Instaurée début 2015, l’obligation pour les micro-entrepreneurs de détenir un compte bancaire dédié à leur activité devrait être amendée par l’exécutif, dans le cadre de la future loi Pacte. Quelles conséquences pour les acteurs, bancaires ou non, ayant investi ce marché ? L’avis d’Alexandre Prot, président et fondateur de Qonto, une néobanque destinée aux professionnels.

Alexandre Prot, que vous inspire le projet du gouvernement de supprimer l’obligation, pour les petits micro-entrepreneurs, de détenir un compte bancaire dédié à leur activité ?

Alexandre Prot : « Je suis par principe favorable aux mesures de nature à faciliter l’expérience entrepreneuriale en France. C’est un enjeu de compétitivité. En Estonie, pays membre de l’Union européenne, il suffit par exemple de 2 heures et 20 euros pour créer une entreprise. De ce point de vue, la création du statut de micro-entrepreneur a été une réussite : en 2017, la moitié des 600 000 nouvelles entreprises recensées en France étaient des micro-entreprises. Attention toutefois : il ne faut pas que cette simplicité apparente se retourne contre les principaux intéressés. »

C’est-à-dire ?

A.P. : « Disposer d’un compte dédié peut faciliter la vie du micro-entrepreneur, en lui permettant de suivre plus facilement l’évolution de son activité, notamment lorsque celle-ci est en croissance ».

Uniquement pour les « petits micro-entrepreneurs »

Depuis le 1er janvier 2015, les micro-entrepreneurs ont l’obligation d’ouvrir, dans les 12 mois suivant la création de leur statut, un compte bancaire dédié aux opérations liées à leur activité, notamment pour encaisser des ventes et payer des fournisseurs. Ce n’est pas nécessairement un compte professionnel : un compte courant classique suffit.

Dans le cadre de la future loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé le 29 mars dernier son intention de revenir sur cette obligation, mais uniquemement pour les « plus petits micro-entrepreneurs ».

Ce changement ne devrait ainsi concerner que les micro-entrepreneurs dégageant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 5 000 euros, selon un avant-projet de loi présenté pour avis au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF).

Ce changement de règle va-t-il affecter l’activité de Qonto, et plus généralement des comptes de paiement à destination des professionnels ?

A.P. : « La part des micro-entreprises est très faible chez Qonto, qui attire surtout des SARL et des SAS. Parmi les acteurs qui s’intéressent à cette clientèle, aucun ne se contente de proposer un compte, mais tous valorisent des services autour de ce compte. Le changement ne devrait donc pas avoir d’impact important sur l’existant. En revanche, on peut imaginer qu’il ne va pas encourager de nouveaux acteurs à se lancer sur le créneau des micro-entrepreneurs ».