Mourir coûte cher. Et il n'est nullement question des droits de succession que l'Etat ponctionne sur 10 à 15% des patrimoines au moment du décès. Car les banques, elles, prélèvent des « frais de traitement » pour gérer l'extinction des comptes : elles facturent en moyenne 216 euros une « petite » succession de 15 000 euros. Une moyenne qui baisse de 4%, selon les calculs de MoneyVox, ce qui est loin d'être à la hauteur des attentes de Bercy...

« Frais de traitement de la succession » : voici le plus souvent comment les banques présentent ces lignes de tarifs synonymes de décès du titulaire des comptes. Ici, ni frais d'obsèques, ni sommes versées au notaire : ces frais de traitement sont censées couvrir la clôture des différents comptes (compte courant et épargne) mais aussi « des moyens de paiement, des factures en cours » ou autres « interventions nécessaires, en fonction du degré de complexité de la succession », plaide la Fédération bancaire française (FBF). S'ajoutent toutefois très souvent à ces frais de traitement des frais de virement externes parfois très élevés, pour verser l'argent aux ayants-droit, si les héritiers sont dans un autre établissement que le défunt.

Frais de succession : quand les banques font payer les virements vers les comptes des héritiers

Résultat : à de (très) rares exceptions près, les banques facturent chaque succession en prélevant des frais sur les comptes bancaires au moment de reverser l'argent aux héritiers. Combien ? Prenons une succession « simple », du point de vue de la banque, de 15 000 euros traitée en moins de 2 mois, autrement dit un dossier qui n'implique a priori pas de surcharge de paperasse administrative. Verdict, sur la base des relevés tarifaires effectués par MoneyVox : 216 euros en moyenne au 1er novembre 2022 pour ce « profil type », contre 224 euros à la Toussaint 2021.

Pire : difficile d'anticiper les frais que risquent de payer - indirectement - vos héritiers en cas de décès car les tarifs vont du simple au quintuple au sein même d'un réseau bancaire ! Le « profil type » évoqué ci-dessus sera facturé 75 euros au Crédit Agricole Nord Est... contre 390 euros au Crédit Agricole Languedoc. Ou 125 euros à la Caisse d'Epargne Midi-Pyrénées contre 273 euros du côté de l'Ecureuil en Normandie.

Comment expliquer ce grand écart ? Tout simplement car ces frais bancaires, ponctionnés dans des moments douloureux pour la famille, ne sont pas réglementés. Aucun texte n'encadre la tarification ni la manière dont la banque doit communiquer à propos de cette facturation auprès des proches en leur annonçant les sommes qui vont leur être versées. Voici les 5 banques les plus gourmandes en frais ponctionnés pour une succession, pour ce même « profil type » (vous pouvez aussi tester notre simulateur personnalisé en bas d'article).

Frais pour une succession « simple » de 15 000 euros
BanqueFrais au 1er novembre 2022

Top 5 des banques les plus chères

Allianz Banque 450 €
Crédit Agricole Languedoc390 €
Banque Populaire Val de France345 €
Crédit Agricole Guadeloupe338 €
Crédit Agricole Sud Méditerranée335 €

Top 5 des banques les moins chères

Crédit Agricole Loire Haute-Loire118,50 €
Crédit Agricole Ile-de-France80 €
Crédit Agricole Nord Est75 €
Ma French Bank 50 €
Boursorama Banque0 €

Source : plaquettes tarifaires des banques.
Relevé, comparatif et calcul des frais de succession effectué par MoneyVox.

COMPARATIF. Les frais de succession prélevés par les 127 banques étudiées en détail

Bercy a pourtant mis la pression sur les banques

Or, depuis 1 an, la pression se renforce sur les banques pour qu'elles aient la main un peu moins lourde au moment de clôturer les comptes d'un client défunt. L'UFC-Que Choisir a réclamé un « strict encadrement » de ces frais bancaires de succession voici très exactement 1 an. L'association de consommateurs a tout particulièrement dénoncé à cette occasion le report sine die de travaux censés lever le voile sur le coût réel du traitement des successions dans les banques, au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), organisme paritaire rattaché à la Banque de France.

