Depuis longtemps figure honnie des provinciaux, le Parisien viendrait désormais acheter tout ce qui se présente en régions. Une situation qui tend le marché et tire les prix vers le haut. Trop, même avec un budget capital ?

Pour les vendeurs (et les agents immobiliers), c'est une bonne nouvelle. Pour les locaux, ce serait un cauchemar. La présence des Parisiens sur le marché immobilier ne laisse personne indifférent. Cette catégorie indéterminée, parfois réduite au qualificatif de « bobo », porterait les maux du monde et la responsabilité de la bulle spéculative qui frappe les logements provinciaux : budgets illimités qui affolent les compteurs, volets qui restent clos 10 mois par an ou locations courtes sur Airbnb.

Deux constats d'abord : la flambée des prix de l'immobilier ne s'essouffle pas (+7,4% sur un an, +9% sur les maisons). Ensuite, de façon plus visible, depuis le confinement de mars 2020 et le développement du télétravail, les Parisiens ont adopté la province autrement que pour quelques jours de vacances savamment mises en scène sur Instagram. A la rentrée de septembre, les écoles élémentaires de la capitale ont vu leurs effectifs baisser de 6 000 élèves. On voit donc apparaître sur le marché des acheteurs qui souhaitent acquérir une maison en province pour y vivre avec leur famille.

« L'acheteur parisien regarde la surface en premier »

En Baie de Somme ou en Bretagne les prix augmentent aussi rapidement que la mer monte au Mont Saint-Michel. De Saint-Malo à La Baule en passant par Vannes, le prix des maisons a dépassé les 4 000 euros du mètre carré quand la côte basque peut dépasser les 7 000 euros/m2 et coller aux tarifs de grandes agglomérations comme Lyon ou Bordeaux... très prisées également des Parisiens.

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Et le Parisien justement ? Comment réagit-il face à ces prix fous ? Se voit-il en dindon de la farce ? « L'acheteur parisien regarde la surface en premier. Il veut une maison et un espace extérieur. Il déménage souvent pour un meilleur cadre de vie, confie un agent immobilier rennais à MoneyVox. Et il est déjà tellement habitué à des prix très hauts. Donc, sans être dupe, il ne s'émeut pas des tarifs. Même à 3 ou 4 000 euros par m2, c'est toujours entre 2 et 3 fois moins que les prix moyens du marché dans la capitale ». « Ce qui est recherché, ce sont des maisons de 120 m2 environ, avec un jardin d'un peu plus de 100 m2. Pas plus », répond Eric Allouche, directeur exécutif d'ERA Immobilier. « Il faut compter 340 000 euros en Ile-de-France et 170 000 euros à Poitiers pour une maison. Ces exemples montrent que le pouvoir d'achat en province peut être jusqu'à 2 fois supérieur à celui du secteur francilien », illustre Christophe Raffaillac du site immobilier des notaires Immonot.

« Paris a beau être très attractive économiquement et culturellement parlant, elle a tout de même sa part d'ombre et fait de moins en moins rêver. Le marché parisien est tellement haut que tout paraît abordable ou raisonnable. De plus, même locataires, les acheteurs parisiens peuvent démontrer leur capacité de remboursement avec des niveaux de loyers élevés » puisqu'un 50m2 se loue facilement 1 500 euros ou plus, confirme Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.

Achat rapide et offre limitée

La conséquence de cet attrait, ce sont des ventes ultra rapides qui conduisent à la rareté des biens - une tendance qui va s'accentuer en 2022 et pousser les prix vers le haut selon les notaires de France - car les agences ont en main une liste d'acheteurs avec des budgets XXL. « Les Parisiens qui débarquent avec un budget de 300 000 euros, évidemment, changent la donne ! » confirme Eric Allouche, du réseau ERA Immobilier alors que le budget moyen des emprunteurs français tourne autour de 220 000 euros selon le régulateur bancaire (ACPR). Les Parisiens sont souvent « des secondo accédants qui réalisent une opération achat/revente et peuvent ainsi disposer d'un apport conséquent pour s'offrir un bien de caractère en province », détaille Christophe Raffaillac. Ces excellents profils, comme on dit en immobilier, ne passent pas non plus par l'étape de la négociation, ce qui maintient les prix tout en haut du spectre.

Il faut ainsi compter environ 40 jours de moins aujourd'hui qu'il y a 3 ans pour vendre une maison à Saint-Nazaire et près de 70 jours de moins à Boulogne-sur-Mer, selon le récent baromètre SeLoger. Les ménages aux budgets plus modestes devront aussi s'éloigner des villes les plus attractives. « A mi-chemin entre Nantes et Angers, sur la ligne de TGV [vers Ancenis, NDLR], vous pouvez avoir une maison de 120 m2 et 800 m2 de terrain pour moins de 180 000 euros », explique l'expert.

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« C'est incroyable l'engouement qu'ont les Franciliens pour Reims et Angers ! Plusieurs choses l'expliquent : ce sont des villes très dynamiques professionnellement parlant, les mairies font beaucoup pour attirer les entreprises et les travailleurs, et au-delà de cela, elles bénéficient d'une image de marque plutôt haut de gamme, ce qui n'est pas toujours le cas des villes voisines. Elles sont donc totalement illustratives des modifications des façons de travailler et de vivre », explique Maël Bernier. Même effet vers Lyon où les prix de villes comme Valence bondissent sous la pression des citadins qui veulent de l'espace et rester à 20 minutes de TGV du centre ville.

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Et si les primo-accédants venus des capitales (de la France et des Gaules) s'en sortent bien, ceux des villes moyennes peinent de plus en plus à s'installer. Souvent jeunes et urbains durant leurs études, ils ne sont plus en mesure de rester dans les centre-villes à l'heure du premier achat en raison d'un budget total ou de revenus inférieurs à la concurrence. Une situation qui ne devrait pas s'arranger de sitôt : le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a décidé de resserrer les règles du crédit immobilier.

Aucun prêt de plus de 25 ans ne sera octroyé et pas plus de 35% de taux d'endettement ne sera toléré dès janvier 2022. Un cadre qui va certainement bénéficier aux Parisiens et à leur budget conséquent, supposent les observateurs. De nouvelles règles qui, si elles ne freinent pas leur élan, ne vont pas servir leur popularité non plus.