Pour faire des milliers d'euros d'économies sur un prêt immobilier, il est souvent intéressant de changer d'assurance. Mais certaines banques mettent encore des bâtons dans les roues de leurs clients. Explications.

Avez-vous profité de la loi Lemoine pour changer d'assurance emprunteur ? Originellement connue sous le nom de « loi du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur », elle est entrée en vigueur le 1er juin pour les nouveaux crédits immobiliers et a été étendue à tous les prêts au 1er septembre.

Cette loi tire son nom de la députée Agir Patricia Lemoine, qui a porté cette réforme. Elle permet notamment de résilier son assurance de prêt à tout moment pour en choisir une autre, à condition que cette dernière propose des garanties équivalentes.

En pratique, des délais pouvant aller jusqu'à 40 jours

En théorie. Car en pratique, certains établissements bancaires feraient en effet preuve de mauvaise volonté au moment de laisser partir leurs clients. « Alors que la loi donne 10 jours à la banque pour répondre à votre résiliation, les banques prennent de plus en plus de temps pour répondre. On avait un délai moyen de réponse de 26 jours en janvier, il passe à 28 jours en février », pointe Éric Maumy, président d'April, courtier en assurances.

Et dans certains cas, le délai serait même encore plus long. L'Association pour la promotion de la concurrence en assurance des emprunteurs (Apcade) relevait par exemple fin février des délais pouvant aller jusqu'à 40 jours pour les plus mauvais élèves.

« De grosses économies sur votre prêt immobilier »... Ce qui a changé grâce à la réforme Lemoine

Comment expliquer ces délais ? « Les banques n'ont aucune raison de se dépêcher de perdre un client, juge Astrid Cousin, porte-parole du comparateur en assurances Magnolia.fr. Étant donné que les manquements répétés sur le sujet n'ont jamais été sanctionnés, il n'y a aucune raison de changer aujourd'hui. »

Des banques pointées du doigt

Face à la fuite des clients et alors que la marge sur l'assurance emprunteur peut parfois atteindre 70%, « certains banquiers tentent désormais de gripper la machine, appuie Éric Maumy. Or, leur seul levier, c'est de prendre un maximum de temps pour répondre afin de décourager les emprunteurs. »

Si le taux de validation pour un changement d'assurance est en moyenne de 85%, ce chiffre chuterait à 57% et à 64% pour deux grandes banques mutualistes, estime Eric Maumy. « Ceux qui ont le plus d'intérêts financiers dans l'assurance emprunteur sont ceux qui bloquent le plus, mais aussi ceux qui laissent le moins les emprunteurs s'assurer à l'extérieur », confirme Éric Maumy.

Contacté par Les Échos sur la question, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale nie le fait de jouer la montre. « Concernant la question spécifique du délai des 10 jours ouvrés prévu par la loi Lemoine, Crédit Mutuel Alliance Fédérale a pris l'ensemble des mesures opérationnelles nécessaires pour se conformer aux obligations réglementaires. Nous respectons bien ce délai », affirme la banque.

« Avec ça, les législateurs auront réglé le problème »

De son côté, la députée Patricia Lemoine estime que « le délai de 10 jours est globalement respecté. Même s'il y a encore des manquements, cela s'est clairement amélioré. Avant, certains établissements bancaires ne prenaient même pas la peine de répondre aux demandes des clients. »

Un avis partagé par Émilie Ruben, porte-parole de Sécurimut : « Forcément, il n'y a pas eu de miracle, le délai n'a pas été parfaitement respecté du jour au lendemain. Néanmoins, on observe plutôt des améliorations. Certaines banques ont mis en place des services dédiés à la résiliation. Au niveau des délais d'émission d'avenants, on a remarqué que ça s'était bien arrangé. Ainsi, depuis le 1er octobre 2022, certains établissements répondent dans les délais dans 85% des cas. Il semble y avoir une prise de conscience des banques. »

Pour autant, il faut encore rester prudent. « Rappelons qu'à chaque nouvelle loi sur l'assurance emprunteur, nous avons bénéficié de quelques mois d'améliorations avant que les banques ne parviennent à contourner la loi », juge Émilie Ruben. Mais Patricia Lemoine assure rester vigilante : « L'année 2023 va nous permettre d'avoir du recul et de mieux jauger l'efficacité des dispositifs que l'on a voté et de mettre en lumière les éventuels effets de bord. Dans ce cas, je veillerai à ce que l'on puisse les corriger rapidement », promet la députée.

Quoi qu'il en soit, tous les intervenants interrogés s'accordent à dire que la Loi Lemoine est un succès. Depuis le 1er septembre, Magnolia a vu les demandes augmenter de 300%. Il faut dire qu'en fonction de la durée de son crédit et du montant restant dû, un emprunteur peut faire des milliers d'euros d'économies en changeant d'assurance emprunteur.

« Cette Loi est déjà très utile, il ne manque pas grand-chose pour qu'elle soit parfaite, assure Éric Maumy. Il faut juste que les banquiers ne puissent plus jouer sur les délais, et cela peut se faire très simplement. Il suffit d'instaurer le fait que sous 10 jours, la substitution est effective et que l'absence de réponse vaut acceptation. Avec ça, les législateurs auront réglé le problème. »

De son côté, Astrid Cousin regrette cependant que les sanctions prévues à l'égard des banques qui ne respectent pas leurs obligations à l'égard des emprunteurs ne soient pas appliquées. La loi Lemoine prévoit pourtant une amende administrative de 15 000 euros. « Ça fait 13 ans que le marché se libéralise et les délais n'ont jamais été respectés. Il y a deux ans, les régulateurs ont fait des audits où l'on pointait tous ces manquements, preuves à l'appui, et rien n'a changé. J'ai donc du mal à croire que ça bougera maintenant », assure Astrid Cousin.

Comparateur des assurances pour un prêt immobilier