Dompter cette cryptomonnaie volatile pour la transformer en placement de « bon père de famille » : telle est la proposition de StackinSat avec son plan épargne bitcoin, que nous présente son fondateur Jonathan Herscovici, déjà connu dans l'univers fintech.

Jonathan Herscovici

Après avoir créé l'un des premiers robot-conseillers WeSave, qu'il a revendu en 2019 à Amundi, Jonathan Herscovici a lancé StackinSat, une plateforme d'investissement dédiée au bitcoin.

StackinSat a lancé en octobre un premier produit, le plan épargne bitcoin. Qu’est-ce que c’est ?

Jonathan Herscovici : « Notre plan épargne bitcoin est tout simplement une application qui permet d’acheter à intervalle régulier du bitcoin, pour une somme d’argent fixée à l’avance. Il est possible de débuter avec 10 euros sur une fréquence hebdomadaire ou mensuelle. Finalement, nous ne faisons qu’adapter au bitcoin la stratégie d’investissement programmé qui est la meilleure option pour s’exposer à long terme sur une classe d’actifs particulièrement volatile comme le bitcoin. Cette stratégie permet en effet de s’affranchir de la problématique du prix d’entrée. En investissant progressivement et de petites sommes, l’épargnant n’a pas la charge mentale de savoir si c’est le bon moment ou non d’acheter. »

A qui s’adresse ce produit ?

J.H. : « A tout le monde ! Notre objectif final est de démocratiser l’investissement en bitcoin, ce qui nécessite de passer par des étapes intermédiaires. Dans un premier temps, notre plan épargne bitcoin cible une population plutôt jeune, entre 18 et 35 ans, qui a déjà entendu parler des cryptomonnaies mais a besoin d’une solution ultra simplifiée d'accompagnement pour se lancer. Il est important que nos premiers clients soient déjà sensibilisés un minimum au bitcoin car le prérequis pour utiliser StackinSat est de s’équiper soi-même d’un « wallet » [un compte dédié pour héberger des cryptomonnaies, ndlr], ce qui n’est pas si compliqué pour quelqu’un qui a l’habitude de manier des applications. En 2021, nous proposerons notre propre solution de conservation de bictoins, ce qui permettra de nous ouvrir à une cible plus large. Mais à l’heure actuelle, notre enregistrement de prestataire de services sur actifs numériques « PSAN » nous autorise seulement à proposer de la livraison de bitcoins. »

« Pas si compliqué » : il y a quand même beaucoup de prestataires différents. L’acheteur doit gérer la problématique de la conservation et de la sécurisation de sa clé privée, le code qui lui donne accès à ses bitcoins. Conseillez-vous vos clients dans le choix de leur wallet ?

« Du bitcoin et seulement du bitcoin »

J.H. : « Bien sûr, nous recommandons de conserver les bitcoins sur des « hardware wallets » [des coffres forts numériques, ndlr] comme ceux proposés par Ledger qui est partenaire de StackinSat depuis son lancement. A partir de 1 000 euros de bitcoins, cela vaut le coup d’acheter un portefeuille sécurisé de Ledger qui coûte une centaine d’euros. Pour des sommes moins significatives, et pour les personnes qui débutent, nous préconisons d’installer un « hot wallet » [portefeuille en ligne, ndlr] directement sur leur smartphone. Nous recommandons d’installer le wallet Green proposé par la société Blockstream car il est très simple d’utilisation. Et, surtout, parce que BlockStream partage notre conviction de ne proposer que des services autour du bitcoin. »

En pratique, comment se passe l’investissement sur votre plan épargne bitcoin ? Quels sont les frais ?

J.H. : « Aujourd’hui, nous demandons aux prospects d’indiquer leur nom, prénom, adresse e-mail et numéro de téléphone. Ensuite, ils choisissent le montant qu’ils souhaitent investir et la périodicité des versements. Ils doivent également indiquer l’adresse de réception [leur clés publique, ndlr] où virer les bitcoins achetés. Le versement des euros se fait par virement SEPA uniquement. Après sa réception, nous nous engageons à livrer en 24 heures les bitcoins. On demande aux clients d’indiquer dans le libellé du virement un code de suivi pour nous permettre de les identifier. Puis, à partir du 4ème virement ou d’un cumul de 1 000 euros investis ou au bout de 90 jours, ils doivent nous communiquer leur pièce d’identité. En 2021, nous permettrons aussi de payer par carte bancaire et par mandat de prélèvement. Côté tarifs, nous prenons une commission en euro de 1,5% et nous offrons jusqu’au 31 décembre les frais de minage. C'est-à-dire les frais de transaction de la blockchain bitcoin. »

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Vous l’avez dit. Vous ne proposez que du bitcoin. Est-ce définitif ?

J.H. : « Nous assumons le fait de proposer un service d’épargne de long terme, du type « investissement de bon père de famille ». Or, à notre connaissance, seul le bitcoin a aujourd’hui le statut de réserve de valeur. L’ether, la 2ème cryptomonnaie la plus populaire après le bitcoin, a des vertus mais elle n’est pas une réserve de valeur. L’ether est en train de passer sur un nouveau protocole de sécurisation. Ce basculement va prendre plusieurs années et, s’il plante, le prix de cette cryptomonnaie risque de chuter. Nous souhaitons proposer un investissement qui tend à être stable sur le long terme, ce qui n’est pas assuré avec l’ethereum ou d’autres cryptomonnaies. »

La Maison du bitcoin, rebaptisée Coinhouse, dispose d’un centre de recherche pour repérer les futures pépites. Parmi elles, des cryptomonnaies indexées sur des valeurs refuges comme l’or. Ces produits ne sont-ils pas intéressants dans une perspective d’investissement de long terme ?

