La banque lance F1RST Business Coach, un service de gestion de patrimoine dont l’ambassadeur est le champion du monde français Blaise Matuidi. Un marché porteur dans une période où le football est fragilisé et dans un secteur où l’éducation financière manque autant que les sollicitations fleurissent.

77% des Français estiment avoir un niveau de connaissance moyen ou faible sur les questions financières. Et sans surprise, les footballeurs sont des Français comme les autres malgré une exposition, des revenus et des sollicitations bien au-dessus de la moyenne. La Premier League, le tout-puissant championnat anglais de football, estime qu’un joueur sur deux est ruiné cinq ans après la fin de sa carrière. Et si aucune étude n’a été menée par l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP) sur la Ligue 1 et la Ligue 2, la situation n’est guère plus reluisante en France.

Pour accompagner les joueurs professionnels, le groupe Crédit Mutuel Arkéa capitalise sur l’expertise de ses entités, Arkéa Banque Privée et le Groupe IZIMMO, et lance F1RST Business Coach, un service patrimonial et bancaire. « Beaucoup d’anciens sportifs sont reconvertis dans le domaine et l’UNFP propose également son service de conseil en la matière. Mais personne n’est aussi global que nous : du compte courant, à la défiscalisation en passant par l’immobilier et le crédit, explique à MoneyVox, Olivier Nigen, directeur d’Arkéa Banque Privée. Les footballeurs ont une carrière particulière, courte et rémunératrice, voire très rémunératrice pour les meilleurs d’entre eux. L’arrêt de l’activité arrive tôt et peut être brutal. Pendant cette carrière, certains sont mal conseillés ou alors par des personnes du cercle familial qui manquent de compétences ».

Un salaire médian de 35 000 euros brut par mois en Ligue 1

Objet de fantasme, le compte en banque des footballeurs est plus disparate qu’il n’y paraît. En Ligue 1, 25% des joueurs perçoivent 75% des revenus distribués chaque année. Et quand la star brésilienne du PSG Neymar touche plus de 3 millions d’euros brut par mois et l’international français Kylian Mbappé près de 2 millions d’euros, les joueurs de Ligue 1 gagnent, en moyenne en 2020, 94 000 euros brut, soit 73 320 euros net chaque mois, selon les estimations du journal L'Équipe. Le détail des contrats est secret et bien gardé par les clubs : il ne faut ni donner trop d’indications avant de futures négociations, ni semer la zizanie au sein de vestiaires parfois fragiles, où le salaire reste un excellent indicateur de sa position dans la hiérarchie.

Toutefois, en Ligue 1, le Paris Saint-Germain offre de telles rémunérations que la moyenne est faussée : le salaire médian est donc de 35 000 euros brut (27 300 euros net) en Ligue 1 et de 8 500 euros brut mensuel (6 500 euros net) en Ligue 2. « Si l’opportunité se présente, nous ne dirions pas non à Neymar », sourit Olivier Nigen. Mais F1RST Business Coach, qui ambitionne de séduire une centaine de joueurs d’ici la fin de l’année, est plus raisonnable et vise des joueurs français de notre championnat. Le service ne cible pour le moment que des footballeurs mais via Arkéa, des rapprochements pourraient s’opérer avec l’équipe de cyclisme professionnel sponsorisée par la banque ou avec le club de rugby du Top 14 de Bègles-Bordeaux dont elle est partenaire. Pour s’offrir leur service, le footballeur devra émarger à 150 000 euros annuels, soit 12 500 euros par mois.

« Ce qui est bon pour un chef d’entreprise l’est aussi pour un sportif dans la constitution de son patrimoine »

« Notre méthode, c’est le coaching. Nous aidons à structurer le patrimoine du joueur en tenant compte de sa situation patrimoniale ou fiscale. Je prends toujours l’exemple de l’escalier : il faut y aller marche après marche, explique Olivier Nigen. Nous avons une expérience en banque privée, et en gestion de patrimoine qui nous apporte du recul et de l’expérience. Ce qui est bon pour un chef d’entreprise l’est aussi pour un sportif dans la constitution de son patrimoine ». Discret sur les meilleurs investissements à réaliser quand on perçoit un tel niveau de revenus, Olivier Nigen glisse tout de même un conseil : « Attention à ne pas être trop concentré sur la défiscalisation. La plupart des erreurs de parcours viennent de là. La bonne affaire n’est pas forcément celle qui réduit les impôts. L’aspect fiscal est important mais, seul, il est bien souvent mauvais conseiller ».

