Le taux du livret A doit être actualisé à compter du 1er août. Si sa rémunération a été multipliée par 6 en seulement un an, passant de 0,5% à 3%, elle devrait théoriquement encore augmenter le mois prochain. Mais ce n'est pas si simple. MoneyVox vous détaille les 3 scénarios envisageables.

Le suspense est à son comble. Dans les tous prochains jours, les 55 millions de particuliers qui possèdent un Livret A connaîtront le futur taux du produit d'épargne préféré des Français.

En effet, tous les six mois, à la mi-janvier et à la mi-juillet, c'est le même cérémonial qui se joue. Le patron de la Banque de France propose d'appliquer (ou non) de la formule mathématique déterminant le taux d'intérêt du Livret A. S'il décide de déroger, il appartient au ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire aujourd'hui, de fixer le nouveau taux.

Voici les 3 scénarios possibles sur le taux du Livret A qui s'appliquera à compter du 1er août. Un taux qui est passé de 0,5% en 2022 à 3% depuis le 1er février 2023.

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Scénario 1 : l'application stricte de la formule

Le taux du Livret A est calculé sur la base d'une formule mathématique. Elle prend en compte l'évolution de deux indices, la moyenne de l'inflation hors tabac sur les six derniers mois et celle de l'€ster, un taux de référence qui est utilisé par les banques pour les échanges d'argent au jour le jour dans la zone euro.

Et on connaît déjà les chiffres sur lesquels le gouverneur de la Banque de France va s'appuyer pour déterminer le nouveau taux du Livret A. La moyenne de la hausse des prix sur les six premiers mois de l'année est de 5,60% et celle de l'€ster de 2,65%.

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Résultat, sur la base de ces deux indicateurs, le taux théorique du Livret A, au 1er août, ressort à 4,10%. C'est 1,1 point de plus que la rémunération actuelle du Livret, qui est de 3% depuis le 1er février. Ce serait donc une excellente nouvelle pour les particuliers qui en possèdent un.

Pourtant, ce scénario a peu de chances de se réaliser. Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a la possibilité de freiner, voire même d'empêcher cette hausse. Pour cela, il peut tout à fait invoquer des « circonstances exceptionnelles » pour déroger à la règle de calcul du taux du Livret A.

Et il prépare les esprits depuis plusieurs semaines. Le 21 juin, il expliquait encore aux Echos qu'« il faudra trouver le bon équilibre entre l'intérêt des épargnants et l'intérêt des emprunteurs. Le taux du Livret A est l'un des éléments du coût du crédit immobilier, en particulier pour le logement social ».

Dans ce contexte, l'économiste Philippe Crevel pense, lui aussi, que la formule de calcul du taux du Livret A risque de ne pas être suivie. Et ce pour plusieurs raisons. « Une hausse d'un point du taux du Livret A génèrerait un surcoût non négligeable pour les établissements financiers (4 milliards d'euros sur un an), pour les bailleurs sociaux ainsi que pour les collectivités locales ou les PME qui empruntent à partir des ressources issues du Livret A. Les banques pourraient être amenées à répercuter le surcoût de la hausse du taux sur les emprunts », détaille cet expert.

Par ailleurs, un taux élevé pourrait également inciter les Français à privilégier l'épargne au détriment de la consommation ce qui nuirait à la croissance. Et il pénaliserait davantage les autres placements comme l'assurance vie.

« À 4%, il ferait un pic dans la hiérarchie des taux. Un produit d'épargne de court terme comme le Livret A serait ainsi beaucoup mieux rémunéré que des produits de long terme », souligne l'économiste. Une très mauvaise nouvelle pour l'assurance vie, et notamment les fonds euros dont le capital est garanti.

Ces derniers, dont le rendement a atteint à peine 2% l'an dernier, souffrent du succès du Livret A. Les épargnants retirent plus d'argent qu'ils n'en versent sur les fonds en euros depuis le début de l'année. Pas sûr que les autorités souhaitent fragiliser les assureurs.

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« Enfin, l'inflation étant orientée à la baisse, une hausse importante pourrait apparaître en décalage par rapport à la tendance à venir. Le gouvernement pourrait être contraint d'opérer une baisse significative du taux de rendement d'ici quelques mois, ce qui serait impopulaire », poursuit Philippe Crevel.

En résumé, le scénario d'une application stricte de la formule a du plomb dans l'aile.

Scénario 2 : une hausse divisée par deux

Pour autant, même si le gouverneur de la Banque de France n'applique pas la formule de calcul, cela ne veut pas dire que le taux du Livret A n'augmentera pas au 1er août.

Début mai, Bruno Le Maire, ne s'est pas montré hostile à l'idée d'un coup de pouce. « Ma première responsabilité, c'est de protéger l'épargne des Français, surtout dans cette période de crise, c'est extrêmement important... Si jamais la conclusion de la formule et du gouverneur de la Banque de France, c'est que comme l'inflation est très élevée, il faut continuer à augmenter la rémunération du Livret A, [alors] je suivrai la recommandation du gouverneur », expliquait-il sur franceinfo.

Pour Philippe Crevel, le ministre de l'Économie pourrait ainsi retenir une rémunération du Livret A à 3,5%, « un taux à mi-chemin entre celui actuellement en vigueur et celui résultant de l'application de la formule ».

Scénario n°3 : le statu quo

De nombreuses voix se sont élevées ces dernières semaines pour réclamer un taux inchangé pour le Livret A au 1er août. C'est la volonté notamment du secteur bancaire, qui distribue le Livret A et en assume en partie la rémunération. Mais aussi de la Caisse des Dépôts, qui utilise cette ressource, notamment, pour financer les organismes HLM.

« Dès lors que ce taux sert de base au coût du financement du logement social, et il y a 170 milliards d'euros empruntés par le logement social, moi, je forme le vœu que ce taux reste stable dans la durée », indiquait ainsi Eric Lombard le patron du bras financier de l'Etat, soulignant qu'« il est essentiel que le logement social continue à construire ».

Même le ministre du Logement, Olivier Klein, a fait connaître son opposition à une nouvelle hausse. Entre ces différents intérêts contradictoires, il appartiendra donc au gouverneur de la Banque de France, et au ministre de l'Economie, de trancher sur le futur taux du Livret A. Une chose est certaine : cette décision fera, quoi qu'il arrive, polémique.

Une situation qui amène à question : faut-il empêcher le gouvernement de fixer le taux du Livret A pour éviter de revivre tous les six mois un nouveau psychodrame ?

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