Malgré des améliorations depuis 10 ans, des inégalités subsistent entre les ménages pauvres et le reste de la population dans l’accès aux produits et services bancaires. Illustration en 4 points, tirés du récent rapport du Crédoc.

Près de 10 millions de Français – 9,3 millions précisément, soit près de 15% de la population générale et 21% des enfants, selon l’Insee - vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, fixé à 1 063 euros par mois. Tous les 10 ans, le Crédoc (1) pose la question, à la demande du CCSF (2) : quel accès ces ménages pauvres ont-ils aux services financiers ?

Les résultats de cette enquête (3) réalisée en 2019, après 2001 et 2010, viennent de paraître. Ils confirment le très haut niveau d’équipement bancaire en France, quel que soit le niveau de vie. 99% des Français détiennent en effet un compte de dépôt, et 94% des pauvres disposent d’une carte bancaire. Sur certains points, pourtant, des différences, voire un fossé, persistent entre la population en général et les ménages pauvres en particulier. Voici quelques chiffres qui l’illustrent.

Frais bancaires : un ménage pauvre sur 2 ne sait pas combien il paye

51% des bénéficiaires de minima sociaux et 49% des ménages en situation de pauvreté ne savent pas ce que leur coûte chaque année leur compte bancaire, contre 44% de la population en général. C’est un sujet, pourtant, sur lequel la situation s’est plutôt améliorée depuis 2010, à l’initiative surtout des principaux intéressés. « La connaissance des conditions tarifaires est souvent le fruit de recherches d’informations préalables sur les différents tarifs, notamment chez les ménages les plus modestes qui manquent de marges de manœuvre dans la gestion du budget », note ainsi le Crédoc.

Du flou subsiste également sur les services associés au compte bancaire : 33% des pauvres ne savent pas à quoi ils correspondent, ni à quoi ils servent. C’est 10 points de plus que la population générale.

La Banque Postale et le Crédit Agricole, les banques des pauvres

Où les ménages pauvres ouvrent-ils leurs comptes bancaires ? Massivement à La Banque Postale et au Crédit Agricole. Le rapport ne détaille pas les chiffres précis, mais classe les banques par seuil de part de marché. Les deux enseignes approchent ainsi, ou dépassent, les 20% de parts de marché, à la fois chez les bénéficiaires de minima sociaux et les ménages pauvres. Pourtant les moins chères, les banques en lignes recrutent peu parmi les pauvres : ils ne sont que 9% à en être clients, contre 13% de la population générale.

À consulter : quelles sont les banques les moins chères ?

Incidents de paiement : un ménage pauvre sur 3 est concerné

Ce n’est pas un scoop, malheureusement : plus nos ressources sont limitées, plus on s’expose aux incidents de paiements. 29% des bénéficiaires de minima et 27% des ménages pauvres sont ainsi confrontés à des découverts non autorisés, contre 16% de population en général.

Conséquence logique : les ménages en difficultés financières payent plus souvent que les autres des frais d’incidents de paiement : commissions d’intervention, rejets de chèque ou de prélèvement… Au cours de l’année écoulée avant l’enquête, cela a été le cas de 20% des bénéficiaires de minima sociaux et de 15% des ménages pauvres, contre 8% seulement des détenteurs de compte en général.

Offre spécifique : 4% des bénéficiaires de minima sociaux en profitent

Pour éviter aux ménages pauvres de crouler sous les frais d’incidents, les banques ont trois obligations : repérer leurs difficultés, les protéger avec un plafond de frais et leur proposer de souscrire une offre spécifique destinée à la clientèle fragile (OCF), facturée 3 euros par mois au plus. C’est loin d’être un succès. Moins d’un tiers des ménages pauvres connaissent l’existence de cette offre et parmi eux, 6% seulement (13% des bénéficiaires de minima sociaux) y ont effectivement souscrit. Au total, seuls 4% des bénéficiaires de minima sociaux profitent de forfait à bas coût.

Il faut dire que ce dernier est très contraignant. Avec sa carte à autorisation systématique et en l’absence de chéquier, il n’offre aucune marge de manœuvre : quand le compte est vide, il devient impossible de payer, même de la nourriture en fin de mois. Les ménages pauvres sont ainsi 73% à préférer posséder un chéquier, quitte à s’exposer à des incidents de paiement.

Crédit immobilier : 12% des pauvres en remboursent un

Pas facile d’emprunter pour acheter sa résidence principale quand on est pauvres… De fait, seuls 12% des ménages défavorisés ont un crédit immobilier en cours de remboursement, contre 29% des Français en général. Pourtant, la situation s’est améliorée depuis 10 ans, note le Crédoc, ce chiffre étant en hausse de 4 points.

À l’inverse, le recours au crédit à la consommation est en repli : 13% des ménages en remboursent un, contre 23% il y a 10 ans. 4 fois sur 10, ils l’ont contracté non pas pour acheter un bien, mais pour payer des factures. Les difficultés de remboursement concernent ainsi un quart des ménages pauvres concernés, contre 10% de la population générale des emprunteurs.

(1) Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des Conditions de Vie. (2) Comité consultatif du secteur financier : instance chargée, au sein de la Banque de France, de la concertation entre les pouvoirs publics, les professionnels du secteur financier et les consommateurs. (3) « Les conditions d’accès aux services financiers des ménages vivant sous le seuil de pauvreté », enquête quantitative menée auprès 1 000 personnes en population générale, 800 personnes aux minima sociaux et 800 personnes en situation de pauvreté.