Changer de banque ? Un jeu d'enfant si vous êtes un particulier. Mais pour les professionnels, c'est une autre histoire. Pourquoi la mobilité bancaire des entreprises est-elle à l'arrêt ? MoneyVox vous répond.

Les Français changent peu de banque. En 2020, seuls 4,7% d'entre eux ont osé quitter leur banquier, contre 5,5% l'année précédente, selon une étude du cabinet Bain & Company. Pourtant, depuis le 6 février 2017, les banques ont l'obligation de proposer à leurs clients particuliers un service d'aide à la mobilité bancaire.

Ce dispositif, prévu par la loi pour « la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques », vise à faciliter les démarches des particuliers qui souhaitent changer de banque. Une simple signature, et votre nouvelle banque s'occupe à votre place de contacter les comptes qui virent ou prélèvent de l'argent sur votre compte à échéances régulières.

Rien de tel pour les professionnels. L'article L312-1-7 du Code monétaire et financier est très clair sur ce point : « le service d'aide à la mobilité bancaire s'applique aux comptes (...) ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels ».

Très chers frais bancaires

Les professionnels auraient pourtant tout à gagner s'ils pouvaient davantage faire jouer la concurrence entre les banques. Que ce soit pour profiter de services mieux adaptés à leur entreprise, dont les besoins bancaires peuvent évoluer dans le temps, ou simplement pour faire des économies.

Car les frais bancaires représentent en moyenne 0,69% du chiffre d'affaires des professionnels, d'après un rapport de l'Observatoire du financement des entreprises (OFE). Ce chiffre vous semble faible ? Il n'a pourtant rien d'anodin. Un professionnel paie en moyenne 1 700 euros de frais bancaires par an. Soit 10 fois plus qu'un particulier.

Derrière ce chiffre se cachent d'importantes disparités. « J'ai un compte pro chez Société Générale, que je paie 225 euros au lieu de 513 euros. Mais cela reste trop cher pour le peu de services que j'utilise », témoigne Aptenodytes sur le forum MoneyVox. « En comparant, j'ai des devis allant de 28 euros à 50 euros par mois pour le même service dans d'autres banques ».

Parmi les irritants souvent cités : les tristement célèbres commissions de mouvement. Toutefois, cette ligne tarifaire n'est pas la seule à faire grincer des dents les professionnels. « Il y a des commissions sur à peu près tout. Le CIC fait payer le virement internet 20 centimes ! Une toute petite somme, bien sûr, mais qui montre bien la logique d'appliquer des frais aux pros dès que c'est possible », raconte Tomas466, un autre contributeur du forum.

Notre comparatif des banques en ligne pour les professionnels

La mobilité au point mort

Toutefois, même face à des frais prohibitifs, ou lorsqu'ils ne sont pas satisfaits de leur banque, beaucoup de professionnels optent pour le statu quo, faute d'un dispositif de mobilité bancaire adapté. « Les pros n'ont pas le luxe de pouvoir changer de banque facilement », explique Bénédicte Caron, vice-présidente en charge des affaires économiques au sein de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). « Il faut prévenir manuellement tous les clients, les fournisseurs, les services de l'Etat... Cela prend beaucoup de temps », poursuit-elle.

D'autant qu'en cas d'erreur, la note peut s'avérer salée. « Les professionnels ne peuvent pas se permettre d'avoir un paiement refusé ou leur ancien compte bancaire crédité à la place du nouveau », note Germain Michou-Tonning, directeur des partenariats chez Qonto, une solution de gestion financière pour les professionnels. Pour des motifs économiques, bien sûr, mais aussi pour préserver leur image vis-à-vis de leurs clients et fournisseurs.

Sans oublier qu'en cas de rejet de chèque ou de prélèvement sur l'ancien compte, la banque facturera des frais d'incident. A la différence des particuliers, ces frais ne sont pas plafonnés chez les professionnels. Leur montant s'élevait en moyenne à 19,30 euros par mois, d'après le rapport de l'OFE.

Compte pro : faut-il plafonner les frais bancaires pour les professionnels ?

La résistance s'organise

Alors les pros sont-ils condamnés à rester dans la même banque toute leur vie, comme l'étaient encore les particuliers il y a quelques années ? Pas nécessairement. Car face au silence du législateur, la résistance s'organise. Plusieurs banques ont décidé de créer un dispositif d'aide à la mobilité bancaire pour accompagner leurs clients professionnels. C'est par exemple le cas de Qonto, qui compte aujourd'hui plus de 300 000 clients en Europe. Cette banque pro en ligne a imaginé un « service d'aide au transfert de compte », compatible avec 165 banques en France.

« Nous analysons de manière sécurisée les transactions de l'ancien compte bancaire grâce à un agrégateur, afin d'identifier toutes les transactions qui nécessitent des démarches », détaille Germain Michou-Tonning. « Ces démarches consistent par exemple à contacter un client pour lui transmettre son nouveau RIB, modifier des coordonnées de carte bancaire, changer un prélèvement automatique, ou informer le centre des impôts ».

En l'absence d'un mandat de mobilité bancaire autorisant la banque à prendre les devants, comme c'est le cas pour les clients particuliers, le transfert n'a toutefois rien d'automatique. Qonto se contente de fournir au client une liste complète des tâches à effectuer, qu'il peut cocher au fur et à mesure qu'il progresse dans sa migration. « Nous prévoyons d'enrichir encore ce dispositif, en ajoutant un service de veille sur l'ancien compte, pour s'assurer que rien n'a été oublié », complète Germain Michou-Tonning.

D'autres banques ont également pris l'initiative de mettre en place un service d'aide à la mobilité pour leurs clients professionnels. C'est notamment le cas de la Caisse d'Epargne ou encore du CIC, qui propose « une prise en charge à 100% des démarches nécessaires au transfert de vos comptes professionnels » avec son service ​​Transfert Facile Pros. De quoi soulager les professionnels à la recherche d'une nouvelle banque, en attendant que la pratique se démocratise.

Compte pro : les banques sont-elles larguées ?