« Je suis dans mon logement depuis 14 ans. J’ai 2 mois de loyer en retard. Est-ce possible de prendre mon dépôt de garantie afin de régulariser ma situation ? » Réponse à cette question posée par Alberto à la rédaction de MoneyVox.

Fin 2019, plus de 1,2 million de Français n’étaient pas à jour dans le paiement de leurs loyers, selon la Fondation Abbé Pierre. La pandémie du coronavirus et la crise économique résultante risquent d’aggraver encore davantage cette crise du logement. En effet, d’après le portail d’annonces immobilières Se Loger, 1 locataire sur 2 anticipe une baisse de son niveau de vie à cause de l’épidémie. Et 1 locataire sur 5 redoute de ne pas parvenir à verser son loyer. Plus généralement, entre 2,5 et 2,8 millions de ménages - en location ou qui remboursent un emprunt immobilier - soit 6 à 7 millions de personnes, vont avoir du mal à payer leur logement dans les prochains mois, selon une étude publiée mi-avril par l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires).

Pour les locataires en difficulté, il y a donc urgence à trouver une solution pour limiter, éviter ou au moins retarder les impayés. L’usage du dépôt de garantie en est-il une ? Cette somme versée par le locataire à son entrée dans le logement, plafonnée à 1 ou 2 mois de location, peut-elle servir à payer une échéance de loyer ? La réponse est non. « En aucun cas un locataire ne peut utiliser le dépôt de garantie à titre de compensation de retards de loyers », nous explique David Rodrigues du service juridique de l’association Consommation logement cadre de vie (CLCV). « Le paiement des loyers et des charges constituant la principale obligation du locataire, celui-ci commet une faute et engage sa responsabilité s'il ne s'acquitte pas de ces sommes à la date convenue dans le bail », poursuit ce juriste.

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Le dépôt de garantie en sommeil durant le bail

En effet, bien que le dépôt de garantie reste la propriété du locataire, ce dernier n’y a pas accès durant toute la durée de la location. Selon la loi du 6 juillet 1989, le texte de référence sur les rapports locatifs, cette somme ne peut être débloquée qu’une fois le contrat de location terminé. Précisément, elle est restituée dans un délai maximal de 1 ou 2 mois, en fonction de l’état des lieux de sortie, à compter de la remise des clés, déduction faite des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, en lieu et place du locataire, dispose ainsi l’article 22 de cette loi. C’est pourquoi « il ne peut y avoir ni restitution du dépôt de garantie, ni déduction d'éventuelles dettes sur le dépôt de garantie avant que le locataire ne soit sorti du logement », insiste Louis du Merle, responsable du pôle juridique au sein de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil).

Même pas pour payer le dernier mois de loyer ?

Parce que bloqué jusqu’à la remise des clés, le dépôt de garantie ne peut pas, non plus, servir à payer le dernier mois de loyer. « Le locataire qui déduirait du dernier loyer le montant du dépôt de garantie ne pourrait pas prétendre à la délivrance d'une quittance de loyer, nécessaire dans le cadre d'une demande d'aide au logement », souligne d’ailleurs la Direction de l'information légale et administrative.

A quoi sert le dépôt de garantie ?

Ce n’est donc qu’une fois le bail arrivé à terme que le propriétaire peut puiser dans le dépôt de garantie pour couvrir les éventuels impayés de loyers et de charges du locataire. Mais, là n’est pas le but premier de cette somme d’argent. Le dépôt de garantie est donc avant tout « une sûreté qui peut être activée pour couvrir les dégradations du logement intervenues durant sa mise en location et constatées lors de l’état des lieux de sortie », détaille ainsi à MoneyVox Louis du Merle. Pour se prémunir du non versement du loyer, le bailleur a accès à des couvertures spécifiques et dédiées : le cautionnement, choisi le plus souvent, la garantie Visale, ou l’assurance loyers impayés.

Si vous rencontrez des difficultés à payer votre loyer, vous ne pouvez donc pas proposer à votre propriétaire qu’il se serve du dépôt de garantie. En revanche, vous pouvez tenter de négocier avec lui un report du loyer par exemple. Pour vous accompagner dans cette situation délicate, vous pouvez également vous rapprocher des agences départementales de l’Anil pour faire le point sur votre situation et, éventuellement, les aides dont vous pouvez bénéficier. « On se rend compte, au travers de nos études, que les locataires connaissent mal la législation spécifique aux baux d’habitation », souligne Louis du Merle. « Ils s'appuient parfois sur des commentaires erronés qu'ils ont lus sur le web ou entendus par le bouche-à-oreille, pour demander un geste de leur bailleur. Réduire les contentieux passe donc d'abord par une meilleure information des locataires et des bailleurs sur le droit applicable », poursuit ce porte-parole de l’Anil.

Une nouvelle législation pour le dépôt de garantie

Réduire les contentieux pourrait aussi passer par une évolution de la réglementation. C’est, en tout l’idée du député LREM Mickaël Nogal. « Selon les statistiques du ministère de la Justice, 65% des actions en justice engagées par les locataires portent sur la non restitution du dépôt de garantie. Par crainte de se voir priver de cette somme à la sortie de la location, les locataires négligent de plus en plus fréquemment de payer le dernier mois de loyer, privant dans les faits les propriétaires de toute garantie », souligne ce député dans sa proposition de loi enregistrée le 4 février dernier à la présidence de l’Assemblée nationale avec le soutien de l’exécutif. Pour « mettre fin à cette méfiance réciproque », il propose de réorganiser la conservation des dépôts de garantie en les confiant non plus aux propriétaires, mais à une tierce partie : un professionnel de l'immobilier. Ce faisant, les dépôts de garantie ne seraient plus encaissés par les bailleurs. De quoi permettre de bien dissocier cette somme d’un loyer et de fluidifier sa restitution à la sortie du logement.