Et si votre banque faisait faillite, emportée par une grave crise financière ? Cette crainte, lancinante depuis la crise des subprimes, touche aussi, parfois, les sociétaires, qui ont acheté une petite part du capital de leur banque mutualiste.

« En cas de faillite de la banque, le sociétaire peut-il être appelé à combler les pertes ? » Cette question revient avec insistance, en commentaires d’articles et sur le forum de cBanque mais aussi sur bien d’autres blogs ou forums traitant des finances personnelles. Question simple, réponse simple ? Finalement, non. Plusieurs cabinets de conseil en actuariat, généralement les références en matière de solvabilité bancaire, ont été contactés. Tous ont préféré passer leur tour…

Que disent les textes ?

Pourquoi est-il si difficile de répondre à cette question ? Car le droit du mutualisme est dense et complexe. Le code monétaire et financier dédie une section au Crédit Agricole, une aux Caisses d’Epargne, une au Crédit Mutuel, une au Crédit Maritime, une aux Banques Populaires… Et si les termes législatifs divergent pour chacun des réseaux, la loi renvoie globalement aux statuts de chacune des banques mutualistes.

Dans les statuts des banques mutualistes

Voici les termes utilisés par les réseaux mutualistes, en sachant toutefois que les statuts peuvent changer, d’une caisse à une autre, au sein d'un même réseau.

  • Crédit Agricole : « Les sociétaires sont engagés jusqu’à concurrence du montant des parts sociales souscrites par eux. »
  • Caisse d’Epargne : « Votre responsabilité, limitée au montant de l’apport, est engagée jusqu’à 5 ans après le retrait. »
  • Banque Populaire : « Une responsabilité limitée au capital investi. »
  • Crédit Mutuel : « En cas de liquidation de la caisse, le sociétaire peut être responsable sur le montant de ses parts sociales. » (part A) « L’engagement des sociétaires ne peut toutefois aller au-delà de la valeur nominale des parts souscrites. » (part B)
  • Crédit Mutuel de Bretagne (groupe Arkéa) : « La responsabilité de chaque sociétaire est limitée au montant des parts sociales qu’il a souscrites. Cette responsabilité ne peut être mise en cause qu’en cas de liquidation de la caisse. »
  • Crédit Coopératif : « La responsabilité de chaque sociétaire est limitée à la valeur de ses parts. »

Verdict ? Les statuts listés ci-dessus délimitent tous les risques de la même manière : en cas de faillite d’une banque mutualiste, les sociétaires peuvent perdre leur capital, l’argent utilisé pour acheter leur part sociale, rien de plus. Ils ne sont donc pas solidaires des dettes au-delà du montant de leur investissement. L’Autorité des marchés financiers (AMF) résume d’ailleurs le risque de l’investissement en parts sociales en ces termes : « Le principal risque réside dans la faillite de l'émetteur (la banque ou la mutuelle) qui a émis ces parts sociales. Dans ce cas, les parts sociales ne valent plus rien et ne peuvent plus être échangées. »

Reste une nuance : la mention des « 5 ans » apparaît dans plusieurs cas, soit dans les statuts, soit dans le code monétaire et financier. Cela signifie que si la faillite surgit quelques mois ou années après la vente de vos parts sociales, votre responsabilité peut encore être engagée : en clair, vous pourriez avoir à rembourser l’argent perçu lors de la revente de ces parts.

Quels mécanismes pour éviter une faillite ?

Les statuts prévoient le cas de la faillite, mais il faut toutefois rappeler l’existence de nombreux filets destinés à empêcher qu’une crise n’aboutisse à la liquidation d’une caisse locale, régionale voire d’un groupe mutualiste.

« Faut-il s’inquiéter ? Non ! » réagit Bertrand Schaefer, secrétaire fédéral de la Fédération nationale du Crédit Agricole. « On parle d’un cas de défaut absolu, de la faillite d’une caisse régionale ou de la mise en œuvre du bail in [renflouement interne, NDLR] pour le groupe Crédit Agricole », insiste Bertrand Schaefer, qui rappelle les statuts (voir plus haut) en cas de faillite d'une caisse régionale. « Dans le scénario extrême d’un bail in, les sociétaires risquent au maximum de perdre le capital qu’ils ont investi, l’autorité de résolution pouvant décider de déprécier la valeur nominale des parts sociales afin d’absorber les pertes. Compte tenu de la solidité des fonds propres d’une caisse régionale du Crédit Agricole, de l’existence d’un dispositif de solidarité interne au groupe, et des mécanismes de solvabilité au niveaux français et européen, ces deux scénarios sont hautement improbables ! Lors de la crise financière, il n’y a pas un seul sociétaire de banque mutualiste qui ait perdu un euro de part sociale. »

« Lors de la crise financière, il n’y a pas un seul sociétaire de banque mutualiste qui ait perdu un euro »

Même si chaque groupe mutualiste dispose de sa propre organisation, tous prévoient un mécanisme de solidarité interne : en cas de défaillance d’une caisse locale ou régionale, le groupe doit lui venir en aide. La Caisse d’Epargne précise d’ailleurs dans son information aux sociétaires que « le risque investisseur (risque de perte en capital) porte sur le groupe BPCE et non sur la SLE [Société locale d’épargne] ou la Caisse d’Epargne (du fait du mécanisme de solidarité interne au groupe BPCE). »

Enfin, chacun de ces groupes bancaires est soumis au mécanisme de supervision unique (MSU) de la Banque centrale européenne. Le rôle du MSU est de prévenir tout risque de défaillance, en contraignant notamment les banques à augmenter leurs capitaux en réserve. La Confédération nationale du Crédit Mutuel ajoute ainsi que le risque est « extrêmement limité » : « En cas de pertes financières, elles sont en premier lieu absorbées par les réserves avant éventuellement de toucher les parts sociales. A fin 2018 les réserves du groupe Crédit Mutuel représentent un matelas de protection de 40 milliards d’euros pour 10 milliards d’euros de parts sociales. »

Ce qu’il faut retenir

  • Pour en avoir le cœur net, il faut vous plonger dans les statuts de la caisse locale de votre banque mutualiste, ou réclamer la « fiche technique » ou autre « fiche clarté » liée à vos parts sociales à votre conseiller bancaire. Votre responsabilité, en tant que sociétaire, est définie dans ces documents.
  • Dans la plupart des cas, le risque encouru est de perdre l’argent investi sur ces parts sociales. Mais il ne va pas au-delà de cette perte en capital.

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