Ce n'est pas un secret : face à l'actuelle crise du logement, le gouvernement compte s'attaquer à la fiscalité des locations courtes. Sous-entendu : s'attaquer au cas Airbnb, qui empêche la location longue durée dans certaines grandes villes. Mais comment ? Bercy a choisi de laisser les parlementaires proposer avant de trancher. Ce qui se profile...

Ce que le gouvernement a annoncé

Flash-back ! Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, en juin dernier sur BFM/RMC : « Je suis ouvert à une réforme de la fiscalité sur les Airbnb pour qu'elle soit équivalente à celle d'autres logements. Nous allons travailler, faire des propositions à la Première ministre et au président de la République, mais j'ai du mal à comprendre la fiscalité très favorable qui s'applique aujourd'hui à Airbnb. Nous réformerons cette fiscalité. »

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Pourtant, fin septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, aucune ligne ne faisait référence à la la fiscalité des locations meublées. Bruno Le Maire et le ministre délégué aux Comptes publics ont renvoyé le dossier au débat parlementaire, tout en rappelant que le budget 2024 s'y attellera.

« Aligner la fiscalité des meublés touristiques, des meublés traditionnels et des locations vides, avec un même abattement de 40% »

Dernier épisode, le 7 octobre : dans Le Monde le ministre du Logement Patrice Vergriete a ainsi affiché sa volonté d'« aligner la fiscalité des meublés touristiques, des meublés traditionnels et des locations vides, avec un même abattement de 40% ».

Quelle est la fiscalité actuelle des logements loués sur Airbnb (ou autres plateformes, comme Abritel, Booking...) ?

Louer un logement à longue durée, « nu », sans meubles, n'entre pas dans la même catégorie fiscale que la location meublée, quelle que soit la durée : il n'est pas question pour un loyer Airbnb de revenus fonciers (les loyers réguliers) mais de bénéfices non commerciaux.

LMP, LMNP ou le régime de la location meublée

« En 2022-2023, les hôtes peuvent bénéficier d'un abattement de 50% sur les revenus perçus quel que soit le type de location (chambre seule, hébergement entier en résidence principale ou secondaire) », explique le cabinet Astérès dans l'étude commandée par Airbnb sur les revenus de ses hôtes. Le régime simplifié, micro-BIC, comme présenté dans le tableau ci-dessous, est en effet « majoritaire chez les hôtes », précise Airbnb.

Si vous louez un logement via Airbnb, Abritel, etc.
Si vos recettes annuelles sont inférieures à 72 600 €Si vos recettes annuelles sont supérieures à 72 600 €
Option 1 : régime micro-BIC
Avantages : simplicité et abattement automatique de 50%

Régime réel d'imposition obligatoire
Déduction des charges pour leur montant excact

Option 2 : régime réel
(comme pour les « gros loueurs », voir ci-contre)

Tableau simplifié reprenant la fiche pratique de la DGFiP sur les locations courtes d'un logement meublé.

Cet abattement de 50% vaut pour la location de meublés classiques : seule la moitié de vos recettes est soumise à l'impôt sur revenu, les gains fiscalisés étant eux soumis au barème progressif de l'impôt.

Cet abattement de 50% est toutefois inférieur à celui qui vaut pour les meublés touristiques les mieux classés (jusqu'à 71% d'abattement pour les meublés de tourisme classés et chambres d'hôtes). Mais, et c'est la que le gouvernement veut agir, 50%, cela reste beaucoup mieux que pour la location d'un logement vide (30% d'abattement en micro-foncier jusqu'à 15 000 euros de gains annuels).

Revenu médian en location Airbnb : 3 086 euros nets

Des centaines de milliers de Français louent un logement sur Airbnb. « En 2022, le revenu médian des hôtes grâce à leur activité sur Airbnb a été de 3 916 euros bruts (ce qui équivaut à 3 086 euros nets, après impôts et prélèvements sociaux) », selon une étude commandée par Airbnb France au cabinet Astérès.

airbnb
« Hôtes Airbnb : un gain de pouvoir d'achat supérieur à l'inflation en 2022 », étude Astérès pour Airbnb

Quelle est l'option retenue à ce stade par les députés ?

De très nombreux amendements ont été déposés au sujet de la fiscalité des locations de courte durée avant l'examen du budget 2024 en commission des finances. Cette commission a finalement retenu l'option du groupe Horizons - via des amendements portés par Lise Magnier et Christophe Plassard - jeudi 12 octobre.

Deux grands principes à retenir. Le premier : distinction entre la location meublée traditionnelle (sur plusieurs mois le plus souvent, pour les étudiants notamment) et la location meublée saisonnière « non classée », catégorie intégrant Airbnb et autres plateformes. Les abattements forfaitaires seraient différents pour les deux types de locations.

Deuxième principe : distinction des abattements en 3 paliers, en fonction de la durée et du type de bien :

  • Abattement de 30% seulement des revenus locatifs pour la « location d'un bien immobilier meublé de courte durée ou d'un meublé de tourisme non classé ou classé moins de 3 étoiles » jusqu'à 15 000 euros.
  • abattement de 40% pour une location - meublée ou non - de plus de 9 mois, jusqu'à 23 000 euros pour les non meublés et 46 000 euros pour les meublés. C'est mieux que l'abattement de 30% actuellement en vigueur pour le micro-foncier pour les locations nues à longue durée.
  • abattement de 60% pour les seuls « meublé de tourisme classé au moins 3 étoiles, gîte rural ou chambre d'hôtes », jusqu'à 100 000 euros.

Rappelons toutefois que le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenaze a déjà prévenu : « Il y aura un 49.3 » pour faire adopter le budget 2024. Si le gouvernement veut tout ramener à 40%, il aura la main pour le faire.

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