Lors de l’annonce du confinement, vous étiez en cours de déménagement. Résultat, vous n'avez pas pu récupérer toutes vos affaires. Vous n'avez pas pu rendre les clés de votre ancien logement. Et vous risquez de devoir payer deux loyers. Comment échapper à cette double facturation ?

« Mon préavis de départ arrive à son terme mi-avril. Or j'ai déjà emménagé dans mon nouvel appartement dans lequel je suis également locataire et pour lequel je paie déjà un loyer. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de finaliser mon déménagement avant le confinement. Je souhaiterais trouver un compromis avec mon ancien propriétaire. Ai-je une quelconque marge de manœuvre pour négocier et réduire mes frais ? ». Cette question, posée par l'un de nos lecteurs, MoneyVox l’a soumise à plusieurs juristes et professionnels du secteur. Voici leur analyse de la situation et leurs conseils pour éviter de payer deux loyers simultanément.

Remettre les clés pour stopper la relation avec l'ancien propriétaire

L’arrivée à terme d’un préavis ne signifie pas que le locataire n’est plus tenu de payer son loyer. Tant qu’il conserve les clés du logement, le bailleur peut en effet continuer à lui demander le versement d'un loyer ou, plus précisément, d'une indemnité d'occupation. « La remise des clés est juridiquement une étape importante, appuie Louis du Merle, responsable du pôle juridique au sein de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil). Elle est la marque de la libération du logement. Si le locataire a remis les clés dans les modalités prévues par la loi, il a juridiquement libéré le logement et donc il n’est plus tenu du paiement des loyers ».

Concrètement, pour restituer les clés, le locataire dispose de trois moyens légaux : les rendre en main propre, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception ou bien par acte d’huissier. En pratique, le respect des mesures barrières et le confinement peuvent rendre délicate la convenue de tout rendez-vous physique. De fait, il reste l’option du pli recommandé.

De plus, pour rendre ses clés, il n'est pas indispensable d'attendre l'état des lieux de sortie. Si ces deux étapes sont généralement réalisées au même moment, l'organisation de l'état des lieux peut aujourd'hui être rendue complexe dans le contexte du coronavirus. En effet, « les agences immobilières sont nombreuses à se montrer réticentes à organiser des états de lieux de sortie », ce même si le gouvernement les y autorise, nous explique David Rodrigues du service juridique de l’association Consommation logement cadre de vie (CLCV). « Juridiquement, les agences immobilières peuvent continuer à faire des états des lieux, sous réserve du respect de gestes « barrières » et du respect de la distanciation sociale d’un mètre. C’est explicitement indiqué dans la Foire aux questions du gouvernement », souligne également Louis du Merle de l’Anil.

Remettre les clés, un prérequis pour récupérer le dépôt de garantie

La date de remise des clés est aussi importante afin de récupérer le dépôt de garantie versé à la signature du contrat de location. En effet, « la remise des clés est le point de départ du délai de restitution du dépôt de garantie. Il est de 2 mois si l’état des lieux de sortie n’est pas strictement conforme à celui d’entrée », souligne Louis du Merle, responsable du pôle juridique de l’Anil.

L’état des lieux de sortie, pas nécessaire pour stopper le paiement du loyer, sert en revanche de preuve pour le propriétaire afin de justifier la non restitution de tout ou partie du dépôt de garantie. Cela fait d’ailleurs dire à David Rodrigues de la CLCV que « dans les faits, l’absence d’état des lieux de sortie s’avère plus préjudiciable pour les bailleurs que pour les locataires. Pour justifier la retenu d’une partie du dépôt de garantie, le propriétaire peut tout de même faire appel à un huissier pour constater dès le départ du locataire les éventuelles dégradations », nuance tout de même le juriste.

