Alors que les banques ont plus de mal à faire du bénéfice sur le prêt immobilier, les conditions d'octroi se durcissent pour les emprunteurs. Plus que jamais, ces derniers doivent présenter une épargne résiduelle pour se voir accorder un prêt aux meilleures conditions, selon plusieurs courtiers.

Début février, la Banque de France, pourtant peu prompt à mettre en avant les difficultés du crédit immobilier, publiait des chiffres sans appel : alors que les nouveaux crédits à l'habitat pesaient 23,7 milliards en janvier 2022, ils ne représentaient plus que 14,4 milliards d'euros en janvier 2023 (renégociation comprise).

Une crispation qui s'explique en partie par le renchérissement du coût du crédit pour les banques. Alors que ces dernières doivent faire face à une hausse des OAT à 10 ans (L'indicateur des taux d'emprunt de l'Etat français fait figure d'indice de référence pour les évolutions du marché du crédit, NDLR), qui est passé de 0,64% en février 2022 à 2,63% au 3 février 2023, elles ne pouvaient jusqu'ici pas répercurter cette hausse. En effet, le taux d'usure, taux maximum tout compris au-dessus duquel un prêt ne peut être proposé, bloquait les établissements prêteurs. Résultat, de nombreuses banques ont préféré cesser de faire du crédit immobilier en attendant des jours meilleurs.

Jusqu'à un an d'épargne de précaution demandée

La remontée du taux d'usure, fixé en février à 3,79% pour les prêts immobilier d'une durée de 20 ans et plus, a permis de réouvrir les vannes du crédit. Au compte-gouttes cependant : les dossiers des candidats au crédit sont ainsi scrutés par les banques. Une bonne gestion de compte, des revenus stables et un apport personnel de 10% minimum sont aujourd'hui encore des pré-requis à l'obtention d'un crédit immobilier.

Mais les courtiers mettent en avant depuis quelques semaines un nouveau point auquel s'attachent les banques : l'épargne résiduelle après projet. En clair, un emprunteur devrait, en plus de son apport, disposer d'un certain montant supplémentaire.

Pour Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux, cela ne s'apparente pas à une obligation. Cependant, « avoir une épargne résiduelle, c'est ce que va aujourd'hui permettre à un dossier de passer sous les 3%. » Disposer d'une épargne après projet serait donc le sésame pour bénéficier d'un taux de crédit plus attractif. Une bonne volonté des banques qui s'explique facilement : l'emprunteur va avoir besoin d'un produit bancaire pour placer cette épargne, ce qui va faire gagner de l'argent à la banque.

Environ 20% à 30% du montant du projet en épargne résiduelle

Mais alors, quel est le montant attendu par les banques ? « Idéalement, l'emprunteur doit avoir, en plus de son apport personnel de 10%, environ 20% à 30% du projet en épargne résiduelle. Par exemple, quelqu'un qui souscrit un prêt de 200 000 euros et qui dispose de 40 000 à 60 000 euros d'épargne après projet est considéré comme un bon dossier aujourd'hui », dévoile Maël Bernier.

Mais dans certains établissements bancaires, l'épargne après projet serait même obligatoire. « Il y a des banques qui, au-delà du taux préférentiel, ont fait de l'épargne une condition d'octroi du crédit, assure Laura Martino, directrice des partenariats bancaires chez le courtier Cafpi. Dans un contexte de hausses des dépenses quotidiennes et d'énergie, certaines banques demandent jusqu'à un an de mensualités de crédit en épargne de précaution en plus de l'apport demandé ».

Ainsi, les banques souhaiteraient s'assurer que les emprunteurs peuvent faire face à une augmentation de leurs charges par exemple. Dans ce cas, l'idée est plus de se prémunir d'un risque que de faire du bénéfice sur des produits d'épargne. « Souvent, l'épargne de précaution n'a pas besoin d'être placée sur un support, elle est là pour couvrir un risque potentiel, elle doit donc être mobilisable et est le plus souvent placée sur un Livret A », confirme Laura Martino.

Une étude du dossier au cas par cas

Cette volonté de ne proposer des crédits immobilier qu'à des emprunteurs disposant d'un matelas confortable peut également s'expliquer par le renchérissement de la ressource. « Le sujet de l'épargne devient de plus en plus important pour les banques, car elles sont aujourd'hui soumises à des contraintes de liquidité, explique encore Laura Martino. Ce n'était pas le cas jusqu'à encore l'année dernière, quand il n'y avait aucun problème pour se financer à moindre coût sur les marchés. L'épargne apportée par les clients devient aujourd'hui un point d'attention pour les banques. »

Des affirmations non-confirmées par les principaux concernés. Du côté du LCL comme du Crédit Agricole, par exemple, on assure ne pas être au courant de cette situation, expliquant que l'octroi d'un crédit immobilier dépend de toute façon de très nombreux critères et se fait au cas par cas après étude du dossier.

Il n'y aurait donc en aucun cas de consignes pour favoriser les clients disposant d'une épargne conséquente après projet. Une personne interrogée confirme tout de même que l'épargne résiduelle prouve à la banque qui étudie votre dossier une certaine capacité à mettre de côté, ce qui peut se montrer rassurant au moment de prêter de l'argent.

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