Avec un taux du Livret A à son plus bas historique de 1,25% par an, il peut être malin de s’interroger sur l’opportunité de placer son argent sur un livret bancaire où il restera disponible mais sera mieux rémunéré. Plusieurs banques proposent, en effet, des livrets à des taux promotionnels de 4%, 4,5% voire 5% pendant plusieurs mois. Mais faut-il réserver ces placements aux sommes qui ne peuvent être mises sur un Livret A et LDD – c’est-à-dire au-delà de 34.950 euros par personne – ou peut-on les utiliser pour y placer son épargne de précaution en remplacement des livrets d’épargne réglementée. Une partie de la réponse se trouve sur votre feuille d’impôt. Explications.

Depuis 2012, la donne a complètement changé pour les particuliers en termes d’épargne et de fiscalité. D’un côté, les produits défiscalisés, Livret A en tête, dont les rendements ne cessent de baisser. De l’autre, une nouvelle fiscalité est entrée en vigueur au 1er janvier 2013, taxant l’épargne comme les revenus du travail, avec entre autres choses la création d’une nouvelle tranche d’imposition à 45% et la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire remplacé par un acompte fiscal de 24%. Difficile d’y voir clair !

Livret A + LDD : 437 euros d’intérêts maximum

Aujourd’hui, chaque Français peut épargner 22.950 euros sur son Livret A et les contribuables peuvent compléter cette épargne par un Livret de développement durable (LDD) dans la limite de 12.000 euros. Ces produits, généralement utilisés pour se constituer une épargne de précaution, permettent de placer 34.950 euros avec un rendement de 1,25%, ce qui représente en année pleine 437 euros d’intérêts, nets d’impôt.

Peut-on placer cette épargne de précaution sur des livrets bancaires pour faire en sorte qu’ils rapportent plus que sur un Livret A ? La réponse est positive, mais il faut tout d’abord calculer l’impact fiscal de ces intérêts suivant sa situation personnelle pour déterminer le taux à partir duquel un placement sera intéressant.

Passer d’un taux brut à un taux net de toutes cotisations

Les intérêts des placements à revenus fixes (livret bancaire, comptes à terme, compte courant rémunéré, PEL de plus de 12 ans, obligations…) sont soumis actuellement, lors de leur versement, aux cotisations sociales de 15,5% et à un acompte fiscal de 24% (1). Les intérêts sont ensuite soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu, en tenant compte d’une part de CSG qui est déductible des revenus, et de l’acompte qui est déduit du montant d’impôt.

Il est possible de schématiser ce calcul en considérant le taux marginal d’imposition (TMI). Ce taux correspond à la tranche du barème la plus élevée à laquelle vos revenus sont soumis, de 0% à 45% selon les cas. Par exemple, un TMI de 30% revient à dire que tout nouveau revenu supplémentaire sera imposé à un taux d’au moins 30%.

Avec cette méthode, on peut directement calculer une table de correspondance donnant le coefficient entre un montant brut d’intérêts et le montant net de tous les prélèvements fiscaux et sociaux. Soit entre un taux brut de rémunération et le taux net équivalent :

  • TMI de 0% : coefficient de 0,8450 ;
  • TMI de 5,50% : coefficient de 0,7928 ;
  • TMI de 14% : coefficient de 0,7121 ;
  • TMI de 30% : coefficient de 0,5603 ;
  • TMI de 41% : coefficient de 0,4559 ;
  • TMI de 45% : coefficient de 0,4179.

Ainsi, un taux promotionnel de 5% équivaut à un taux net fiscal de 2,80% (5% × 0,5603) pour une personne dont le TMI est de 30%. A l'inverse, un taux net de 3% peut être atteint, pour un TMI à 14%, avec un taux brut de 4,22% (3% ÷ 0,7121).

Il ne reste plus qu’à connaitre le TMI à utiliser. Cette information n’est malheureusement pas indiquée sur la feuille d’impôt sur le revenu, le fisc préférant communiquer sur le taux moyen d’imposition. On peut le calculer soi-même en divisant le revenu imposable par le nombre de parts fiscales et en recherchant la tranche supérieure applicable dans le barème. On peut également utiliser la calculatrice du site internet des impôts ou celle que nous proposons sur cBanque, spécialement dédiée aux calculs de placement.

Attention toutefois, ce coefficient permet un calcul rapide et simplifié qui ne prend pas en considération toutes les subtilités de la fiscalité comme nous le verrons par la suite.

Voir la calculatrice d'impôt sur les revenus permettant de mesurer l'impact des revenus de placement.

