La Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM), organe central de la banque, et Crédit Mutuel Arkéa, qui réunit les fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest, ont annoncé mercredi la signature d'un protocole d'accord. Il met fin à 15 ans de conflit interne entre l'Alliance fédérale, basée à Strasbourg, et Arkéa, basé à Brest. Ce qui a été acté dans ce texte de consensus.

Le « protocole d'accord » voté « à l'unanimité » le 2 mai par le Conseil d'administration du CNCM vise à préserver « la cohésion du Crédit Mutuel » tout en garantissant « l'autonomie » de ses 19 fédérations, y compris de celles d'Arkéa, soulignent les deux parties dans un communiqué commun.

Les 4 principes actés dans cet accord

Ce protocole vantant le retour d'un « Crédit Mutuel uni et pluriel » repose sur 4 grands principes :

  • « Principes de subsidiarité et d'autonomie », y compris sur les aspects stratégiques, pour les différents groupes régionaux composant le groupe Crédit Mutuel.
  • Le « libre développement concurrentiel des filiales respectives », et ce avec le « respect du principe de territorialité des caisses de Crédit Mutuel ». Sur ce point, « un guide de bonnes pratiques commerciales a été arrêté », précise le communiqué, le contenu de ce guide « à vocation interne » restant toutefois confidentiel, précise la CNCM à MoneyVox. Pour rappel, le Crédit Mutuel Arkéa possède sa propose sa propre filiale d'assurance, Suravenir, ou encore sa banque en ligne, Fortuneo, des entités totalement distinctes de la filiale Assurances du Crédit Mutuel (ACM) ou de Monbanq, intégrées elles au groupe Alliance fédérale, basé à Stasbourg.
  • Sur l'usage de la marque Crédit Mutuel, la marque nationale et le logo bleu et rouge déployé sur la majeure partie du territoire français « a été historiquement déposée par la Confédération qui en est responsable et propriétaire pour compte commun des adhérents du Crédit Mutuel ». Une utilisation « de manière autonome de marques distinctes, intégrant les termes Crédit Mutuel, est cependant possible par les fédérations et les caisses à partir de leur dénomination propre ». En clair, le Crédit Mutuel de Bretagne et le Crédit Mutuel du Sud-Ouest peuvent conserver leur logo, qui se différencie par des lettres grisées, et une forme rouge ressemblant à un triskel sur fond blanc (voir la photo d'illustration ci-dessus).
  • Concernant la gouvernance de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, est prévue la « création d'une vice-présidence déléguée, poste qui reviendra de droit au président de la fédération du Crédit Mutuel de Bretagne », et la création d'un « droit de veto » pour les différentes fédérations « en cas d‘atteinte à leurs intérêts vitaux (emploi, centres de décision régionaux, filiales, système d'information, raison d'être...) ». Le CNCM reste elle l'organe central garantissant la stabilité financière du groupe, et reste l'interlocuteur privilégié des autorités de supervision (ACPR, BCE, etc.).

Les étapes restantes avant d'enterrer définitivement la hache de guerre

Cet accord de principe doit désormais se traduire « dans les prochaines semaines dans un projet de révision des statuts de l'organe central soumis à une assemblée générale extraordinaire et à l'approbation du ministre chargé de l'Economie ». Les « caisses locales réunies en assemblée générale des fédérations du Crédit Mutuel de Bretagne et du Crédit Mutuel du Sud-Ouest » devront enfin valider « ce projet de statuts » afin de « mettre un terme au projet de désaffiliation ».

La Banque de France a elle aussi réagi à l'annonce de cet accord mettant fin à cette lutte intestine au Crédit Mutuel : « Il s'agit d'un développement très positif, qui a notre plein soutien, déclare Denis Beau, premier sous‐gouverneur de la Banque de France, dans un communiqué. Il constitue une étape décisive dans la restauration d'une gouvernance apaisée pour ce groupe mutualiste. »

Les derniers épisodes de cette lutte interne

Des tensions internes s'étaient mues en conflit juridique en 2014, opposant Crédit Mutuel Arkéa dont le siège est à Le Relecq-Kerhuon près de Brest, et la CNCM, l'organe central qui chapeaute l'ensemble des fédérations du groupe.

Les craintes quant à une éventuelle scission du groupe ont culminé en 2018 lorsque la branche bretonne avait déclaré vouloir prendre son indépendance à travers son président d'alors, Jean-Pierre Denis. S'en était suivie une manifestation devant Bercy de milliers de salariés vêtus de rouge et marchant aux cris de « Vive Arkéa ». Le conflit parfois larvé, parfois ouvert, s'est traduit par de nombreux procès et une multitude d'échanges acrimonieux entre les deux entités.

Les discussions entre les deux parties avaient repris à l'été 2022, la CNCM faisant alors un pas vers Arkéa, chargeant son président Nicolas Théry, « de mettre fin à un conflit qui n'est ni dans l'intérêt des sociétaires, ni à la hauteur de la situation économique actuelle et future ».

« La guerre des Crédits Mutuels ». Lire ou relire notre dossier sur ce feuilleton bancaire et judiciaire : 102 articles publiés à ce sujet entre mars 2011 et le mai 2023.