Contrairement au Livret A, l'assurance vie, pourtant premier produit d'épargne en France du point de vue des encours, a essuyé en juin un quatrième mois de sorties nettes d'épargne d'affilée, portant à près de 5 milliards d'euros le montant de la décollecte depuis le début d'année.

« La période de confinement obligatoire a provoqué en France une hausse ponctuelle et impressionnante du taux d'épargne et, en conséquence, des placements financiers des ménages au premier semestre », souligne une étude publiée lundi par le groupe bancaire BPCE.

De fait, les ménages ont accumulé 55 milliards d'euros d'épargne pendant le confinement et 20 milliards supplémentaires pendant la période de déconfinement qui a suivi, pour atteindre un total de « 75 milliards en l'espace de seize semaines », estimait fin juin l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Grands gagnants de ce mouvement, le Livret A et le Livret de développement durable et solidaire (LDDS) ont ainsi engrangé plus de 26 milliards d'euros d'épargne sur les six premiers mois de l'année, soit presque deux fois plus qu'à la même période en 2019. Une part importante est aussi allée se loger sur les comptes courants des Français.

« Ce sera un premier semestre historique, atypique, qui portera la marque du confinement, avec une épargne contrainte, subie, très liquide, très sécurisée. On est dans un moment anxiogène. Les ménages ont privilégié non pas le rendement, mais la sécurité », souligne Philippe Crevel, directeur du cabinet d'analyse Le Cercle de l'épargne.

Les fonds euros désertés

Spectaculaire contraste, l'assurance vie, pourtant premier produit d'épargne en France du point de vue des encours, a elle essuyé en juin un quatrième mois de sorties nettes d'épargne d'affilée, portant à près de 5 milliards d'euros le montant de la décollecte depuis le début d'année.

Cette tendance « s'explique par la nécessité de certains assurés d'effectuer des rachats pour maintenir leur niveau de vie », souligne Philippe Crevel. Mais l'assurance-vie a aussi et « surtout pâti du recul des cotisations des fonds euros », relèvent les analystes de BPCE.

Investis pour une large part en obligations, les contrats « en euros » désignent des placements dont le capital est garanti par l'assureur, quelles que soient les évolutions des marchés financiers. Ces supports n'ont toutefois plus la sympathie des compagnies qui incitent depuis plusieurs années les épargnants à placer leurs économies en « unités de compte », donc le capital n'est pas garanti, mais potentiellement plus rémunérateur à long terme en misant davantage sur des titres plus risqués, tels que les actions notamment.

Au cours du premier semestre, « en ce qui concerne l'épargne à risque, c'est-à-dire les unités de compte, on est sur des volumes de collecte identiques à ceux de l'année dernière », remarque Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet d'étude Facts and Figures. Conclusion : « les assureurs ont fortement fermé le robinet des fonds euros, qui leur coûtent plus cher en fonds propres réglementaires, sont plus difficiles aussi à placer dans un contexte de taux très bas, voire négatifs », résume cet analyste.

Normalisation sous condition

Mais « les Français savent que le contexte économique est catastrophique, qu'il y a des risques de licenciement et qu'il n'y aura pas d'augmentation de salaire. Comme les assureurs-vie ne veulent pas engranger de la collecte nette sur leurs fonds en euros dans la configuration actuelle des marchés financiers, il y a donc un report important de la collecte d'épargne sécurisée vers l'épargne bancaire réglementée », telle que le Livret A ou le LDDS, poursuit Cyrille Chartier-Kastler.

Pour Philippe Crevel, l'assurance vie devrait revenir ces prochains mois « sur des collectes positives. Il n'y aura pas d'énorme rebond, mais une banalisation ». Mais « l'idée d'un dégonflement de l'épargne de précaution suppose que le contexte sanitaire et économique se normalise. Il est trop tôt à ce stade pour le dire », ajoute Philippe Crevel.

Cette épargne forcée se dégonflerait logiquement ensuite dès juillet avec le déconfinement graduel et un rebond des dépenses des particuliers, tout en restant encore élevée du fait de la montée du chômage, du maintien du sentiment d'incertitude sanitaire, d'un comportement induit d'attentisme, voire d'une prise de recul face à la manière de consommer, anticipent pour leur part les analystes de BPCE.