transfert d'assurance vie à tous les contrats, sans perte fiscale

5- Facilitons la résiliation de l'assurance emprunteur à tout moment

6- Crédit immobilier : supprimons les indemnités de remboursement anticipé

7- Frais bancaires : interdisons la facturation sans information préalable

8- Refondons le Livret A pour protéger l'épargne populaire

9- Facilitons le recours à la médiation pour les litiges de consommation

10- Mettons en place un guichet unique des prestataires condamnés

(1) Celui qui partage la population entre la moitié qui gagne le plus et celle qui gagne le moins. (2) Avant cette date, le plafond du Livret A était de 15 300 euros et celui du LDDS de 6 000 euros.