La Caisse d'Epargne a demandé mercredi 315 millions d'euros de dommages et intérêts à son ex-trader Boris Picano-Nacci pour les pertes qu'il lui a fait subir à l'automne 2008, lors d'opérations à haut risque sur les marchés financiers, alors en pleine crise.

Ce trader a pris « des positions extrêmement risquées et non autorisées par son mandat de gestion extinctive », qui consistait à fermer progressivement son portefeuille sans nouvelle prise de risques, a déclaré devant le tribunal correctionnel de Paris Me Marion Lambert, l'une des avocates de la banque, partie civile. « Cela a conduit à un préjudice colossal ».

La Caisse d'Epargne (aujourd'hui fondue dans le groupe BPCE) avait en effet décidé en juillet 2008 de fermer d'ici la fin de l'année sa petite activité d'investissement de ses fonds propres. En prenant en septembre-octobre des positions hautement spéculatives, M. Picano-Nacci a commis selon l'avocate, non pas de simples « erreurs de gestion » comme l'affirme la défense, mais « une infraction pénale », l'abus de confiance. Il encourt à ce titre trois ans de prison et 375.000 euros d'amende.

Le chiffre de 315 millions d'euros qui lui est demandé par la banque comme « réparation » de son préjudice est « extravagant », a convenu Me Jean Reinhart, également conseil de la banque. Mais « c'est le droit qui s'applique ».

M. Picano-Nacci, 37 ans, est aujourd'hui sans emploi et le salaire de sa femme rapporte à son ménage environ 2.000 euros par mois, avait-il dit à l'ouverture du procès. « Cette somme, jamais il ne pourra la rembourser », a ajouté Me Reinhart. « Il y aura recouvrement avec intelligence et discernement », a-t-il promis, « mais nous voulons une condamnation de principe ».

Me Lambert a rappelé que, alors que les marchés financiers étaient secoués depuis 2007 par la crise des subprimes, M. Picano-Nacci avait pris à l'automne 2008 « des positions extrêmement risquées, pas vues ni acceptées » par la banque. Elle a rappelé qu'il avait notamment « parié sur le fait qu'il n'y aurait pas de faillite de Lehman Brothers », « une opération purement spéculative qui ne rentrait pas dans son mandat ». Or, le dépôt de bilan de la banque d'affaires américaine avait provoqué le krach boursier de septembre 2008 et en essayant de se « refaire », le trader avait creusé ses pertes.

« Je voulais faire mon métier »

« Je n'ai jamais eu conscience d'outrepasser mon mandat, encore moins d'enfreindre la loi », a réaffirmé l'ex-trader. « Je n'avais pas conscience de l'ampleur de la crise », « je voulais faire mon métier, je suis désolé des conséquences que ça a eu ». Me Reinhart a salué le fait que contrairement à Jérôme Kerviel, M. Picano-Nacci n'ai « jamais fui ses responsabilités » et qu'il ait « choisi un avocat qui ne cherche pas à se faire de la publicité dans les médias à travers une situation douloureuse ». Le 24 octobre, Jérôme Kerviel a été condamné en appel à trois ans de prison ferme et à verser 4,9 milliards de dommages et intérêts à la Société Générale, pour sa responsabilité dans la perte record enregistrée par la banque en janvier 2008.

Le procès se poursuivra lundi avec le réquisitoire du procureur, Serge Roques, et les plaidoiries de la défense (Me Martin Reynaud). Le tribunal mettra ensuite sa décision en délibéré.