L'émotion suscitée au printemps par le prélèvement de frais par La Banque Postale sur le Livret A d'un enfant décédé et dans la foulée, la demande du ministère de l'Economie aux banques de faire des efforts pour limiter les tarifs bancaires de succession n'ont pas été vraiment suivis d'effets. Seule une dizaine de banques appliquent, ou vont appliquer en 2023, la gratuité pour les successions de mineurs.

Ce sont des frais très décriés. Au décès d'un client, une banque peut facturer des frais de traitement de la succession. En la matière, c'est le Far West dans la mesure où ils ne sont pas régulés par la réglementation, comme peuvent l'être les commissions d'intervention par exemple. Résultat, des écarts vertigineux entre les établissements, selon l'étude exclusive dévoilée ce jeudi par MoneyVox. Comptez 450 euros de frais par exemple pour une succession de 15 000 euros réglée en 2 mois chez Allianz Banque, contre 0 euro chez Boursorama.

Interrogé par MoneyVox, le ministère de l'Economie indiquait en juin avoir demandé aux établissements bancaires de faire « un gros, gros effort ». « Les frais de succession sont un sujet très irritant pour les Français », et a fortiori quand il s'agit du décès d'un enfant, expliquait alors Bercy. En effet, un mois auparavant, l'association Eva pour la vie, qui accompagne les familles d'enfants victimes de cancers, faisait savoir que les parents d'un enfant de 8 ans, décédé en 2021, s'étaient vus facturer 138,20 euros pour la clôture de son Livret A par La Banque Postale. Une décision qui avait alors fait polémique et contraint La Banque Postale à rembourser ces frais.

Gratuité pour les successions de mineurs dans seulement 10 banques

Mais depuis, cette émotion n'a pas vraiment été suivie d'effets. Sur les 127 établissements étudiés par l'enquête de MoneyVox, seule une dizaine de banques appliquent, ou vont appliquer en 2023, la gratuité pour les successions de mineurs. Deux Banques Populaires, quatre Crédits Agricoles, un Crédit Mutuel, LCL, le Crédit Coopératif et Boursorama Banque. A noter que La Banque Postale, pourtant sujet de la polémique, n'a pas mis à jour sa brochure tarifaire, alors qu'elle avait déclaré à MoneyVox supprimer dès juin les frais de succession prélevés sur les comptes des mineurs défunts. Contactée, La Banque Postale nous confirme pourtant que les frais de succession pour les mineurs décédés ne sont plus appliqués. « L'exonération de ces frais est assurée par dérogation par les équipes de la banque en charge du suivi des dossiers de succession », explique la banque.

Sollicité, le ministère de l'Economie se dit « très vigilant quant aux pratiques tarifaires des établissements bancaires à la clôture d'un compte après un décès, et en particulier d'une personne mineure ». Il rappelle avoir demandé en juin aux dirigeants des plus grandes banques françaises de faire évoluer rapidement leurs pratiques.

En juin, il indiquait alors à MoneyVox ne pas exclure de légiférer directement sur le sujet à l'occasion du projet de loi de finances 2023. Depuis, des travaux entre les banques et la direction générale du Trésor sont en cours pour examiner les pistes de réforme. « Nous poursuivons donc nos travaux avec les banques pour clarifier le cadre applicable. Le Ministre restera particulièrement vigilant », souligne Bercy. Et d'estimer qu'« au-delà des grilles tarifaires, qui peuvent donner une vision biaisée car ne prenant pas en compte les pratiques commerciales effectives plus favorables, il n'y a plus eu de remontée de cas de mineurs qui se seraient vu appliquer des frais à la clôture d'un compte bancaire ces derniers mois. »

« Nous menons un combat »

De son côté, Corinne Vedrenne, la présidente de l'association Eva pour la vie n'entend pas renoncer à obtenir la gratuité des frais bancaires de succession pour un mineur défunt. « Nous menons un combat », explique Corinne Vedrenne qui s'apprête à interpeller de nouveau le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, sur cette question. « 2 500 familles sont impactées chaque année en France. Ce ne serait donc pas mettre en danger les banques que de les contraindre à renoncer à la facturation de tels frais immoraux », plaide Corinne Vedrenne, qui a lancé une pétition en ligne demandant à l'exécutif d'interdire les frais bancaires suite à la clôture du compte d'un enfant défunt. A ce jour, près de 50 000 internautes l'ont signée.

Pour sa part, la Fédération bancaire explique notamment « que les tarifs bancaires liés à la succession, observés à partir des plaquettes des principaux groupes bancaires, sont proportionnés au montant des avoirs et sont donc plus faibles pour les successions de petits montants, quand bien même les actions à mener par les banques sont nombreuses et complexes ». Selon un récent sondage YouGov pour MoneyVox, 80% des Français demandent le plafonnement des frais de succession, et 85% se prononcent même pour leur interdiction.

DOSSIER. Les frais bancaires de succession en 2022

Face à l'émoi suscité par la facturation de la clôture du Livret A d'un enfant de 8 ans en juin dernier, et face à la pression exercée par Bercy pour que les banques modèrent ces tarifs, MoneyVox consacre un dossier aux frais bancaires de successsion appliqués en 2022 :

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* Calculs effectués pour la succession d'un défunt majeur rapidement menée à terme (moins d'un an) ; le compte bancaire du bénéficiaire des fonds est domicilié dans un autre établissement que celui du défunt. « - » si calcul impossible : manque de données, structure tarifaire trop complexe...

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