C'est la première pierre d'un combat déjà long. Le sénateur de l'Union centriste (UC) de l'Eure, Hervé Maurey, a vu son amendement visant à encadrer, voire supprimer, les frais bancaires de succession, voté en première lecture par le Sénat dans le cadre d'un texte de loi qui vise à renforcer la protection des épargnants. Il explique sa démarche à MoneyVox.

Hervé Maurey, Sénateur Union centriste (UC) de l'Eure
Hervé Maurey
Sénateur Union centriste (UC) de l'Eure
Hervé Maurey, vous aviez déjà défendu la réforme des frais bancaires dans le cadre d'une succession dans les colonnes de MoneyVox en janvier 2022. Cet amendement vient seulement d'être validé par le Sénat mais devra encore passé par l'Assemblée nationale. Quand espérez-vous le voir mis en application ?

H. M. : « L'amendement propose d'encadrer les frais bancaires de succession en les supprimant purement et simplement pour un montant inférieur de 5 000 euros dans le cadre d'une succession sans intervention du notaire. Il propose aussi un plafonnement de ces frais à 1% du total de la succession, quelle quand soit la valeur. Ces mesures vont dans le sens du client et je salue le vote à l'unanimité de mes collègues sénateurs, contre l'avis du gouvernement. Une position que rien ne justifie puisque lors du débat, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a dit partager mes préoccupations. Il l'avait déjà fait par le passé et promis des mesures pour l'automne 2022. Nous attendons toujours.

« Nous devons faire face au puissant lobby des banques et des assurances et à son accès direct au bureau du ministre »

J'espère que cet amendement, comme toute la loi pour la protection des épargnants soit inscrite à l'agenda de l'Assemblée nationale pour le mois de juin même si nous devons faire face au puissant lobby des banques et des assurances et à son accès direct au bureau du ministre. »

Que demandent ces lobbys ?

H. M. : « J'ai déjà connu cette situation en 2010 quand je défendais un texte sur les assurances vie non réclamées. Le secteur des banques et des assurances ne veut pas qu'on légifère sur les sujets qui le touche. Il préfère, comme le suggère désormais le gouvernement, passer par un accord et des engagements à moyens et longs termes. Et, en général, rien ne se passe.

Si les banques ajustent leurs frais selon nos demandes d'ici le printemps, l'amendement n'aura plus lieu d'être mais je n'y crois pas vraiment car à la tribune, le ministre a évoqué un accord en février et nous y sommes déjà. »

Vous avez aussi défendu une amélioration de l'information et de la transparence sur les produits d'assurance vie. Le texte pour la défense des épargnants vise aussi à faciliter dès 2025 le changement de compagnie d'assurance pour un contrat vie après huit années de détention et de garantir la portabilité de l'antériorité fiscale si l'intégralité de l'épargne est transférée. Des positions qui crispent les assureurs. Le texte ira-t-il au bout sans être dénaturé ?

H. M. : « Le niveau d'information du contractant est un élément essentiel qui doit être garanti. Notamment sur l'usage qui est fait des fonds déposés. Nous ne sommes pas butés. Mais, comme pour les frais de succesison, nous ne supprimerons rien de nos demandes contre des engagements en l'air de la part des assureurs ou des banques. »

Frais bancaires de succession : combien ça coute ?

Les banques prélèvent souvent des « frais de traitement » pour gérer l'extinction des comptes du défunt. Des actions facturées en moyenne 216 euros pour une « petite » succession de 15 000 euros, selon les calculs de MoneyVox en 2022. Un montant en baisse de 8 euros sur un an mais ce profil type sera par exemple facturé 75 euros au Crédit Agricole Nord Est... contre 390 euros au Crédit Agricole Languedoc. Ou 125 euros à la Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées contre 273 euros du côté de l'Ecureuil en Normandie.

En 2021, l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir soulignait aussi que les frais de succession « sont deux fois supérieurs à ceux pratiqués en Belgique ou en Italie » (respectivement 107 euros et 112 euros) et même trois fois plus élevés qu'en Espagne (80 euros). Ceux-ci sont même illégaux en Allemagne.

COMPARATIF. Les frais de succession prélevés par les 127 banques étudiées en détail