Déjà fortement impacté par la contraction du marché de l'immobilier en 2023, le marché de la location se tend encore plus en 2024. De nombreux professionnels appellent le gouvernement à s'emparer rapidement du sujet.

Le marché de l'immobilier locatif, de plus en plus saturé ? C'est en tout cas ce qu'indiquent de nombreux professionnels du secteur. À Paris, selon l'Observatoire de l'offre et de la demande locative publié par le site LocService.fr, il faut ainsi 6 mois en moyenne pour trouver un studio à louer. Et certaines villes subissent des difficultés encore plus importantes.

Alors que le score de tension locative [calculé sur la base d'un ratio entre le nombre de candidats locataires ciblant une zone, et le nombre d'offres de location dans cette zone, NDLR] sur l'ensemble de la France s'établit à 3,35 cette année (contre 2,71 en 2022), ce score grimpe à 9,79 à Rennes, faisant de la cité bretonne la ville plus tendue pour les recherches de location, devant Lyon (9,76) et Annecy (8,83). Paris arrive en 4e position, avec un score de tension locative de 7,18.

Une contraction du marché immobilier qui pèse sur la location

« Dans certaines régions, on estime que l'offre a baissé de 34%, quand la demande a augmenté de 66% », assure Delphine Herman, directrice des relations extérieures et des projets transverses pour le réseau immobilier Guy Hoquet. Résultat, « beaucoup d'agences ont arrêté de mettre leurs annonces de biens à louer en ligne ou dans les vitrines car elles reçoivent trop de demandes. Les standards ne peuvent pas accueillir 200 appels par jour pour louer un logement », dévoile Charles Marinakis, président du groupe Century 21, dans Le Figaro.

Comment expliquer cette situation ? « La contraction du marché du crédit immobilier a entraîné des dommages collatéraux sur le marché de la location, analyse Delphine Herman. Comme les banques ont moins prêté, notamment aux investisseurs locatifs, ces derniers n'ont pas pu acheter cette année, ce qui veut dire qu'il y avait moins de biens sur le marché locatif. De plus, les primo-accédants ont aussi été particulièrement impactés par la situation. Ce qui signifie que ces derniers sont restés locataires ce qui a également considérablement appauvri un marché locatif déjà tendu. »

Crédit immobilier : les primo-accédants sont-ils les grands perdants de la hausse des taux ?

« L'immobilier locatif, c'est la Bérézina, complète le président de Century 21 au micro de BFMTV. Le neuf est en panne [un nombre de réservations en baisse de 40% au deuxième trimestre 2023 sur un an, et un nombre de nouveaux logements mis en vente en chute de 34,9% sur un an, NDLR]. Or, dans le neuf, 50% du parc est à disposition de l'immobilier locatif en vertu des exonérations du type Pinel. Et dans le parc privé, on exclut les logements F et G, et on contraint les propriétaires à un plafonnement de loyers dans certaines villes. »

Des loyers en hausse de 3,1% en moyenne

Même pour les locataires chanceux qui parviennent à trouver un logement, les chose se sont corsées. En effet, les loyers dans les grandes villes ont augmenté de 3,1% en moyenne sur un an en janvier 2024, selon la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). Les hausses sont particulièrement importantes à Saint-Étienne (+7,1%), à La Rochelle (+6%), au Mans (+5,6%) ou encore à Avignon (+5,6%) et Nice (+4,5%).

Pour contrer cette situation, le réseau Orpi estime que « sous peine de réserver l'investissement à une catégorie aisée de la population, nous devons aussi permettre aux petits propriétaires de se construire un patrimoine. C'est en encourageant l'investissement immobilier que nous pourrons aussi renouveler l'offre du parc locatif et redonner un poumon d'air à la pression locative. »

De son côté, la FNAIM milite pour « un aménagement de toute urgence du calendrier » des interdictions de location, alors que les bailleurs commencent à vendre leurs biens sans attendre les dates de 2025 et 2028 qui sonneront l'interdiction de louer les logements classés G et F au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE).

DPE le calendrier
Passoires énergétiques : le calendrier

« Si les banques recommencent à prêter aux primo-accédants, cela va libérer quelques logements sur le marché locatif »

La situation peut-elle s'améliorer rapidement ? Pour Charles Marinakis, la crise risque de durer : « L'immobilier c'est un temps long. Quand bien même on prendrait des mesures aujourd'hui, il n'y a pas de baguette magique, on ne va pas retrouver 500 000 logements construits d'un coup ». Reste que « le gouvernement doit s'emparer de la problématique du logement pris dans sa globalité, conjure le président du groupe Century 21. On devrait avoir un ministère du Logement qui est pérenne et qui ne saute pas une fois sur deux, avec une politique d'aménagement du territoire ».

Delphine Herman se veut plus rassurante : « Si les banques recommencent à prêter aux primo-accédants [nouveaux propriétaires, NDLR], cela va libérer quelques logements sur le marché locatif. De même, si les investisseurs locatifs recommencent à avoir accès au crédit immobilier, cela peut avoir un effet bénéfique. Enfin, le changement de fiscalité sur les locations touristiques [la Loi de finances pour 2024 prévoit de passer l'abattement sur les locations de meublés touristiques à 30%, au lieu de 71% actuellement, dans les zones qui rencontrent des difficultés d'accès au logement, NDLR] va potentiellement redonner de l'air au marché locatif, car de nombreux propriétaires vont reproposer ces logements à l'année ».

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