Bercy a demandé au Trésor « d'examiner des pistes de réforme » des frais bancaires de succession

Le ministère de l'Economie et des Finances affirme toutefois que ces travaux ne sont pas enterrés : « Les frais bancaires prélevés à l'occasion d'une succession ne sont en effet pas réglementés », confirme ainsi Bercy en réponse au sénateur François Bonneau, en avril 2022. « Le ministre est toutefois conscient des difficultés engendrées par ces frais qui sont parfois difficilement lisibles et qui peuvent être vécus comme une injustice. Il a donc demandé à la direction générale du Trésor, en lien avec la communauté bancaire et toutes les parties prenantes intéressées, d'examiner des pistes de réforme en la matière. Ainsi, un cycle de travail a été lancé en 2021 au sein du du Comité consultatif du secteur financier. » Le gouvernement se disait alors « déterminé à ce qu'une solution soit rapidement dégagée » via le CCSF. Relancé par MoneyVox en cette fin octobre, Bercy affirme poursuivre ses travaux « pour clarifier le cadre applicable ».

Car entre temps, la pression s'est accentuée suite à la médiatisation d'un triste dossier à La Banque Postale en juin 2022 : l'établissement a prélevé 138 euros pour clore le Livret A d'un enfant de 8 ans décédé d'un cancer... Face au scandale, La Banque Postale a promis de mettre fin aux frais de succession prélevés sur les comptes d'un mineur défunt. Et Bercy a changé de ton : « On attend des propositions, concrètes, opérationnelles et rapides des banques, sinon nous devrons en passer par la loi » pour réglementer les frais bancaires de succession.

Le scandale des frais de succession facturés par les banques pour les enfants décédés relancé ?

Aucun changement en 1 an dans plus d'une banque sur deux

En 2022, certaines banques ont effectivement modéré leurs tarifs. Pêle-mêle : Boursorama applique désormais la gratuité pour les successions inférieures à 20 000 euros, alors que la banque en ligne prélevait l'an passé un forfait de 250 euros pour chaque succession ; Hello bank a supprimé les frais de gestion annuels en 2022 ; plusieurs Crédits Agricoles ont appliqué une baisse très significative de leurs frais ; ou encore la Société Générale a diminué ses frais fixes en cas de clôture suite à un décès.

« Le traitement bancaire d'une succession dure en moyenne 7 mois », se défendent les banques

Ailleurs... peu de changements : sur les 127 établissements étudiés cette année, plus de la moitié (76) n'ont pas baissé leurs tarifs. Pire : sur le « profil type » évoqué plus haut, les tarifs augmentent notamment dans plusieurs fédérations Crédit Mutuel via un complexe mécanisme de facturation.

Sollicitée par MoneyVox, la FBF rappelle que les procédures bancaires suite à un décès « ne correspondent pas à une simple fermeture de compte » et pointe la complexité de nombreux dossiers : « Le traitement bancaire d'une succession dure en moyenne 7 mois, délai principalement dû aux contraintes externes qui s'imposent aux établissements bancaires », se défend la fédération bancaire. Elle ouvre la porte « pour travailler avec les pouvoirs publics, les notaires notamment pour simplifier » le traitement des dossiers de successions. En attendant, au global, les frais bancaires de succession n'ont baissé que de 4% en un an.

Héritage : comment les banques justifient-elles les frais prélevés pour une succession ?

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* Calculs effectués pour la succession d'un défunt majeur rapidement menée à terme (moins d'un an) ; le compte bancaire du bénéficiaire des fonds est domicilié dans un autre établissement que celui du défunt. « - » si calcul impossible : manque de données, structure tarifaire trop complexe...

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