Dédié aux militaires ayant défendu la France, le contrat Retraite mutualiste du combattant, proposé par plusieurs mutuelles, offre divers avantages : abondements, fiscalité... Remerciant ceux qui risquent leur vie pour notre pays, ces bonus semblent intéressants. Mais à y regarder de plus près, le sujet est plus complexe.

C'est un sujet inattendu pour MoneyVox. Intégrant régulièrement le contrat Retraite mutualiste du combattant dans nos palmarès des meilleurs fonds euros, la rédaction imaginait que cette assurance vie sous forme de rente viagère était la plus généreuse du marché.

Ce qui semble normal, étant donné qu'il cible notamment les militaires intervenus lors d'opérations extérieures. Pour saluer ceux qui défendent la France, RMC propose un rendement canon et divers avantages monétaires et fiscaux. Mais après échange avec les assureurs, nos calculs apportent un éclairage inattendu.

EN DÉTAIL. Assurance vie : l'imbattable contrat des militaires, RMC, est-il toujours aussi intéressant ?

1 - Un avantage fiscal sous condition

L'argument. C'est unique en son genre sur le marché de l'assurance vie. Lors de la phase d'épargne, l'ensemble des sommes versées sur le contrat sont déductibles du revenu imposable. Sur le marché, seul le Plan d'épargne retraite (PER) propose ce type d'avantage. Mais la fourchette est limitée : au minimum 10% du Pass, plafond annuel de la sécurité sociale (4 114 euros en 2023) et au maximum 10% de 8 fois le Pass (32 909 euros en 2023). Or, du côté de la RMC, il n'y a pas de plafond : il est possible d'épargner la somme de son choix, puis de la déduire de ses revenus imposables. Dans l'absolu, on peut donc réduire à zéro ses revenus pendant de nombreuses années d'épargne !

1ère limite. Il faut différencier revenu imposable et impôt. Pour une personne au taux marginal d'imposition de 30%, une déduction du revenu imposable de 10 000 euros entraînera seulement 3 000 euros de réduction d'impôt. Cela permet toutefois des stratégies fiscales intéressantes, par exemple quand la déduction permet de réduire son revenu fiscal en dessous de la première tranche d'impôt sur le revenu (autour de 11 000 euros, selon les profils). Dans ce cas, l'impôt est de 0 !

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2ème limite. Bien plus ennuyeux : cet avantage n'est valable que si l'épargnant conserve son contrat jusqu'à la phase de rente. Il est possible de racheter ses cotisations en phase d'épargne, c'est-à-dire avant la rente. Mais dans ce cas, la somme est imposable au titre des rentes viagères à titre onéreux !

Ainsi, un militaire avait ouvert, en 2014, un contrat RMC, sur lequel il a épargné 3 902 euros. Victime de soucis financiers, il a souhaité récupérer ce capital en 2019. Sa mutuelle a transmis l'information aux services fiscaux. Le client a alors été imposé à hauteur de 2 731 euros sur cette somme ! Celui-ci a saisi le tribunal administratif de Rennes, contestant cette imposition. Le 1er février 2023, les magistrats ont rejeté son recours. S'appuyant sur le code général des impôts, ils ont confirmé que le rachat constituait un versement anticipé des rentes viagères.

2 - Des rentes défiscalisées, mais plafonnées

L'argument. Lorsque le contrat est transformé en rente viagère, celle-ci est non imposable, ce qui semble un vrai plus.

1ère limite. Ce système comporte un biais : la rente annuelle respecte un plafond annuel, décidé par l'État pour ce contrat, en dessous duquel la rente est défiscalisée. En 2023, ce plafond est fixé à 1 948 euros. Techniquement, ce plafond est revalorisé chaque année, de l'ordre de 1,8%, même si cette augmentation n'a rien de garanti. En se projetant à 30 ans, on peut estimer que la rente maximale sera autour de 4 000 euros.

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2ème limite. Pour atteindre ce plafond, il faut avoir versé un capital important sur son contrat : selon les options, cela dépasse les 50 000, voire les 100 000 euros.

3ème limite. Cette rente est annuelle. Même avec la revalorisation, obtenir 4 000 euros n'est pas si énorme !

4ème limite. Comme l'explique notre enquête, les contrats en rente sont calculés selon les tables de mortalité. Or ces tableaux estiment une espérance de vie déconnectée de la réalité. Ainsi, pour calculer sa rente, on estime qu'un homme de 35 ans activant sa rente à 64 ans vivrait jusqu'à 95 ans ! Soit plus de 10 ans de plus que l'espérance de vie de l'Insee. Un chiffre qui a en outre tendance à décroître depuis quelques années. Sans oublier que le public militaire, exposé à des conditions de travail difficiles (stress, sommeil limité, fatigabilité...), ne dépasse en général pas l'espérance de vie estimée par l'Insee. Il en résulte un constat : ces tables, se basant sur une espérance de vie « maximum », pourraient surtout servir pour limiter la rente !

