Alors que le marché de l'immobilier est en train de se retourner, est-il toujours judicieux de passer par un prêt relais pour changer de bien, ou vaut-il mieux vendre avant d'acheter ?

Vaut-il mieux vendre avant d'acheter ? Cette question, vieille comme le monde au moment de changer de logement, se pose d'autant plus dans un marché en pleine mutation. Alors que les prix de l'immobilier débutent tout juste leur baisse, tandis que les taux de crédit, à l'inverse, connaissent une hausse continue depuis plus d'un an, les emprunteurs peinent à s'y retrouver.

Certains préfèrent d'ailleurs reporter leur projet. Une frilosité qui explique en partie le ralentissement actuel des transactions sur le marché immobilier. « Les acheteurs des dix dernières années ont forcément eu des taux plus bas que ceux actuellement proposés par les banques (autour de 4%, NDLR), donc psychologiquement c'est plus difficile pour eux d'imaginer changer de bien », note Maël Bernier, directrice de la communication de Meilleurtaux.

Néanmoins, que ce soit par obligation ou par envie, certains emprunteurs continuent de faire vivre le marché, notamment les secundo-accédants. Parmi eux, ils sont nombreux à se questionner sur l'opportunité de réaliser un prêt relais au moment de chercher un nouveau bien. « Dès que le marché entre dans une phase de baisse, les prêts relais ont moins la cote auprès des vendeurs, dévoile Maël Bernier. Il y a un frein psychologique, les vendeurs ont tendance à vouloir vendre avant d'acheter. »

Le coût du prêt relais s'envole

Pour rappel, le prêt relais permet à un emprunteur d'acheter un bien avant d'avoir vendu le précédent. La banque va accepter de prêter une somme (entre 50% et 80% de la valeur estimée du bien, moins le capital restant dû sur le prêt) que l'emprunteur remboursera une fois la vente du premier bien effectuée. Souvent contracté pour une durée maximale de deux ans, le prêt-relais permet ainsi de ne rembourser que les intérêts du prêt pendant cette période, le capital n'étant dû qu'à la vente du premier bien.

Sur le papier, ce type de financement peut donc permettre de se positionner sur la perle rare avant d'avoir récupéré l'argent nécessaire. Le problème, c'est que le prêt relais à un coût. Les taux sont en effet passés du simple au double en un peu plus d'un an.

Alors qu'il se négociait autour de 2% en mai 2022, la Banque de France estime ainsi que le taux effectif pratiqué par les établissements de crédit pour les prêts relais a atteint en moyenne 4,15% cet été. « Avec un taux de 4,15%, un prêt-relais de 150 000 euros coûtera par exemple un peu plus de 500 euros par mois. Pour un prêt-relais de 300 000 euros, ce sera plus de 1 000 euros par mois. En ajoutant le coût de l'assurance emprunteur qui doit être souscrite comme avec un prêt classique, on arrive vite à près de 550 euros par mois pour un prêt-relais de 150 000 euros et à 1 100 euros pour 300 000 euros », note le site boursier.com. Une charge supplémentaire importante, surtout si l'emprunteur est déjà en train de rembourser un précédent prêt.

« Les prêts relais sont plus faciles à obtenir dans un marché dynamique »

Les banques frileuses sur le prêt relais

Tout comme les emprunteurs, les banques sont également plus frileuses. « Les prêts relais sont plus faciles à obtenir dans un marché dynamique », estime Maël Bernier. Une vision confirmée par Cécile Roquelaure, porte-parole du courtier Empruntis : « Il est plus compliqué aujourd'hui d'obtenir un prêt relais, les banques sont extrêmement regardantes sur ce type de financement. Elles vont clairement privilégier un emprunteur qui cherche à acheter et qui fait valoir en face un compromis de vente sur le bien qu'il veut vendre, pour être sûr que la vente va aller jusqu'au bout et au prix annoncé. »

La question de la valeur du bien est d'ailleurs centrale. « Dans une opération d'achat revente avec un prêt relais, le problème pourra principalement venir de l'estimation qui est faite sur votre bien, développe Cécile Roquelaure. Il ne faut absolument pas le surestimer, et malheureusement, vu que l'on sort d'un marché porteur, c'est souvent le cas aujourd'hui. Si vous surestimez le montant de votre vente, vous risquez de mettre plus de temps à vendre. Pour la banque, le but est que vous vendiez le plus vite possible pour que vous ne soyez pas en difficulté. » Car un emprunteur qui ne parviendrait pas à vendre à temps se retrouverait alors avec deux crédits à rembourser.

L'option du crédit relais « sec »

Certaines opérations sont plus facilement acceptées par les établissements bancaires, à l'image du relais « sec ». Dans ce cas, l'emprunteur, qui a déjà terminé de rembourser son premier bien, va simplement demandé une avance de trésorerie le temps de vendre son bien. Mais même dans ce cas, les banques peuvent décider de ne prêter que 60 à 70% de la valeur de la vente, une protection pour elles comme pour les emprunteurs. Mieux vaut donc se présenter devant son banquier avec un dossier béton, par exemple avec un compromis signé sur le premier bien, qui laisse présager d'une vente à un prix déjà fixé.

Face à toutes ces difficultés, certains emprunteurs privilégient une vente longue, qui consiste, lors de la signature du compromis ou de la promesse de vente, à s'accorder sur un délai supplémentaire (par exemple 6 mois, contre 3 mois en moyenne dans une vente classique, NDLR) pour finaliser la transaction. Faut-il pour autant forcément laisser tomber le prêt relais ? Pierre-Etienne Beuvelet, directeur général d'In&Fi crédits, se veut plus mesuré : « Le prêt relais devient compliqué mais c'est toujours une possibilité, tout va dépendre de la situation du client. Si vous avez les liquidités nécessaires, vous pouvez vous permettre de ne pas passer par un prêt relais, mais certains n'ont pas le choix. Tout va dépendre de la situation, il ne faut pas dire qu'il faut forcément se passer du prêt relais. »