Apprendre que son enfant est atteint d'une maladie grave est déjà un séisme dans la vie d'une famille. Un drame qui peut parfois conduire à de graves difficultés financières. Car si les parents doivent arrêter de travailler, les charges continuent à s'accumuler. Mais un avis du CCSF, attendu pour le 12 décembre, pourrait apporter de l'air aux familles ayant un crédit immobilier.

« Il y a d'abord l'opération, puis la réanimation, puis la thérapie avec des soins très lourds... Aucun parent ne peut laisser son enfant dans ces moments-là, on veut être près de lui. Pourtant, très vite, on se demande comment on va faire financièrement. Aux annonces des diagnostics s'ajoute la pensée qu'il faut continuer à assumer toutes les charges de la vie courante et les mensualités de crédit immobilier. » Comme des milliers de familles chaque année, Élise a vu sa vie basculer le jour de l'annonce de la maladie de sa fille.

« Un matin, j'ai quitté mon bureau en catastrophe pour emmener ma fille à l'hôpital, et je n'ai pas pu y retourner pendant près de deux mois », rembobine cette médecin généraliste, installée depuis deux ans dans son cabinet à ce moment-là. Son conjoint, nouvellement embauché dans une entreprise d'aéronautique, ne peut prendre que des congés sans solde. Forcément, les revenus du ménage chutent. « Pourtant, j'avais une assurance professionnelle, une prévoyance santé, une assurance emprunteur pour mon crédit immobilier. J'avais tout, je pensais vraiment être couverte pour tous les cas de figure. Mais aucune assurance, tant sur le plan professionnel que privé, ne couvrait la maladie de notre enfant. Aujourd'hui, il y a un abandon des familles d'enfants gravement malades. »

Des mensualités de crédit parfois très dures à assumer

Les charges, elles, demeurent. Outre le loyer de son activité professionnelle et les différents frais de la vie quotidienne, la famille doit également rembourser ses crédits. « On avait deux crédits immobiliers, l'un d'un bien en location qui se remboursait grâce au loyer perçu, mais également le prêt de notre résidence principale. Comme nous sommes des cadres, avec des revenus confortables pour les deux, la banque nous avait octroyé des crédits conséquents, avec un taux d'endettement à 33%. » Si, après sollicitation, la banque propose de différer les mensualités du crédit immobilier, cette modification coûte cher.

Crédit immobilier : ces frais cachés qui font grimper le coût de votre prêt

« Je n'ai pas pu reprendre plus qu'un mi-temps pendant toute la période de la maladie de notre enfant. On a dû faire financer nos mensualités de crédit par mes parents, qui nous ont fait une reconnaissance de dettes. On a eu énormément de chance de pouvoir faire ça, cela nous a permis de souffler financièrement. On a tenu grâce à la générosité des gens qui nous entourent, mais toutes les familles dans notre situation n'ont pas la même chance », explique Élise. Car si les parents d'enfants gravement malades peuvent bénéficier de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) après constitution d'un dossier, cette allocation ne peut dépasser 1 373,68 euros par mois.

Et Élise n'est pas un cas isolé. « J'ai vu récemment un couple de restaurateurs qui avait un enfant gravement malade. Pourtant, tout l'été, le mari a dû aller travailler au restaurant plutôt que d'être auprès de lui. On ne devrait pas avoir à choisir entre faire survivre son entreprise et tenir la main de son enfant en fin de vie », juge la médecin, qui a rejoint la Fédération Grandir sans cancer pour aider les familles dans la même situation.

« On ne devrait pas avoir à choisir entre faire survivre son entreprise et tenir la main à son enfant en fin de vie »

Mais la donne pourrait bientôt changer. C'est le combat que porte Stéphane Vedrenne, fondateur de l'association Eva pour la vie et président de la Fédération Grandir sans cancer. Depuis plus d'un an, il milite pour que les mensualités de crédit immobilier soient prises en charge par l'assureur dès que les parents commencent à bénéficier du congé de présence parentale.

« L'une des difficultés qui revient le plus chez les parents d'enfants gravement malades, c'est d'assumer ses mensualités de crédit immobilier à l'annonce de la maladie d'un enfant, explique Stéphane Vedrenne. Partant de ce constat, j'ai rencontré Wilfried Briand, qui est directeur de la souscription chez CNP Assurances. On a échangé et après étude, ils se sont rendu compte que l'impact de la prise en charge des mensualités de ces familles serait de l'ordre de 0,003%. »

Forte de ce constat, la Banque Postale, qui travaille avec CNP Assurances, a décidé il y a un an de mettre en place une garantie enfants malades dans ses contrats d'assurance de prêt. Depuis, l'ensemble des contrats de crédit immobilier souscrits auprès de La Banque Postale comprennent sans surcoût cette garantie, qui prend en charge 50% de la mensualité du crédit, dans la limite de 4 000 euros par mois, et ce pendant 28 mois maximum. « Je suis très fier qu'on ait réussi à convaincre les acteurs de l'assurance et de la banque, et je salue l'humanité de CNP Assurances sur ce sujet, poursuit le fondateur d'Eva pour la vie. L'objectif, c'est désormais que l'ensemble des autres banques et assurances fasse de même. »

Prêt immobilier : « il faut prendre en charge le crédit des familles d'enfants gravement malades »

Avec l'aide du député Horizons Paul Christophe, Stephane Vedrenne saisit le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) pour que le monde de l'assurance accepte d'évoluer sur le sujet. Ce dernier se réunira le 12 décembre, pour entériner une décision qui pourrait donc donner de l'air à de nombreuses familles en difficultés. « Notre souhait, c'est que les banques et assureurs acceptent de prendre en charge l'ensemble du montant de la mensualité de crédit immobilier, sur une durée définie, pour les parents qui cessent de travailler pour s'occuper de leurs enfants », développe Stéphane Vedrenne.

« Dans un foyer, le logement est souvent le principal poste de dépense. Si, au moment de la mise en place de l'AJPP, la mensualité de crédit immobilier est prise en charge par l'assureur, ce serait un soulagement énorme pour les familles », abonde Élise.

« Si la mensualité de crédit immobilier est prise en charge par l'assureur, ce serait un soulagement énorme pour les familles »

Beaucoup d'autres choses restent à faire. Élise milite pour une évolution qui permettrait d'aider les professions libérales et les indépendants. « Dans le cas de la maladie d'un enfant, les prévoyances santé ne se déclenchent pas non plus. Il y a sans doute des choses à changer sur les contrats d'assurance professionnelle, pour permettre une prise en charge des frais professionnels dans cette situation. »

Stéphane Vedrenne, de son côté, souhaiterait une prise de conscience des industriels du médicament. « On leur a demandé de mettre en place un fonds pour faire des efforts sur le développement des médicaments pour l'enfant. On nous a répondu que l'enfant n'était pas un marché intéressant. Sur tous les cancers spécifiques à l'enfant, il n'y a aucune amélioration de traitements sur les dernières décennies, car les industriels refusent de s'y intéresser. »