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Déménager est autorisé sous conditions

Le problème de notre lecteur va toutefois au-delà de la seule restitution des clés, puisque celui-ci a conservé des affaires dans son ancien logement. Pour lui, se pose donc aussi la question du déménagement en période de confinement. En la matière, le mot d’ordre officiel est le suivant : « seuls les déménagements qui ne peuvent pas être reportés sont autorisés », peut-on lire dans la FAQ gouvernementale. Et « la possibilité de recourir à un déménageur professionnel ne doit être maintenue qu’uniquement pour des situations exceptionnelles parmi les déménagements autorisés […] Il peut s’agir de déménagements de particuliers relevant d’urgences sanitaires, sociales ou de péril », précisent les ministres des Transports et du Logement via un courrier adressé aux professionnels du déménagement.

Autrement dit, si vous êtes dans la même situation que notre lecteur, vous pouvez terminer votre déménagement à condition de ne pas avoir d'autres alternatives. Mais vous risquez de devoir vous débrouiller seul, sans déménageur. Et « en cas de contrôle policier, si vous n’arrivez pas à démontrer le caractère exceptionnel de votre situation et la nécessité absolue de déménager, les pouvoirs publics peuvent vous verbaliser. Une amende que vous pouvez contester si vous n’êtes pas d’accord », souligne Louis du Merle.

Pour vous aider et évaluer notamment l’urgence de votre situation, le responsable du Pôle juridique de l’Anil recommande en amont de prendre contact avec son agence départementale pour l’information sur le logement (Adil). « Le locataire peut ainsi s’entretenir avec un juriste de son département, en lien avec les acteurs actifs sur son territoire. Le juriste sera à même de comprendre la situation du locataire, de prendre la mesure de son urgence et, le cas échéant, de contacter éventuellement les services de police pour coordonner le déménagement », explique Louis du Merle. Si celui-ci s’avère justifié et possible, vous devrez le jour du déménagement vous munir d’une attestation sur l’honneur expliquant son motif, sa date et les adresses de départ et d’arrivée.

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Négocier avec votre ancien propriétaire

Pour trouver une alternative au déménagement, vous pouvez évidemment tenter de discuter avec votre ancien bailleur, comme le préconise Eric Allouche, directeur exécutif du réseau d’agences ERA Immobilier. « Je conseille au locataire, sous réserve de sa bonne foi, d'écrire au propriétaire ou à l'agence immobilière, qui est mandataire pour le propriétaire, en demandant à ce que le loyer ne lui soit pas facturé ou lui soit remboursé. Dans ce courrier envoyé en recommandé avec accusé de réception, il doit expliquer que la situation a rendu son déménagement impossible », explique Eric Allouche.

Compte tenu du caractère exceptionnel de l’épidémie de coronavirus et de ses conséquences, « le locataire peut vraisemblablement invoquer le cas de force majeure, dans la mesure où les événements étaient imprévisibles, irrésistibles et extérieurs. Il peut également motiver sa demande en rappelant que 95% des entreprises de déménagement sont dans l'incapacité d'exercer », détaille ainsi à MoneyVox le directeur exécutif d’ERA Immobilier.

En résumé,

Si, durant le confinement, vous vous retrouvez à cheval entre deux locations, il est possible d'agir pour éviter de payer deux loyers.

  • Vous pouvez prendre contact avec votre ancien propriétaire pour lui exposer votre situation et tenter de négocier l'allègement voire l'annulation du loyer.
  • Vous pouvez également contacter votre ADIL locale. Outre les aides auxquelles vous avez peut être droit, votre interlocuteur pourra vous renseigner sur la possibilité ou non déménager, voire même, il pourra vous aider à coordonner votre déménagement avec les forces de l'ordre notamment.
  • Durant le confinement, déménager reste en effet possible si le déménagement ne peut être reporté. Là encore, une alternative au déménagement peut être trouvée en négociant avec le propriétaire du logement.
  • Si vous avez réussi à terminer votre déménagement, vous n'avez pas nécessairement besoin d'attendre l'état de lieux de sortie pour remettre vos clés. A défaut de pouvoir convenir avec votre ancien propriétaire ou avec l'agence immobilière d'un rendez-vous physique, vous pouvez restituer les clés par courrier recommandé. Une fois la remise des clés effectuée, même en l'absence d'état de lieux de sortie, vous n'êtes plus tenu du paiement du loyer.