Annoncée fin 2019, Prismea s'est officiellement jetée dans l'arène du compte pro en ligne à l'automne 2020. Cinq mois plus tard, cette filiale d'une banque traditionnelle annonce le lancement de nouvelles fonctionnalités. L'occasion pour MoneyVox de s'entretenir avec son co-fondateur Dorian Cauvas.

Qui a dit que néobanques et banques traditionnelles ne faisaient pas bon ménage ? C'est en tout cas sur ces offres bancaires sur mobile que comptent le Crédit Agricole (avec Blank), la Société Générale (avec Shine) ou encore le Crédit du Nord (avec Prismea) pour attirer et fidéliser les dirigeants d'entreprise en quête d'autonomie et de transparance sur la tarification de leur compte bancaire professionnel. A l'occasion de la sortie de nouvelles fonctionnalités dont l'agrégation de comptes et l'espace client accessible depuis un ordinateur, MoneyVox s'est entretenu avec Dorian Cauvas, co-fondateur de Prismea qui se présente comme la plus locale des néobanques pour les pro.

Pouvez-vous rappeler brièvement l'origine de Prismea. Et, pourquoi en être passé par la création d'une filiale du Crédit du Nord plutôt que par l'intégration directe de votre offre au catalogue de la banque ?

Dorian Cauvas : « Avant de créer Prismea, mon associée et moi avions déjà une connaissance des problématiques propres aux clients professionnels et entreprises. Me concernant, j'ai travaillé 10 ans au sein du groupe Société Générale, en tant que directeur d'agence puis comme responsable du pôle Entreprise de Bourgogne où j'accompagnais des entreprises de taille intermédiaire, ayant pour certaines un rayonnement à l'international. Au fil de mes échanges, j'ai perçu que les entrepreneurs étaient en attente d'autonomie dans la gestion de leur compte bancaire professionnel. Ces expériences m'ont permis de développer une expertise très fine et d'identifier les besoins des chefs d'entreprise et notamment leur attente d'autonomie dans la gestion de leur compte bancaire et d'accompagnement dans la gestion de leur trésorerie.

En parallèle, la Société Générale, en quête de stimuler l'innovation, a lancé en 2018 un concours interne de start-up. Prismea est née de ce programme d'intrapreneuriat, durant lequel nous avons identifié une certaine proximité avec le Crédit du Nord. Filiale du groupe Société Générale, ce réseau est reconnu dans l'univers des petites et moyennes entreprises et dispose d'un ancrage local fort. Deux caractéristiques en adéquation avec l'esprit que nous voulions donner à Prismea. »

Dans vos communications comme sur votre site internet, vous insistez en effet beaucoup sur votre proximité avec votre maison-mère. Pour vos clients, comment cette proximité se matérialise-t-elle ?

D.C. : « Prismea dispose d'une gouvernance propre. Techniquement, nous ne sommes pas reliés au système d'information du Crédit du Nord, mais adossés à Treezor - qui fait aussi partie du groupe Société Générale – ce qui nous permet de proposer des services de paiement. En revanche, nous avons une proximité commerciale avec notre maison-mère. Il est possible de souscrire à Prismea en ligne, mais également dans les agences du Crédit du Nord. Nos commerciaux sont allés à la rencontre des conseillers professionnels pour les former à nos formules de compte et ainsi leur permettre de proposer Prismea quand cela est adapté. Ce canal d'acquisition n'est pas négligeable. 30% de nos clients viennent par le biais des agences du Crédit du Nord. »

Outre ce lien avec le Crédit du Nord, en quoi Prismea se démarque-t-elle des nombreuses autres néobanques pour les pros qui se sont lancées ces dernières années ?

