Vous avez de la chance : la France est le seul pays au monde où vous pouvez placer des dizaines de milliers d'euros, avec une garantie de l'Etat, une disponibilité totale et une fiscalité inexistante. Mais tous les produits d'épargne réglementée se valent-ils ? Voici leurs mérites respectifs et quelques conseils pour choisir selon votre profil.

On l'oublie parfois, mais c'est unique au monde. L'épargne réglementée « à la française » permet à chacun d'entre nous de mettre de côté des dizaines de milliers d'euros en profitant d'une exonération fiscale, d'une totale sécurité sur le capital et d'une disponibilité immédiate. Jusqu'à 44 950 euros (1), précisément, pour un adulte contribuable à revenus moyens ou modestes, en cumulant Livret A, LDDS et LEP. Et même plus de 120 000 euros en ajoutant à la collection un PEL et un CEL.

Comment faire son choix parmi les cousins de cette « grande famille » ? Quel compte faut-il ouvrir en priorité ? Nous avons passé au crible les atouts et les faiblesses du Livret A, du Livret de développement durable et solidaire (LDDS), du Livret d'épargne populaire (LEP), du Livret Jeune, du Plan Epargne Logement (PEL) et du CEL (Compte Epargne logement), en s'appuyant sur six critères : le rendement, le plafond de versement, l'accessibilité, la disponibilité, la sécurité et l'utilisation des fonds.

Le rendement : avantage LEP

C'est évidemment la première question que l'on se pose quand on place de l'argent : combien cela va-t-il me rapporter ? Pour ce qui est de l'épargne réglementée, la référence est le taux du Livret A, fixé par l'Etat et qui influe sur tous les autres, à l'exception du PEL. Cela tombe bien : ce taux a été multiplié par 6 en 18 mois. Il est désormais de 3% et restera à ce niveau, au moins, jusqu'au début de l'année 2025. Net, car l'épargne réglementée, hors CEL et PEL récents, bénéficie d'une exemption fiscale et sociale, qui coûte d'ailleurs très cher à l'Etat.

Sur ce seul critère, c'est le Livret d'épargne populaire qui est le plus intéressant, et de loin. Sa rémunération, en effet, est fixée depuis le 1er août 2023 à 6% net. Pourquoi tant d'écart avec le Livret A ? Tout simplement parce qu'il est conçu pour protéger votre épargne contre la hausse des prix. Un rôle de « rempart contre l'inflation » autrefois dévolue au Livret A, mais qu'il a récupéré depuis 2018.

Principales caractéristiques des produits d'épargne réglementée en août 2023
Taux d'intérêt actuelPlafond de versementEncours minimumFiscalité
Livret A3%22 950 €10 €aucune
LDDS3%12 000 €10 €aucune
LEP6%7 700 €
(10 000 € fin 2023)
30 €aucune
Livret Jeuneau moins 3%1 600 €10 €aucune
PEL2%61 200 €versement initial
d'au moins 225 €
puis 540 € par an
impôt sur le revenu et prélèvements sociaux
CEL2%15 300 €300 €impôt sur le revenu et prélèvements sociaux

Pourquoi ce bonus pour le LEP ? Tout simplement parce qu'il s'adresse spécifiquement aux ménages les plus modestes, ceux dont le revenu fiscal de référence (RFR) affiché sur l'avis d'imposition 2023, est inférieur à 21 393 euros pour une part de quotient familial. Soit, tout de même, un ménage français sur deux environ, selon l'estimation de la Banque de France.

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Le plafond : avantage PEL

Avant d'arriver au pouvoir, en 2012, François Hollande avait fait une promesse : doubler le plafond du Livret A. Car on ne peut pas, en effet, profiter sans limite des produits d'épargne réglementée. Chacun affiche un plafond de versements, qui ne peut être dépassé que par les intérêts capitalisés au fil des années. La promesse du candidat socialiste devenu président de la République n'a pas été tenue. De 15 300 euros avant son élection, le plafond du Livret A est passé à 22 950 euros. Celui du LDDS a, en revanche, bien été doublé, passant de 6 000 à 12 000 euros. Plus récemment, en juillet, c'est le LEP qui a reçu un coup de pouce du pouvoir. Son plafond va passer, sans doute le 1er octobre prochain, de 7 700 à 10 000 euros. Le CEL, lui, reste limité à 15 300 euros et le Livret Jeune à 1 600 euros.

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Sur ce critère, c'est le Plan Epargne Logement (PEL) qui s'avère le plus avantageux. Il permet de placer jusqu'à 61 200 euros à un taux de 2% brut, ou 1,40% net de flat tax. Avec une contrainte majeure toutefois : y verser au moins 540 euros par an, en échéances mensuelles, trimestrielles ou semestrielles.

L'accessibilité : avantage Livret A

Le Livret A est le compte bancaire universel par excellence. Toute personne présente sur le territoire français, quel que soit son âge, peut en détenir un (et un seul, la double détention étant interdite), y compris, à La Banque Postale, si elle est sans domicile fixe. Il est également ouvert aux associations, aux syndicats de copropriété, aux organismes HLM... L'épargne logement (PEL et CEL), elle, est quasi universelle : toutes les personnes physiques, mêmes mineures, peuvent y accéder.

