Les relations entre les banques et leurs clients changent. Des expériences surprenantes sont lancées pour accompagner les consommateurs. Mais est-ce vraiment une bonne chose ?

Quand on se représente la banque de demain, elle est généralement digitale, instantanée et dopée à l'intelligence artificielle dans un monde hyper-connecté. Une vision qui n'est pas inappropriée sans doute. Et cette évolution renforce le besoin de dépendance et d'assistance des clients. Cette tendance n'a plus rien de futuriste. Amazon n'a-t-il pas lancé Halo, un bracelet connecté qui écoute la voix de son porteur pour deviner son état émotionnel et l'aider à mieux maîtriser ses réactions émotives ? Il n'y a pas de raison que la banque y échappe. D'autant que la crise sanitaire a aggravé la fragilité émotionnelle de beaucoup de personnes, favorisant des comportements compensatoires, souvent à travers la consommation.

Il y a deux ans, la BBC rapportait le cas d'une jeune femme bipolaire, qui disposant de 28 000 livres sur son compte courant suite à une vente immobilière, a tout dépensé et de manière si futile qu'elle ne se souvient même pas de la plupart de ses dépenses. Et de mettre en cause sa banque. A ses yeux, elle aurait dû tenir compte de son état psychologique pour ne pas lui permettre de retirer son propre argent. Une plainte excentrique et anecdotique ? Non. Dans la foulée, le Money and Mental Health Policy Institute britannique a invité les banques à redoubler d'efforts face à leurs clients aussi psychologiquement que financièrement vulnérables.

S'empressant de suivre ces recommandations, la néobanque Monzo, s'est mise à proposer des garde-fous anti-addiction. Ses clients peuvent choisir de bloquer leurs propres dépenses auprès de sites de jeux ou de paris en ligne, afin de lutter contre leur propre « self-exclusion » sociale. C'est ainsi que Monzo a nommé ce service. Lequel a été rapidement copié par d'autres établissements britanniques, de Starling à Barclays.

Une série d'initiatives

Tout cela s'inscrit dans une orientation générale de psychologisation des relations entre les banques et leurs clients. L'un des premiers exemples fut proposé par Bank of America/Merrill Edge avec Face Retirement. Un simulateur de visage qui, permettant aux jeunes actifs de visualiser à quoi ils ressembleront lorsqu'ils auront l'âge de prendre leur retraite, voulait les inciter à épargner à long terme. Pour la première fois, une banque n'hésitait pas ainsi à jouer sur un terrain intime : l'image que l'on a de soi-même.

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Au même moment, la banque néozélandaise BNZ mettait en place un EmotionScan sur son site. C'est une expérience que sont invités à faire ses clients, qui s'efforce de décrypter, à partir d'une analyse faciale, leurs réactions face à différentes propositions financières. S'ils le souhaitent, leur chargé de compte pourra ainsi être averti des éléments, relatifs à leurs finances, qui les mettent les moins à l'aise. Aujourd'hui, MetLife lance Upwise, une appli de finance personnelle qui s'efforce de tenir compte de l'humeur de ses utilisateurs.

Ensuite, certaines applis bancaires ont commencé à donner une dimension émotionnelle à leurs recommandations d'épargne. Tangerine (ex ING Direct au Canada) propose par exemple de faire de « Small Sacrifices ». Les mots comptent. On n'épargne plus. On se prive, un peu, pour atteindre ses objectifs. L'appli intègre cette dimension psychologique de renoncement et s'attache à déterminer quels « petits sacrifices » on sera finalement tout content d'avoir fait.

Il s'agit ainsi d'être raisonnable et, en 2016, Ally Bank aux Etats-Unis testait Splurge Alert pour inviter ses utilisateurs à résister aux tentations. L'appli s'efforçait de détecter certaines dépenses sans doute pas très utiles. Notamment parmi celles qui ont tendance à se répéter, estimait-elle, trop souvent. De sorte que des alertes puissent se déclencher lorsqu'on arrive à proximité de certains magasins familiers...

Ces démarches côtoient d'assez près l'univers des jeux. Et AG2R La Mondiale vient justement de lancer, avec d'autres partenaires, un escape game pour lutter contre des addictions. Des jeux, donc des récompenses : la chaîne de pharmacie américaine Walgreens propose une carte de crédit avec un programme de fidélité qui récompense particulièrement la réalisation d'objectifs personnels de maintien en forme. Des récompenses ? Donc des punitions, qui viendront sans doute également. Tesla vient déjà d'annoncer que la dernière version de son mode de conduite semi-autonome ne sera pas accessible aux conducteurs dont la conduite sera jugée trop dangereuse par les algorithmes embarqués dans les voitures.

En France, de telles approches demeurent rares. Et vous êtes sans doute en train de penser : heureusement ! Car bien entendu, il s'agit là de dispositifs de surveillance, de commandement presque, qui ont quelque chose d'effrayant. Et qui nous installent dans un rôle d'enfant-roi, perpétuellement geignard et toujours victime, au risque de rendre complexe le service client. La banque-nounou pourrait assez vite avoir du mal à supporter son client-bébé !

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Guillaume Alméras
© 2021 Guillaume Alméras

Guillaume Alméras est fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor, en partenariat avec Carlin Creative Trends, premier bureau international de tendances.