D.C. : « Nous ciblons essentiellement les petites et moyennes entreprises, ayant entre 1 et 50 salariés, qui sont déjà en activité et, de fait, ont déjà un compte bancaire professionnel. Outre le gain d'autonomie déjà évoqué, nous souhaitons les accompagner dans la gestion et l'optimisation de leur trésorerie. C'est là que se situe notre axe majeur de différenciation. Concrètement, cela se traduit par la possibilité offerte à nos clients d'agréger tous leurs comptes professionnels et donc d'avoir, depuis leur interface Prismea, une vision consolidée de leurs avoirs. Cela se matérialise aussi par l'option multi-comptes. Elle permet aux dirigeants d'ouvrir plusieurs sous-comptes dans le but notamment d'isoler certaines transactions ou certains fournisseurs afin, là encore, d'apporter de la lisibilité sur leurs flux financiers. »

L'agrégation de comptes, qui peut vous donner une vision consolidée de la situation financière de vos clients, est-elle la première brique pour vous permettre de proposer du crédit instantané, l'un des développements envisagés à votre lancement ?

D.C. : « Nous souhaitons effectivement avoir un parcours entièrement digitalisé, simplifié et intégré à l'application Prismea pour permettre à terme à nos clients d'emprunter et d'obtenir une réponse instantanée sur leur demande de prêt. »

Dans le giron également du groupe Société Générale se trouve une autre néobanque pour les professionnels, Shine rachetée l'an dernier. Voyez-vous des synergies potentielles ?

D.C. : « Shine et nous avons des cibles différentes. Shine est orientée plutôt sur les entreprises naissantes et les auto-entrepreneurs. A l'opposé, Prismea s'adresse à une clientèle de TPE-PME plus structurée et multibancarisée. Typiquement, nous ciblons l'artisan ayant 3 ou 4 salariés, l'entreprise de communication avec une équipe de commerciaux et plus généralement les entreprises, en région, qui veulent faire un pas vers la digitalisation de leur compte bancaire. »

Cinq mois après votre lancement commercial, combien de professionnels avez-vous attiré ?

D.C. : « Enjeux concurrentiels obligent, nous ne communiquons pas sur le nombre exact de clients, ni sur la ventilation par forfait [Prismea segmente son offre en 3 formules de compte selon la taille de l'entreprise, ndlr]. Je peux toutefois vous dire que nous avons à ce jours plusieurs milliers d'utilisateurs et qu'ils s'avèrent satisfaits de l'accompagnement que nous proposons. 98% d'entre eux se disent ainsi satisfaits de notre service client en termes de délai de réponse. »

La qualité de l'accompagnement humain est, j'imagine, un enjeu de fidélisation crucial. Combien de salariés sont affectés au service clients ? Et, plus généralement, combien êtes-vous chez Prismea ?

D.C. : « Basée à Lyon, Prismea compte 50 collaborateurs, dont des prestataires indépendants pour nos développements technologiques mais aussi 35 salariés en contrat à durée indéterminée. 6 d'entre eux travaillent au service client. A mesure que notre clientèle va augmenter, nous recruterons de nouveaux conseillers. »

En termes de prix, comment vous situez-vous ? Vos formules de 9 à 75 euros par mois sont-elles vraiment compétitives par rapport à un compte professionnel de banque traditionnelle ?

D.C. : « Nous avons construit nos forfaits sur la notion de volume d'opérations [retraits, virements, nombre de cartes et de compte, ndlr]. Plus la taille de l'entreprise augmente, plus elle va être orientée vers des formules plus complètes, à savoir Performance (29 euros par mois) ou Premium (75 euros par mois). Le compte Starter (9 euros par mois) sert essentiellement en phase de test, pour les entreprises qui souhaitent tester nos services avant de s'engager sur un forfait d'une gamme supérieure. Nous sommes très bien positionnés par rapport aux comptes professionnels classiques car nous ne prenons pas de commissions de mouvement [pourcentage de frais indexé sur les opérations débitrices sur les comptes professionnels, ndlr]. Cette commission est incluse dans le prix fixe de nos forfaits. Cela permet à nos clients d'avoir une visibilité totale sur leurs frais bancaires, ce qui, avec le mécanisme des commissions de mouvement, n'est pas possible dans les banques traditionnelles. Car dans les établissements avec agences, les périodes où les professionnels augmentent leur chiffre d'affaires ou décaissent plus d'argent vont mécaniquement s'accompagner d'une hausse des commissions de mouvement facturées. »

Retrouvez notre comparateur des comptes pro des néobanques