Rente viagère

Une rente viagère, somme d'argent perçue par une personne jusqu'à son décès, peut être issue de plusieurs sources : loi, contrat, acte à titre gratuit... Elle peut, par exemple, être la contrepartie d'un capital placé sur un contrat d'épargne retraite. Il existe plusieurs catégories de rente, avec des régimes fiscaux différents.

Qu'est-ce qu'une rente viagère ?

De manière générale, une rente viagère est une somme d’argent, appelée arrérage, qu’une personne (le débirentier) s’engage à verser périodiquement à une autre personne (le crédirentier) jusqu'au décès de celle-ci - d'où la dénomination « viagère ».

Une rente peut être issue de sources diverses. Ainsi, elle peut résulter d'un jugement et avoir un caractère indemnitaire pour les victimes d'accident, par exemple. Elle peut aussi être l'objet d'un testament ou d'une donation entre vifs, et être constituée à titre purement gratuit. Enfin, la rente viagère peut également être issue d'un contrat, et être versée en contrepartie d'un bien immobilier (achat en viager) ou mobilier (capital). C'est le cas notamment de la rente viagère obtenue en sortie d'un placement financier, tel un contrat d'assurance vie ou un plan d'épargne retraite individuel, par exemple.

Quels sont les différents types de rente viagère ?

Il existe de nombreuses catégories de rente, réparties entre deux familles : les rentes viagères à titre onéreux et les rentes viagères à titre gratuit, comme nous l'avons vu plus haut. Les premières correspondent à une rente constituée moyennant une somme d’argent ou bien en aliénant un bien meuble ou immeuble. Les secondes, en revanche, n’ont aucune contrepartie (donation, legs). Quelle que soit la famille, il existe plusieurs types de rente viagère.

La rente simple et la rente réversible

La rente simple est versée tout au long de la vie du bénéficiaire puis cesse à son décès. Le capital alors restant sur le contrat, qui n’a pas été consommé, est perdu. Néanmoins, si le titulaire opte pour une rente viagère réversible, celle-ci continuera, après sa mort, à être versée au bénéficiaire désigné au contrat, comme son conjoint par exemple. Selon le taux de réversion choisi, la rente sera versée partiellement ou totalement, voire pourra être majorée, jusqu’au décès du bénéficiaire. Cette réversion a néanmoins un coût, puisque le montant d’une rente réversible est inférieur à celui d’une rente simple, et dépend de l'âge du bénéficiaire.

La rente avec annuités garanties

Egalement appelée « rente certaine », elle assure au rentier et à ses bénéficiaires que le capital constitué n’a pas été versé à fonds perdus. A titre d'exemple, une rente avec 10 annuités garanties sera versée pendant au minimum 10 ans. Cela permet d'éviter une perte de capital si l'épargnant décède de façon précoce, puis son conjoint peu de temps après en cas de réversion. L'assureur est ici engagé à verser une rente selon la durée convenue que ce soit à l'assuré, son conjoint, ou à ses bénéficiaires de premier rang et de second rang selon les aléas.

La rente par paliers

Elle permet d’adapter ses revenus selon une anticipation de ses besoins personnels au moment de la retraite. Si le retraité a besoin d'un complément de revenu plus élevé au début de sa retraite, il peut choisir d'augmenter le montant de sa rente. En contrepartie, il bénéficiera d'une rente moins élevée par la suite. A l’inverse, si la personne anticipe une baisse de revenus plus tardive, il peut choisir de diminuer le montant de la rente en début de retraite et de l'augmenter ensuite.

La rente avec garantie dépendance

Cette option permet de bénéficier d'une rente complémentaire, qui s'ajoute à la rente initiale, afin de faire face à une perte de d'autonomie pendant sa retraite. L'épargnant peut alors plus aisément faire face aux dépenses liées à cette dépendance.

La rente fixe, variable ou indexée

La rente fixe permet de bénéficier d'un montant constant tout au long de son versement, sans variation. Par opposition, une rente variable voit son montant varier à la baisse ou à la hausse au cours du temps. Quant à la rente indexée, comme son nom l'indique, elle voit son montant indexé sur un indice variable externe évoluant au cours du temps. Il peut s’agir du taux d’inflation, de l’indice des prix à la consommation, etc. L’option d’indexation apporte une certaine sûreté ou protection vis-à-vis des aléas économiques.