TMI de 0%, 5,5% et 14%

Pour les TMI situés dans l’une des trois premières tranches – soit la situation de 90% des contribuables (2) – le taux de 1,25% net du Livret A peut être battu par un taux brut de respectivement 1,48%, 1,58% ou 1,76%. Un défi largement réalisable puisque les taux de base des plus rentables des livrets bancaires gravitent autour des 2% brut, que ce soit le Livret Distingo, le Livret Carrefour ou encore celui de GE Money Bank.

Aussi simple que cela ? Non, surtout lorsque le montant des impôts est inférieur à 1.016 euros (3) et bénéficie d’une décote. Tout revenu supplémentaire diminuerait alors cette réduction d’impôt, et alourdirait indirectement la taxation des intérêts d’un placement bancaire. Par exemple (4), pour un couple sans enfant où les deux déclarants touchent un Smic, soit des revenus de 1.120,43 euros nets mensuels, chacun. S’ils perçoivent 500 euros d’intérêts, ils auront 178 euros de prélèvements fiscaux et sociaux supplémentaires au lieu des 144 euros attendus (donnés par le coefficient de 0,7121). Dans ce cas très précis, il faudrait alors que ces 500 euros soient le fruit d’un rendement de plus de 1,94% pour être plus rentable que le Livret A.

Par ailleurs, si le montant d’impôt payé l’année précédente ne dépasse pas 769 euros, un contribuable aura la possibilité de détenir un Livret d’épargne populaire (LEP) rémunéré à 1,75% net d’impôt, dans la limite de 7.700 euros placés. Ou de trouver un placement à plus de 2,72%, pour reprendre le cas de l’exemple précédent.

Pour résumer le cas des TMI à 5,5% et 14%, il faut distinguer les personnes payant plus de 1.016 euros d’impôts, mais aussi celles qui resteraient au TMI de 0% malgré des revenus de placement supplémentaires, qui trouveront une meilleure rentabilité que le Livret A avec des livrets bancaires rémunérés à 2% ou plus. Et celles payant moins de 1.016 euros d’impôts qui n’auront généralement un avantage qu’avec des taux promotionnels bien supérieurs.

TMI de 30% à 45% : le « saut de livrets » rentable

Le cas des trois tranches supérieures du barème est assez différent. Il faut en effet trouver des rémunérations de respectivement 2,23%, 2,74% ou 2,99% pour battre le rendement du Livret A. Là aussi, il peut y avoir un impact fiscal qui ne serait pas aussi linéaire que la simple application d’un coefficient. Il y a tout d’abord le fait que des revenus supplémentaires puissent faire changer le foyer fiscal de TMI. Il est possible également que des revenus complémentaires activent un plafonnement lié au quotient familial qui n’aurait pas eu lieu, autrement.

Mais il existe aussi une possibilité qui avait été prévue par la loi de finances pour 2013 et qui sera utilisée pour la première fois dans la déclaration 2014 : c’est la possibilité d’opter pour une imposition des placements à revenu fixe à un taux forfaitaire de 24%, la CSG ne pouvant plus être déductible dans ce cas. Une condition cependant : que le contribuable ait perçu moins de 2.000 euros d’intérêts dans l’année (soit l’équivalent de 100.000 euros placés à 2%). Avec cette option, le coefficient pour passer d’un taux brut à un taux net ressort à 0,6050. Soit un taux brut de seulement 2,07% pour battre le taux du Livret A, et à condition bien sûr, de ne pas franchir le seuil des 2.000 euros.

Pour les autres, le Livret A et le LDD, du moins pour les premiers 34.950 euros de placement, sont paradoxalement plus intéressants que pour les tranches inférieures. Seuls les rendements offerts par les taux boostés des livrets bancaires en promo pourront battre le taux net des livrets réglementés, quitte à en enchaîner plusieurs à la suite, entre les Livret BforBank, Livret d'Epargne Orange d'ING Direct, Livret Zesto...

Voir les offres commerciales en vigueur pour souscrire un livret bancaire.

(1) L’épargnant peut aussi demander la dispense d'acompte, si son revenu fiscal de référence (RFR) de l'année précédente est inférieur à 25.000 euros pour une personne seule, à 50.000 euros pour un couple, pour éviter d’être prélevé à la source. Voir aussi : Impôts 2013 - des précisions sur la dispense d'acompte sur les intérêts et les dividendes.

(2) Estimation Les Echos Patrimoine du 12 octobre 2013.

(3) Seuil de la décote prévu en 2014. Lire aussi à ce propos : Impôt sur le revenu : à qui va profiter la décote en 2014 ?

(4) L'exemple a été calculé à l’aide de la calculatrice des impôts sur les placements disponible sur cBanque qui prend en compte la loi de finances pour 2013 et certains éléments actuellement en cours de discussion de la loi de finances 2014.