Ralentissement économique oblige, les banques ont vu leurs profits chuter au 2e trimestre. La Société Générale a même été déficitaire. Ces mauvais résultats vont-ils être répercutés dans les frais bancaires facturés aux clients ?

Les secteurs du tourisme et de l’aéronautique sont les plus impactés par la crise du coronavirus. Néanmoins, les banques aussi sont frappées de plein fouet, parce que leurs activités sont directement corrélées à la bonne santé des entreprises et à la consommation des particuliers. En attestent leurs résultats catastrophiques au 2e trimestre 2020.

La Société Générale a ainsi terminé le trimestre dans le rouge en perdant 1,26 milliard d’euros. Si BPCE – le groupe né du rapprochement de la Banque Populaire avec la Caisse d’Epargne – est, lui, resté rentable durant le trimestre écoulé, son résultat net a tout de même chuté de 86%, tombant de 958 millions d’euros au 2e trimestre 2019 à 131 millions d’euros sur la même période en 2020. Certaines banques semblent toutefois faire preuve de plus de résilience. Le Crédit Agricole a ainsi vu son résultat net baisser de seulement 18%, à 1,48 milliard d’euros. C’est encore plus vrai pour BNP Paribas qui a dégagé un bénéfice net de 2,3 milliards d’euros sur le trimestre écoulé, en repli de moins de 7% sur un an.

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S’attendant à ne pas être remboursées, les banques épargnent

La crise sanitaire et ses conséquences économiques sont loin d’être terminées. La pandémie sera encore « très longue » et ses effets se feront ressentir « pour des décennies », expliquait le 31 juillet le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour combler les pertes actuelles et à venir, les banques constituent donc des réserves.

Nombre de leurs clients particuliers et professionnels risquent en effet de ne plus être en mesure de rembourser leurs emprunts. De fait, les règles de comptabilité obligent les établissements bancaires à passer de lourdes provisions. Par exemple, le Crédit Agricole a plus que doublé son provisionnement au 2e trimestre, en mettant plus de 1,2 milliard d’euros en réserve. Cet argent mis de côté explique d’ailleurs en partie les profits en berne.

Rogner sur les bénéfices n’est évidemment pas la seule réponse possible pour compenser une chute de revenus. Les banques peuvent aussi augmenter leur prix ou créer de nouveaux services payants, comme cela a pu être observé au milieu des années 2010. Après le plafonnement de certains frais liés au découvert bancaire (frais pour rejet de chèque ou de prélèvement, commissions d’intervention…), de nouvelles lignes sont apparues dans les plaquettes tarifaires ou ont été généralisées, comme la facturation des lettres d’information pour compte débiteur et les frais de tenue de compte.

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Peu de marge de manœuvre pour augmenter les prix

Toutefois, aujourd’hui, le risque d’inflation de prix est plus faible, nous expliquent plusieurs observateurs du secteur bancaire. « Dans cette période de grande turbulence, la banque de détail avec la hausse des dépôts des particuliers constitue pour les groupes bancaires une sorte de matelas de sécurité. A ce titre, les banques commettraient probablement une erreur stratégique en se rattrapant sur les particuliers », souligne ainsi François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs CLCV. « Certes, la banque n’est pas comme le marché de la téléphonie où les clients passent d’un opérateur à un autre au gré des offres commerciales. Mais cette faible mobilité bancaire est à double tranchant. Cela veut aussi dire que, si un client quitte sa banque, il ne reviendra pas », poursuit le porte-parole du CLCV.

« Si un client quitte sa banque, il ne reviendra pas »

En outre les banques ont moins de marge de manœuvre pour augmenter leur prix par rapport au début des années 2010, à cause du durcissement de l’encadrement des prix mais aussi de la concurrence accrue. « Elles pourraient par exemple augmenter les cotisations des cartes bancaires. Mais la pression concurrentielle forte, impulsée par les banques en ligne et leurs cartes gratuites, fait que c’est difficile », illustre Frédéric Guyonnet, président national du SNB CFE-CGC, premier syndicat du secteur bancaire.

