C’est officiel, le taux du Livret A sera maintenu à 1,25% le 1er février prochain. Le ministre de l’Économie et des Finances, Pierre Moscovici, a décidé de ne pas suivre les recommandations du gouverneur de la Banque de France, qui proposait de baisser le taux à 1%. C'est la première fois que les deux institutions affichent un tel désaccord. Mais est-il réel ou de façade ?

Les deux annonces se sont succédées ce matin : d’abord celle de Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, qui a proposé dans un communiqué une baisse limitée du Livret A à 1%. Théoriquement, son rendement aurait dû descendre à 0,75% à compter du 1er février prochain. Mais « dans la perspective de préserver globalement le pouvoir d’achat des épargnants, compte tenu des hausses de TVA de début d’année, [le Gouverneur a considéré] qu’il [était] justifié de déroger à la stricte application de la formule de calcul en vigueur » détaille le communiqué de la Banque de France.

Quelques minutes plus tard, Pierre Moscovici, interrogé par Guillaume Durand sur Radio Classique, a confirmé que le gouvernement allait déroger à la règle de calcul. Surprise toutefois : le locataire de Bercy ne suit pas la recommandation de Christian Noyer, mais annonce un maintien du taux à 1,25%, qui doit encore être officialisé par un arrêté.

Une divergence sans précécent

Pierre Moscovici est dans son droit : selon le règlement n°86-13, si c'est bien la Banque de France qui choisit de déroger, c’est au ministre chargé de l’économie, également président du Comité de la réglementation bancaire et financière, de décider de la rémunération du livret. Jusqu’ici, les deux institutions s’étaient toujours accordées avant l’annonce du taux, même si cette dernière n’a pas toujours eu lieu sans une certaine confusion.

Exemple en janvier 2009 : le Premier ministre de l’époque, François Fillon, avait annoncé dans les médias que le taux du Livret A ne bénéficierait pas d’un coup de pouce gouvernemental, contrairement à ce que souhaitaient Bercy et l’Elysée. Le gouverneur de la Banque de France avait alors eu le dernier mot en recommandant de limiter la baisse du taux (de 4%, il était passé à 2,50% alors qu’il aurait du descendre à 2%). Dans cet exemple, il s’agissait toutefois davantage d’un désaccord au sein du gouvernement qu’entre Bercy et la Banque de France.

Le désaccord est-il réel ?

Que s'est-il passé cette fois-ci ? Comme d'habitude, Bercy et la Banque de France se sont rencontrés en amont de l'annonce du taux, pour marier leurs vues. « Je me suis entretenu évidemment à plusieurs reprises avec Christian Noyer, et il est convenu qu’il fallait invoquer […] des circonstances exceptionnelles, compte tenu du fait que si l’inflation est très basse aujourd’hui, on peut escompter une légère remontée dans le trimestre qui vient » a confirmé ce matin Pierre Moscovici sur Radio Classique.

Toutefois, depuis plusieurs mois, Christian Noyer se montre plutôt partisan d'une stricte application de la formule de révision du taux. En décembre 2012, avant une dérogation appliquée en janvier 2013, il déclarait être contre une rémunération trop élevée du Livret A : « Empêcher les taux de baisser, ça veut dire empêcher la politique de baisse des taux de la BCE d’avoir de l’effet dans l’économie française » expliquait-il sur BFM Radio.

A-t-il voulu marquer subtilement son désaccord avec la politique du gouvernement en matière d'épargne réglementée ? A l'inverse, lui a-t-on suggéré de laisser au ministre l'honneur d'accorder seul un coup de pouce à l'épargne populaire ? Difficile à dire. Quoi qu'il en soit, Pierre Moscovici a tenu à relativiser le différend entre les deux hommes : « Ça s’est fait en bonne concertation avec le gouverneur qui, lui, prend en compte des impératifs monétaires ».