Réseau et confiance

Ancien joueur professionnel très prometteur à Rennes et Brest, Guillaume Borne a aussi réalisé des investissements malheureux pendant sa carrière. Depuis 2016, il a fondé une agence de conseil en gestion de patrimoine ESC-Anthéa pour faire profiter de jeunes joueurs de son expérience. « Je propose l’accompagnement que je n’ai pas eu lorsque j’étais footballeur professionnel », explique à MoneyVox l’ancien défenseur central qui travaille avec une quarantaine de joueurs évoluant en France et à l’étranger. « Je suis un conseiller en gestion de patrimoine indépendant. Les préconisations délivrées par le cabinet sont en adéquation avec les besoins et les envies du client. Nous faisons dans un premier temps de l’éducation financière : le joueur qui travaille avec nous doit comprendre ce à quoi il s’engage, ce qu’il signe comme contrat ». Sa force ? « Je connais et comprends les aléas que vont rencontrer les joueurs. Le relationnel est fondamental pour établir le lien. Nous avons une quarantaine de joueurs entre 16 et 32 ans qui évoluent en France et à l'étranger ». Le réseau également.

La structure lancée début 2021 par Arkéa ne dit pas autre chose puisqu’elle a profité du lien d’un de ses commerciaux avec Blaise Matuidi pour faire du champion du monde français son ambassadeur. « On a vu les échecs de certains, on a entendu les conseils des anciens dans le vestiaire, expliquait le milieu de terrain de l’Inter Miami en janvier. J’ai les idées claires, je peux être un grand frère ». « Blaise Matuidi est l’ambassadeur parfait, estime Olivier Nigen. Sa carrière de footballeur comme sa gestion personnelle sont un modèle. Sa présence est un accélérateur pour notre structure. D’autant plus qu’il s’investit dans le recrutement » de nouveaux clients, en participant par exemple à des entretiens. Pas un mot sur leur patronyme mais deux joueurs de l’équipe de France ont été recrutés par F1RST Business Coach.

« Blaise Matuidi est l’ambassadeur parfait. Sa carrière de footballeur comme sa gestion personnelle sont un modèle »

En 2021, en France, la crise sanitaire, les stades à huis clos et la débâcle des droits télé poussent les clubs à revoir leur politique salariale. « Des baisses de salaires sont attendues en Ligue 1, de l’ordre de 20%. La bonne gestion de son argent sera encore plus importante si les montants baissent et que les carrières sont plus incertaines », souligne Guillaume Borne. Un modèle comme celui développé par le président du FC Lorient, Loïc Féry, pourrait se développer. Patron d’un fonds d’investissement londonien, ce fervent supporter d’Emmanuel Macron, un temps pressenti au ministère des Sports, a appliqué un système salarial venu de la finance dans son club de football : un fixe limité mais une part variable importante qui peut dépendre du nombre de buts comme du classement final. Une stratégie qui permet de garantir la sérénité financière du club face aux aléas sportifs et économiques. Un système qui n'inquiète pas les gestionnaires de patrimoine habitués à ce modèle de rémunération.

Eduquer les stars de demain

« La situation actuelle du football en France doit inciter les joueurs à prendre soin de leur patrimoine », confirme Olivier Nigen. Pour les aider au mieux, Guillaume Borne intervient en amont, dans les centres de formation de Rennes, Nantes ou Lorient, pour éduquer les joueurs, qui se retrouvent parfois très jeunes à générer et gérer des revenus élevés. C’est un poids et une responsabilité à laquelle ils n’ont souvent pas été suffisamment préparés et qui peut les pénaliser à un âge où le sportif et l'insouciance priment. Mais il n’est jamais trop tard pour rectifier le tir, même à la 90ème minute d’une carrière.

Ces joueurs de football arnaqués et ruinés

En 2016, le magazine SoFoot a dressé l’équipe type des endettés. Dans ce 11, on trouve des légendes du sport le plus populaire du monde : les Anglais Paul Gascoigne et George Best, le Nigerian Jay-Jay Okocha, l’Italien Christian Vieiri ou le Français José Touré. Plus récemment, et moins connus, les footballeurs français Bryan Bergougnoux ou Cédric Hengbart ont témoigné de leur descente aux enfers comme en son temps le champion d’Europe 1984, Bruno Bellone.

En 2019, L’Equipe révélait les contours d’une arnaque à l'immobilier développée au début des années 2010 sur la base d’une promesse de défiscalisation grâce à la loi Malraux. Les footballeurs plaçaient leur argent dans des bâtiments classés monuments historiques qui nécessitaient de nombreux travaux à réaliser. Problème, ceux-ci ne débutaient jamais et les mises (des sommes entre 40 et 100 millions d’euros sont évoquées au total) ont été perdues...