Pour Frédéric Guyonnet, cette analyse vaut aussi pour les entreprises clientes : « Sur le segment professionnel, les tarifs sont moins réglementés. Les banques ont donc, en théorie, plus de latitude. Toutefois, ce marché est à la fois très concurrentiel et une source de revenus importante pour les banques. Je ne pense pas qu’elles prendraient le risque de ne plus attirer de nouveaux clients pros en augmentant leur prix », nous explique ce syndicaliste. Un argumentaire également porté par Laurent Trichet, fondateur du cabinet centré sur le secteur bancaire Sémaphore Conseil : « Avec l’implantation des néobanques spécialisées comme Qonto et Shine ou encore des offres bon marché des banques en ligne comme Boursorama et Monabanq, il y aura probablement, après les particuliers, une nouvelle guerre des prix sur les comptes professionnels ».

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Le coronavirus, accélérateur des évolutions tarifaires

Toutefois, si Laurent Trichet ne croit pas à une hausse rapide et généralisée des prix, cet expert pense que la crise actuelle pourrait servir d'accélérateur des évolutions tarifaires en cours. « Ce qui se dessine ces dernières années est la montée en puissance de la tarification segmentée en fonction du canal utilisé. Les banques de réseau et les banques en ligne vont se mettre à faire payer de plus en plus cher les opérations en agences ou effectuées en passant par un centre de relation client. Des opérations qui, réalisées en toute autonomie via l’application mobile ou l’espace client en ligne, resteraient gratuites », analyse le fondateur de Sémaphore. Ainsi, d'ores et déjà, le coût d'un virement en agence a bondi de 4% entre 2019 et 2020, d'après nos calculs.

Les banques vont « faire payer de plus en plus cher les opérations en agences »

« On est encore loin de l’avènement du modèle anglo-saxon en France avec la facturation des rendez-vous clients », nuance Frédéric Guyonnet du SNB. A ce propos, en septembre 2019, une étude du cabinet de conseil Deloitte avait jeté un pavé dans la mare en estimant que près de la moitié des Français seraient prêts à payer les rendez-vous avec leur conseiller bancaire, à condition que le compte et la carte bancaire soient gratuits.

Payer son conseiller personnel : réalité ou fiction ? D’après nos informations, BNP Paribas serait en train de tester une formule proche. La banque proposerait à certains clients de basculer sur une offre facturée 12 euros par mois pour bénéficier d’avantages tarifaires et conserver un conseiller fixe et attitré. Si le client refuse, il perdrait alors son conseiller personnel et devrait, en cas de besoin, contacter la plateforme téléphonique de BNP Paribas. Cette offre va-t-elle être généralisée ? Contactée, BNP Paribas n’a pour l’heure pas donné suite à notre sollicitation.

De nouvelles fermetures d’agences

Entre 2015 et 2019, d’après l’Observatoire des métiers de la banque, les établissements adhérents de l’Association française des banques ont réduit de 4,5% leur effectifs. Selon Frédéric Guyonnet, président national du SNB CFE-CGC, la crise du coronavirus va conforter cette recherche d’économies sur les coûts fixes : « Sur le réseau d’agences et les charges de personnels, je ne serais pas étonné que de nombreuses enseignes, comme LCL ou la Société Générale, réduisent encore la voilure. Plusieurs semaines après le déconfinement, plusieurs salariés de LCL s’inquiétaient que leur agence n’avait pas encore rouverte », nous explique-t-il.

« Certaines banques mutualistes tirent parfois jusqu’à un tiers de leurs résultats nets des dividendes versés par leur maison-mère. En 2021, elles risquent donc d’être fortement impactées par la chute des profits de cette année », souligne également le syndicaliste. Touchés en décalé, les groupes mutualistes (Crédit Mutuel, Banque Populaire, Caisse d’Epargne…) pourraient, selon Frédéric Guyonnet, être incités à relancer les fusions de caisses régionales pour générer des économies de fonctionnement. Pour rappel, entre 2016 et et 2017, le groupe BPCE avait finalisé 3 rapprochements de caisses régionales de Banque Populaire (Grand Ouest, Méditerranée et Auvergne Rhône Alpes).