Quelle fiscalité pour une rente viagère ?

Il existe deux régimes fiscaux et sociaux applicables aux rentes : le régime fiscal de la rente viagère à titre onéreux (RVTO) et le régime fiscal de la rente viagère à titre gratuit (RVTG).

1. Rente « à titre onéreux »

Une rente est dite « à titre onéreux » lorsqu'elle a été constituée dans le cadre d'un contrat d'épargne individuelle (assurance vie, plan épargne retraite, etc.) et que les versements effectués par le titulaire n'ont pas été déduits de ses revenus imposables. Dès lors, seule une fraction de la rente, qui varie en fonction de l'âge du bénéficiaire lors de son départ en retraite, est soumise à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Voici les paliers :

  • 70 % si le rentier est âgé de moins de 50 ans,
  • 50 % s'il est âgé de 50 à 59 ans inclus,
  • 40 % s'il est âgé de 60 à 69 ans inclus,
  • 30 % s'il est âgé de plus de 69 ans.

2. Rente « à titre gratuit »

Une rente est dite « à titre gratuit » lorsqu'elle est issue de revenus défiscalisés et qu'elle a été constituée dans le cadre, notamment, d'un plan d'épargne retraite (sauf si vous avez renoncé à la déductibilité fiscale des versements) ou de plus anciens contrats de type Perp ou Madelin retraite. Malgré son nom trompeur, ce régime fiscal est moins avantageux que le précédent, car la rente est imposée au même titre que les autres pensions de retraite, et est donc soumise à l'impôt sur le revenu après un abattement de 10%. De plus, les arrérages de rente supportent les prélèvements sociaux sur la totalité de leur montant.

La conversion d'un capital en rente viagère

L'usage veut que la conversion du capital en rente annuelle soit exprimée sous forme d'un taux. Par exemple, en 2006, pour un assuré âgé de 65 ans, le taux de conversion était de 4,375%. Cela veut dire qu'en échange d'un capital de 100 000 €, cet assuré touchera une rente annuelle de 4 375 €.

Bien évidemment, le taux de conversion varie en fonction de l'âge du bénéficiaire et de son année de naissance. Pour calculer ces taux, des tables de mortalités sont utilisées. En France, la table de référence est la TGF05 (table par génération des femmes, version 2005) depuis le 1er janvier 2017 (ou la table TPRV-93 entre 1993 et 2006). La loi impose son usage à défaut de l'utilisation d'une table d'expérience homologuée par un actuaire agréé. En pratique, peu d'assureurs y ont recours.

La formule de conversion est la suivante :

Calcul d'une rente viagère

Avec :

  • x : âge du bénéficiaire.
  • ax : coefficient de conversion. Représente le capital nécessaire pour avoir une rente viagère de 1 €.
  • lx : nombre de survivants à l'âge x dans la table de mortalité
  • i : taux d'intérêt technique. Correspond au taux de rémunération du capital.

Le rapport « lx+k ÷ lx » correspond à la probabilité de survivre k an(s) à l'âge x. Exemple, dans la table TPRV-93, on a l65= 87.733 et l70= 85.343 ; cela donne, pour 65 ans, une probabilité de 97% de vivre au moins 5 ans. Cette probabilité de survie est notée « kPx ».

Le taux d'intérêt technique (nous reviendrons sur son impact un peu plus loin) est présenté habituellement sous la forme d'un coefficient de taux noté « v ». La transformation entre « v » et « i » est la suivante : v = 1 / (1+i).

Au final, avec la notation raccourcie, on arrive à cette formule :

Calcul d'une rente viagère

Pour calculer la rente annuelle, il faut ensuite diviser le capital apporté par le coefficient ax. En pratique, on calcule un taux de conversion égal à 1/ax qui est exprimé en pourcentage. Puis, on calcule la rente annuelle en multipliant le capital apporté par ce taux de conversion.

Ce calcul permet de trouver les annuités à terme échu (l'annuité est payée en fin de période, tous les 12 mois), immédiates (le paiement n'est pas différé et commence 12 mois après la conversion), illimitées (elles sont payées à vie) et sur une seule tête (il n'y a pas de réversion à un autre bénéficiaire).

