La remontée des taux relance l'attrait des Français pour les livrets d'épargne à l'image du Livret A. Les banques se livrent à une concurrence féroce en multipliant les taux boostés pour leurs livrets bancaires. Alors que la Banque centrale européenne tance les banques sur leurs risques carbone, l'affichage de l'empreinte carbone des livrets bancaires doit devenir la règle, estime dans une tribune Vincent Auriac, président d'Axylia, cabinet spécialisé dans la finance responsable.

Vincent Auriac, Vincent Auriac, président d'Axylia, cabinet spécialisé dans la finance responsable
Vincent Auriac
Vincent Auriac, président d'Axylia, cabinet spécialisé dans la finance responsable

Le taux livret A s'est nettement redressé : encore à 0,5% en janvier 2022, il est passé à 2% en août dernier et même à 3% début février. Il redevient le placement stars des Français devant l'assurance vie avec un taux de revalorisation moyen de 1,28% l'an passé et probablement limité à 2% cette année.

Des encours considérables

Les Français plébiscitent de longue date les livrets réglementés (défiscalisés) ou pas. L'encours de l'épargne réglementée (Livrets A, Bleu, LDDS, LEP, PEL, PEP, CEL, Livrets Jeunes) dépasse 850 milliards d'euros. Les livrets ordinaires et les comptes à terme cumulent 335 milliards d'euros. Soit un total proche de 1 200 milliards d'euros. C'est à comparer aux 1 500 milliards d'euros placés sur les fonds euros d'assurance vie et aux 450 milliards d'euros en unités de compte sur un total de 5 700 milliards de patrimoine financier des ménages, selon l'évaluation de la Banque de France.

« Le livret reste un produit d'appel redoutable »

Un enjeu de communication

2022 a été très compliquée avec un recul de -10% pour les obligations et pour les actions du CAC 40. Dans un tel contexte, le livret reste un produit d'appel redoutable associant rendement positif et forte liquidité. De nombreux acteurs comme Distingo, Cashbee ou autres Monabaq multiplient d'ailleurs les taux boostés pour attirer les dépôts des particuliers.

Empreinte carbone des livrets et fonds monétaires

Mais ces produits embarquent du CO2 à travers l'usage qui est fait des dépôts. Etonnamment, aucun chiffrage carbone n'est disponible pour les livrets réglementés. Pour les livrets bancaires, on peut considérer que leur empreinte carbone est celle du bilan des banques. Selon Oxfam, elle se monterait en moyenne à 480 kilos pour 1 000 euros placés ce qui équivaut à l'utilisation quotidienne d'une voiture pendant trois mois. La plus grosse empreinte serait celle d'un livret à la Société Générale (650 kilos), la plus faible est proposée par le Crédit Coopératif et la NEF (120 kilos). Nous n'avons très souvent pas de chiffre pour des néo-acteurs comme Orange Bank ou comme les néo-entrants éthiques, les plus proches de l'exigence climatique.

« Imposer une information standardisée, claire et transparente qui autorise la comparabilité carbone des livrets d'épargne »

Le défi du changement climatique

La Banque centrale européenne (BCE) a procédé à une revue approfondie de la gestion des risques liés au climat de 186 banques dans 21 pays et détenant des actifs totaux de 25 000 milliards d'euros. Constat : 60% des banques n'ont pas de dispositif adéquat pour identifier et gérer les risques climatiques et environnementaux de leurs investissements. La BCE a fixé des délais à chaque banque pour se mettre en règle d'ici fin 2024.

Dans ce contexte, les acteurs financiers doivent user de pédagogie financière et climatique. A l'unisson du calendrier de la BCE et des réglementations SFDR/MIFID (qui prévoient une meilleure information extra-financière des épargnants et la prise en compte de leurs attentes en la matière), les régulateurs doivent imposer une information standardisée, claire et transparente qui autorise la comparabilité carbone des livrets d'épargne avec les autres placements, dans l'intérêt des Français et du climat.