La mairie peut-elle acheter un bien au prix qui lui convient ? Voici ce que dit la loi en matière d'expropriation

Entre la rédaction d'un compromis ou une promesse de vente d'un logement et la signature de l'acte authentique de vente chez le notaire, il se passe entre trois et cinq mois. Cette longueur de temps est en grande partie due au droit de préemption accordé par l'article L 210 du code de l'urbanisme aux collectivités territoriales, notamment les municipalités.

En effet, lorsque la commune a institué le droit de préemption urbain, son nom officiel, sur tout ou partie de son territoire, elle dispose lors de chaque vente immobilière du privilège d'acquérir en priorité le logement, en évinçant l'acquéreur pressenti.

Le législateur a instauré le droit de préemption urbain afin d'aider les villes à mettre en œuvre, dans l'intérêt général, leurs opérations d'urbanisme et d'aménagement. Elles peuvent avoir besoin de s'approprier des terrains ou des bâtiments privés pour réaliser des équipements collectifs, écoles, gymnase, créer ou maintenir des activités économiques ; lutter contre l'insalubrité en rachetant des immeubles d'habitation délabrés pour les reconstruire ou les rénover...

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Des exceptions au droit de préemption

Ne sont pas soumises au droit de préemption urbain, les transmissions familiales de biens immobiliers par donation, donation-partage, succession, héritage ainsi que les cessions de quote-part d'indivision entre indivisaires.

Sont préemptables les parts de SCI, société civile immobilière, sauf lorsque les cessions de parts ont lieu entre membres de la même famille jusqu'au quatrième degré inclus.

Préemption, mode d'emploi

Vous avez décidé de vendre un bien. Après la signature du compromis ou la promesse de vente, si le logement est situé dans une zone de préemption, le notaire adresse à la commune une Déclaration d'intention d'aliéner, la DIA qui décrit le logement mis en vente, indique son prix et mentionne les conditions de la vente.

La commune a alors deux mois pour exprimer sa décision. Son silence signifie qu'elle renonce à mettre en œuvre le droit de préemption laissant le champ libre à la vente : le vendeur et l'acquéreur peuvent alors conclure la vente au prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner, donc dans le compromis ou la promesse de vente.

Pour le vendeur, les choses se compliquent si, avant la fin du délai de deux mois, la municipalité décide d'entamer une procédure de préemption. Dans ce cas, elle évince l'acquéreur pressenti et se porte à sa place acquéreur du logement à un autre prix généralement beaucoup moins élevé que celui porté dans le compromis ou la promesse de vente.

La décision de préempter doit être motivée, elle appartient à la compétence du Conseil municipal, qui peut déléguer son pouvoir au maire de la commune. Il est judicieux de vérifier que le maire est effectivement titulaire de cette délégation de pouvoir établie par le Conseil municipal en sa faveur.

Si le prix porté sur la DIA dépasse la somme de 180 000 euros hors taxes et hors droits, la municipalité est tenue de solliciter, dans le mois suivant, l'avis du service des Domaines afin qu'il donne son estimation du prix du bien immobilier objet de la préemption. Cette évaluation immobilière ne lie pas la commune qui peut proposer un prix beaucoup plus faible.

La municipalité notifie sa décision au vendeur sous forme d'un arrêté, indiquant le motif de la préemption, le prix auquel elle a décidé d'acquérir le bien, et les modalités de paiement. Le propriétaire peut renoncer à vendre son bien immobilier et l'affaire en reste là. Il peut aussi accepter l'offre de la municipalité ou manifester son désaccord dans les deux mois. S'il ne répond pas, il est censé avoir renoncé à vendre.

Il est important d'informer l'acquéreur pressenti de la décision de préemption de la commune afin d'être libéré de votre engagement de lui vendre votre bien et qu'il puisse suspendre son projet auprès de ses partenaires (la banque notamment pour le crédit immobilier ou encore l'assurance emprunteur notamment) en attendant de trouver un autre logement à acquérir.

Des délais de paiement tardifs

Le paiement tardif du prix constitue une problématique récurrente subie par les vendeurs dont le bien immobilier est préempté. Pourtant, la loi est claire.

L'article L213-14 du code de l'Urbanisme dispose que le prix d'acquisition est payé par la municipalité au vendeur dans les quatre mois qui suivent la décision d'acquérir le bien. En cas de non-respect de ce délai, le vendeur peut vendre librement son bien.

Discuter le prix proposé par la mairie

Comment réagir face à une commune qui a décidé via le droit de préemption d'acquérir votre bien à un prix nettement plus faible que celui convenu entre vous et l'acquéreur pressenti ?

Si le propriétaire dont le bien est préempté, s'oppose au prix proposé et maintient le sien, il doit en informer la mairie par lettre recommandée avec avis de réception. N'oubliez pas de joindre copie de l'arrêté municipal vous ayant notifié la décision de préemption. La municipalité dispose alors d'un délai de quinze jours pour saisir le juge de l'expropriation afin d'obtenir la fixation judiciaire du prix. Si elle laisse passer ce délai sans réagir, cela signifie qu'elle renonce à son projet, et laisse le vendeur céder son bien au prix initial.

Au plus tard dans les trois mois suivants la date de saisine du juge de l'expropriation, la mairie doit déposer auprès de la caisse des dépôts et consignation une somme égale à 15% du prix évalué par le service des Domaines et notifié au vendeur le récépissé prouvant que cette consignation a bien eu lieu.

A défaut de remplir ces deux formalités – la consignation et la transmission du récépissé, la municipalité est réputée avoir renoncé à la préemption, indique l'article L213-4-1 du code de l'Urbanisme. A noter que la procédure devant le juge de l'expropriation qui est un juge du Tribunal judiciaire du lieu de situation du bien immobilier préempté, impose de passer obligatoirement par les services d'un avocat.

Une fois le prix fixé par le juge, la municipalité peut décider d'acquérir votre logement au prix fixé judiciairement ou renoncer à la préemption. Si vous décidez de vendre alors que la municipalité a renoncé à la préemption, vous devez respecter le prix fixé par le juge éventuellement majoré en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction.

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