« Le Livret A, compte bancaire universel »

Très faciles d'accès, car très largement distribués, les autres produits d'épargne réglementée sont un peu plus restrictifs. Pour ouvrir un LDDS, il faut être un particulier contribuable. Les mineurs rattachés au foyer fiscal de leurs parents n'y ont donc pas accès. Le Livret Jeune, lui, est réservé aux jeunes de 25 ans et moins. Quant au LEP, nous avons déjà vu qu'il ne s'adressait pas aux ménages les plus fortunés.

La disponibilité des fonds : le PEL à éviter

Ce n'est pas un hasard si le Livret A est le support privilégié de l'épargne de précaution. Il a, en effet, l'immense avantage de ne pas bloquer les sommes placées, disponibles à tout moment et pouvant même être retirées à partir de 10 euros.

Cette disponibilité, toutefois, n'est pas une exclusivité du Livret A. Elle vaut également pour le LDDS, le LEP, le Livret Jeune ou le CEL. Quant au PEL, si les fonds sont aussi disponibles à tout moment, il interdit les retraits partiels. Une règle qui devrait avoir, début 2024, une exception, pour le financement de travaux de rénovation énergétique.

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En attendant et en dehors de ce (futur) cas particulier, il vous faut clore le compte pour récupérer votre argent. A éviter, donc, si vous souhaitez ponctuellement y puiser pour couvrir une dépense.

La sécurité du capital : avantage Livret A, LDDS et LEP

Assurance tous risques : lorsque vous placez votre argent sur un Livret A, un LDDS ou un LEP, vous êtes certain de ne pas perdre un centime de capital. Non seulement il y est garanti à 100%, mais il l'est par l'Etat, directement.

Ce n'est pas le cas pour les PEL, les CEL et les Livrets Jeunes, couverts, eux, par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FDGR), au même titre que les autres types de comptes de dépôt (compte courants, sur livrets, etc.). Donc à hauteur de « seulement » 100 000 euros par client et par banque, tous comptes confondus.

L'utilisation de l'argent : match nul

C'est la raison d'être de l'épargne réglementée, qui explique notamment cette garantie de l'Etat : attirer des dépôts qui seront utilisés par la puissance publique pour financer certaines politiques publiques d'intérêt général : le logement social, la ville, la transition énergétique et, via les collectivités locales, l'éducation, les mobilités, l'eau potable... De ce point de vue, pas de différence entre le Livret A, le LDDS, le LEP, etc. : l'argent va dans le même pot, qu'on appelle le Fonds d'épargne, géré par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

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Cet emploi ne concerne toutefois qu'une partie de l'argent placé : 60% pour le Livret A et le LDDS, et 50% pour le LEP, soit près de 300 milliards d'euros à la fin de 2021. Le reste — plus de 210 milliards — reste au bilan des banques chargées de la collecte. Elles ne peuvent cependant pas l'utiliser comme elles veulent : elles doivent le flécher vers le financement des PME, de la transition énergétique et de l'économie sociale et solidaire.

Bilan : quel produit privilégier selon votre profil ?

Vous ne possédez pas encore les liquidités suffisantes pour mettre au plafond tous les produits d'épargne réglementée ? Comme plus de 80% des Français, vous détenez sans doute déjà un Livret A, parfois ouvert dès l'enfance par les parents. Pourtant, vous avez peut-être intérêt à le dégarnir pour abonder un de ses cousins.

Si votre revenu fiscal de référence 2022 ne dépasse pas le seuil de 21 393 euros, commencez par un Livret d'épargne populaire, le mieux rémunéré du lot. Pour savoir si vous êtes éligible, il suffit de regarder votre avis d'impôt ou, plus simple encore, de poser la question à votre banque, désormais autorisée à interroger directement le fisc. Paradoxalement, c'est le produit le plus sous-utilisé : selon l'Observatoire de l'épargne réglementée de la Banque de France, un Français éligible sur 2 en détient un.

Si vous avez moins de 25 ans, pensez au Livret Jeune. Les taux pratiqués, fixés par les banques et pas par l'Etat, ont néanmoins augmenté, en même temps que celui du Livret A, en dessous duquel ils ne peuvent légalement pas descendre.

Si vous avez la fibre solidaire, optez en priorité pour le LDDS : il permet, en effet, de faire don de tout ou partie de vos intérêts à des associations des secteurs environnemental et social.

Si vous avez beaucoup d'argent à placer, enfin, et que vous souhaitez profiter des avantages de l'épargne réglementée, vous n'avez pas le choix : il faut vous tourner vers le PEL. Toutefois, étant donné ses contraintes (versements progressifs imposés, retraits partiels impossibles, rémunération fiscalisée), vous aurez peut-être plutôt intérêt à orienter votre argent vers d'autres placements plus pratiques et rémunérateurs.

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(1) Ce montant prend en compte la hausse prochaine du plafond du LEP, qui va passer de 7 700 à 10 000 euros, sans doute à partir du 1er octobre.