3 - Des intérêts et abondements... invisibles ?

L'argument. Pour remercier les militaires, l'État et les mutuelles offrent divers bonus aux épargnants. La revalorisation annuelle de l'épargne, placée sur un fonds euros, bénéficie d'un taux boosté, supérieur au rendement du fonds euros sur lequel le contrat s'adosse. En 2022, La France mutualiste a ainsi offert un supplément de 61 points de base aux militaires. De plus, l'État offre un abondement sur les sommes épargnées. Le calcul est complexe, mais on peut estimer qu'il se situe autour de 25%. Un gain non négligeable !

La limite. Pour rappel, le contrat se transforme en rente viagère. La surprise, c'est que les intérêts et l'abondement de l'État ne sont visibles... que dans le calcul de la rente ! Pour faire simple : la rente plafonnée de 1 948 euros en 2023 comprend une part de l'abondement et des bonus d'intérêts capitalisés. Ceux-ci contribuent donc aux sommes versées, mais pas à l'accumulation lors de la phase d'épargne ! Dit autrement, puisqu'il n'intervient que lors du versement de la rente, l'abondement de l'Etat ne « travaille » pas pour l'épargnant durant la phase d'épargne. Ce qui rend d'autant plus étonnant ce plafonnement limité de la rente annuelle.

4 - Des options mal calibrées ?

L'argument. Le contrat RMC offre deux options. Le régime « aliéné » permet au militaire d'obtenir une meilleure rente, dans la limite du plafond bien sûr. Le régime « réservé » permet de garantir un capital reversé aux héritiers. En contrepartie, la rente est moins importante. Cette option « réservé » est très majoritairement privilégiée par les militaires.

1ère limite. C'est le cœur de notre enquête. En effet, dans le régime aliéné, il n'est prévu aucun capital reversé à ses proches à la mort de l'épargnant. Cela semble étonnant : outre une rente annuelle qui n'est, au final, pas si importante, les sommes épargnées ne sont pas sécurisées. Selon nos calculs, il faut donc toucher 20 ans de rente pour récupérer ne serait-ce que ce qu'on a versé sur le contrat ! Il faut donc vivre longtemps pour être gagnant... Dans le régime aliéné, rappelons aussi qu'une fois le contrat transformé en rente, aucun reliquat de capital ne peut plus être récupéré par le client.

2ème limite. Dans le régime réservé, un capital est reversé aux héritiers à la mort du client. Mais dans ce cas, le contrat comporte deux inconvénients. D'une part, la rente du militaire est bien plus faible : pour un même capital, elle est actuellement 5 fois moins importante que pour le régime aliéné. Soit quelques centaines d'euros à l'heure actuelle ! De son côté, le capital versé aux héritiers ne correspond qu'à 90% des sommes épargnées, revalorisées de moins de 1% par an. Est-ce un résultat de notre enquête ? En tout cas, la France Mutualiste vient d'annoncer que désormais, pour l'option réservée, le capital versé aux héritiers représentera 100% des sommes épargnées, revalorisées annuellement de moins de 1%

3ème limite. Selon nos calculs, la performance de ce régime réservé, avantages fiscaux compris, est bien moindre qu'une assurance vie performante et optimisée. Or c'est l'option la plus populaire...

En bref. Il faut épargner une grosse somme pour obtenir la rente plafonnée sans laisser de capital pour ses héritiers.

Ou épargner une très grosse somme (presque 3 fois plus) pour obtenir cette même rente plafonnée, avec un capital reversé inférieur aux versements effectués sur le contrat.

Retraite mutualiste du combattant : infos et chiffres clés

La Retraite mutualiste du combattant est un contrat d'assurance vie en rente viagère distribué par de multiples mutuelles : La France Mutualiste, Carac, Mutuelle Épargne Retraite, CNM santé, AGPM, La Financière Militaire...

Si dans beaucoup de cas, les chiffres restent confidentiels, on peut estimer que près d'un million de militaires ou anciens militaires bénéficient du contrat, pour des sommes épargnées dépassent largement les 10 milliards d'euros.

En règle générale, le contrat monosupport RMC n'est pas un fonds euros spécifique, mais est adossé aux fonds généraux des mutuelles. Et en signe de reconnaissance, les militaires bénéficient d'un bonus de rémunération : du côté de La France mutualiste, seule compagnie à communiquer un taux annuel, la RMC a ainsi livré 2,61% en 2022, contre 2,01% pour son actif général.

Par ailleurs, l'ensemble des versements sont déductibles du revenu imposable, l'Etat offre un abondement de l'ordre de 25% pour gonfler la rente. Et cette rente, en respectant un certain plafond, n'est pas imposable.