Le directeur général délégué de Crédit Agricole SA Jérôme Grivet a questionné jeudi lors d'une table ronde le « bénéfice concret » de l'euro numérique, porté par la Banque centrale européenne (BCE) mais régulièrement attaqué par les banques commerciales.

Le projet « tel qu'il est conçu aujourd'hui conduirait à des besoins d'investissements extrêmement lourds pour le système financier européen », a déclaré le dirigeant de l'entité cotée du groupe bancaire français Crédit Agricole. Dépenser « des milliards d'euros (...) sans bénéfice concret, c'est un affaiblissement du système financier et bancaire européen », a-t-il continué, lors d'une table ronde organisée par le cabinet de conseil TNP.

« Tout cela au service d'un cas d'usage que nous n'avons pas identifié. Le fond du problème c'est (...) : à quoi ça va servir ? », a-t-il insisté. Le torchon brûle entre les banques centrales de la zone euro, qui veulent développer une version numérique des pièces et des billets d'ici 4 à 5 ans, et un consortium de banques commerciales, principalement françaises et allemandes, qui travaillent de leur côté sur une solution de paiement aux usages très proches via l'European Payments Initiative (EPI) et sa marque commerciale Wero.

Les banques inquiètes de la concurrence d'un euro numérique

Les établissements bancaires craignent une concurrence à leur offre de comptes bancaires, jugeant trop haute la somme maximale que pourraient contenir ces portefeuilles d'euros numériques.

Concernant ce plafond, M. Grivet a multiplié la somme souvent évoquée de 3 000 euros par le nombre de citoyens en zone euro pour agiter la menace de dépôts en moins dans les bilans des banques, supérieure à 1 000 milliards d'euros selon ses calculs. Il a proposé dans la foulée un plafond 30 fois inférieur, de 100 euros.

« L'euro numérique c'est quand même la meilleure manière potentiellement de réduire la capacité des banques à financer l'économie si c'est fait de manière non maîtrisée », a déclaré à la même table ronde le président du directoire de BPCE Nicolas Namias, aussi président de la Fédération bancaire française (FBF). Ces sorties surviennent deux jours après la main tendue aux banques par le gouverneur de la Banque de France.

A l'occasion d'un forum organisé mardi à Paris par le groupement d'intérêt économique (GIE) Cartes bancaires (CB), François Villeroy de Galhau avait réfuté tout « transfert massif des dépôts » à venir. « Il y des débats sur le comment de l'euro numérique (...) mais ne nous déchirons pas sur le principe », avait-il lancé.