J.H. : « Sur la forme, vous avez raison. Sur le fond, ces cryptomonnaies sont souvent basées sur le même protocole que l’ethereum. Il s'agit donc d’un produit dérivé. Dans ce cas, vous ne détenez pas réellement l’or contrairement au bitcoin que vous possédez. Ce genre de cryptomonnaies ont donc la même limite que celle précédemment évoquée. A l’inverse de StackinSat, la logique de Coinhouse [que l’on peut présenter comme un courtier spécialisé sur les cryptomonnaies, ndlr] consiste davantage à sélectionner des actifs à fort potentiel dans un intérêt spéculatif pour faire du conseil en allocation et pas nécessairement de proposer des investissements alternatifs à des supports classiques de l’épargne tels que le Livret A ou le fonds en euros. »

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Vous présentez votre plan épargne bitcoin comme une « alternative » au Livret A. Or, un « bon père (ou une bonne mère) de famille » dirait que le Livret A est parfait pour l’épargne destinée à faire face aux coups durs. Le bitcoin, volatile, peut difficilement avoir ce rôle, non ?

J.H. : « Mon propos n’est pas de dire que le bitcoin va remplacer le Livret A pour l’épargne de précaution. Ce sont deux produits très différents. En revanche, je veux que les Français comprennent qu’un placement de long terme doit comporter une part de risque pour être rémunérateur. Et cette prise de risque doit être maîtrisée, adaptée à sa situation personnelle, ce que permet le plan épargne bitcoin grâce à l’investissement programmé sur un actif qui a vocation à prendre de la valeur. C’est notre conviction. »

Le cours du bitcoin s'est envolé depuis septembre. Le 17 décembre, il a même battu son record historique, avec un pic à plus de 23 500 dollars. Dans ce contexte, est-ce vraiment le bon moment pour se lancer ?

« Dans 5 à 10 ans, le bitcoin pourrait dépasser 100 000 dollars »

J.H. : « Le bitcoin est volatile à court terme. Je ne sais pas à quel prix il s’échangera dans 3 semaines. En revanche, je suis convaincu que, dans 5 à 10 ans, sa valorisation pourrait dépasser 100 000 dollars. C’est justement pour capter cette performance de long terme qu’il est important de lisser son point d’entrée en achetant à intervalle régulier et de conserver dans la durée ses bitcoins. »

En mai dernier, il y a eu le halving, un événement qui consiste à diviser par 2, tous les 4 ans, la quantité de bitcoins émis toutes les 10 minutes. Par cet effet de réduction de l’offre, l’appréciation du bitcoin était attendue. Mais, précédemment, cet effet s’était tassé après quelques mois. Cela ne risque-t-il pas d’être le cas cette fois ?

J.H. : « L’appréciation actuelle est la conjonction de plein de raisons, dont le « halving ». Mais j’expliquerais davantage l’augmentation du prix par le changement de ton des investisseurs institutionnels qui donnent désormais du crédit au bitcoin. Par exemple, alors qu’il y a quelques années, le PDG du gestionnaire d’actifs international Blackrock estimait que le bitcoin était l’indice du blanchiment d’argent, il a déclaré le mois dernier qu’il pourrait concurrencer le dollar. Autre exemple : MicroStrategy, un cabinet de conseil américain coté en bourse spécialisé dans les nouvelles technologies, a annoncé le 11 décembre une émission de 650 millions de dollars d’obligations convertibles pour acheter du bitcoin. Citons aussi PayPal qui veut permettre à ses utilisateurs de payer en bitcoins. »

On parle en effet beaucoup du bitcoin comme outil de paiement. Or sa capacité de traitement est de seulement 7 transactions maximales par seconde, ce qui est extrêmement faible par rapport à Visa ou Mastercard dont le système peut traiter des dizaines de milliers d'opérations simultanément. N’est-ce pas une limite au bitcoin monnaie ?

J.H. : « C’est effectivement un problème connu et en train d’être résolu. Des start-ups, dont Acinq soutenue par BPI France, travaillent sur une technologie qui s’ajoute au protocole bitcoin. Baptisée « Lightening Network », elle sera capable d’égaler voire de dépasser la capacité de traitement de Visa ou Mastercard. Cette technologie résout une autre limite inhérente au bitcoin. Aujourd’hui, les transactions sont scellées toutes les 10 minutes [en d’autres termes, si vous payez votre boulanger en bitcoin, celui-ci doit attendre 10 minutes pour être assuré d’avoir été payé, ndlr]. Demain, en passant par « Lightening Network », les transactions seront instantanées. »

StackinSat s’est lancée commercialement en octobre 2020. Quels sont vos objectifs ?

J.H. : « Nous voulons attirer 20 000 clients réguliers dans les 3 ans à venir. Nous allons également nouer des partenariats de distribution en France et en Europe. Le premier est français et sera annoncé le 3 janvier prochain pour célébrer la première année d'existence de la société. Afin d'accélérer cette internationalisation, nous allons boucler dans les prochains mois notre première levée de fonds. Début 2021, nous solliciterons l’Autorité des marchés financiers pour étendre notre enregistrement PSAN afin d’être autorisé à lancer notre propre service de conservation et la possibilité de revendre ses bitcoins. Cette dernière fonctionnalité devrait arriver d’ici juin 2021. »

Notre comparatif des plateformes agréées par l'AMF pour l'achat de bitcoins