Le résultat peut éventuellement être diminué par des frais de gestion spécifiques à cette conversion.

Exemple de calcul d'une rente (exemple établi en 2006)

Application de la formule avec un taux d'intérêt technique de 0% pour un bénéficiaire de 67 ans né en 1939, et en utilisant la table de mortalité TPRV 93.

Le résultat donne a67 = 21,0906 (avec un décalage d'âge d'une année) soit un taux de conversion de 4,741%. A 67 ans, un capital de 100 000 € sera converti en une rente viagère de 4 741 € par an.

A noter, dans le cas particulier d'un taux d'intérêt technique à zéro, le coefficient ax représente le nombre d'années (en moyenne) pendant lequel la rente va être versée. Dans notre cas, environ 21 ans. Pour les habitués des formules sur les crédits, vous noterez la similarité entre l'équation des intérêts composés (voir sur la page calcul de TEG) et cette formule de conversion d'un capital en rentes viagères.

Les tables de mortalité des hommes interdites !

La Cour de justice de l'Union européenne a décidé que le principe d'égalité entre hommes et femmes devait être appliqué dans le calcul des primes et des prestations d'assurance. Ainsi, l'article L111-7 du Code des assurances interdisait « toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la prise en compte du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations », sauf « s'agissant des risques liés à la durée de la vie humaine » qui prendrait « la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de l'économie ».

Il en résulte qu'aujourd'hui, à défaut de tables mixtes, seules les tables de mortalité calculées sur l'espérance de vie des femmes peuvent être utilisées, que le bénéficiaire de la rente soit un homme ou une femme.

Revalorisation et taux technique

Les rentes viagères des assureurs sont revalorisées tous les ans en fonction des résultats de leurs placements. Cela fonctionne de la même manière que pendant la phase d'épargne d'une assurance vie : des capitaux sont placés sur les marchés ou sur des obligations. D'ailleurs, les fonds issus des placements des assurés ou de capitaux abandonnés au profit de rentes ne sont pas forcément distincts. Conséquence pratique : un bon contrat de placement doit faire de bonnes rentes, et inversement.

Un autre facteur intervient dans la revalorisation de la rente, c'est l'impact de la mortalité réelle des crédirentiers. La loi oblige les assureurs à provisionner les capitaux nécessaires au paiement des rentes en fonction des âges des bénéficiaires et des tables de mortalité. On appelle cela les provisions mathématiques. Si la durée de vie s'allonge effectivement, la rémunération globale du contrat s'abaissera.

La revalorisation de la rente est donnée par la formule :

(1 + taux rémunération) / (1 + taux technique) - 1

L'impact du taux d'intérêt technique

Le taux d'intérêt technique de la rente permet d'intégrer, dès le départ, une rémunération du capital dans le calcul de la rente viagère. Plus le taux technique sera élevé, plus le premier arrérage sera élevé. Mais la contrepartie sera une revalorisation moins importante dans les années à venir.

Le graphique suivant illustre bien l'impact du taux d'intérêt technique dans la revalorisation future de la rente :

Graphique évolution rente viagère
Evolution d'une rente viagère mise en place à 65 ans d'un assuré né en 1950

La rente viagère a été calculée pour un âge de 65 ans avec la table TPRV93, une fois avec un taux d'intérêt technique de 0%, et une autre fois avec un taux d'intérêt technique de 2%. Deux hypothèses de rendement sont comparées : 2,5% annuel ou 4% annuel. Au départ de la rente, à 65 ans, la rente la plus favorable est bien évidemment celle avec le taux technique à 2%. Mais le rapport s'inverse, vers 78 ans, pour les deux taux de rémunération.

Données du graphique
âgeTaux technique 0%Taux technique 2%
Rémunération2,5%4%2,5%4%
654211,164211,165475,075475,07
704764,545123,525610,596033,31
755390,636233,545749,466648,47
806099,027584,065891,767326,34
856900,489227,176037,598073,33
907807,2611226,266187,038896,49
Carole-Anne CORNET
Carole-Anne CORNET

Diplômée d’un Master de droit privé général, Carole-Anne se charge de la veille juridique, assure la mise à jour du site, assiste les journalistes... Lire la suite

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