Face au « ralentissement notable » du crédit immobilier constaté depuis « début 2022 », les banques françaises se sont dites prêtes vendredi à « discuter » d'assouplissements règlementaires, selon la directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), Maya Atig. Elle appelle aussi de ses vœux à un prolongement de la mise à jour mensuelle du taux de l'usure, au-delà de l'été 2023.

Bruno Le Maire avait évoqué le 4 mai des « assouplissements » possibles aux règles édictées en 2021 sur le crédit immobilier et ancrées dans le marbre législatif depuis le 1er janvier 2022. Le ministre de l'Economie avait prévu d'évoquer les dérogations avec le gouverneur de la Banque de France, qui avait de son côté souligné ne pas vouloir « pousser au surendettement ».

Crédit immobilier : ces règles contraignantes pour les banques

  • Durée maximale de remboursement : 25 ans (sauf projet de construction ou d'achat sur plan, avec un prêt pouvant aller sur 27 ans pour couvrir la période de travaux).
  • Taux d'endettement maximum des emprunteurs : 35% de leurs revenus mensuels consacrés au remboursement de crédit immobilier.
  • Les banques peuvent déroger à ces règles, mais uniquement pour 20% des dossiers acceptés.

« Dans le cadre des critères actuels et si les autorités nous y invitent, nous sommes prêts à discuter pour simplifier ces poches de dérogation sur les conditions d'octroi des crédits », a déclaré la directrice générale de la Fédération bancaire française (FBF), Maya Atig, dans une interview vendredi au Parisien. Un assouplissement possible à une condition toutefois : « Seul le gouverneur de la Banque de France peut en faire la proposition. »

Des banques qui n'utilisent pas la dérogation possible

Maya Atig fait référence à la possibilité qu'ont les banques de déroger aux règles listées ci-dessus, pour 20% des dossiers de crédits octroyés. Or le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, frileux face aux velléités de modification de ces normes, pointe justement la faible utilisation de cette flexibilité qui « n'est utilisée que partiellement par les banques, à 14,5% ».

Chose que Maya Atig ne consteste pas... tout en soulignant la complexité de cette marge de dérogation : « Ces 20% doivent obligatoirement se répartir comme suit : 30% pour les primo-accédants, 50% pour la résidence principale hors primo-accédants et 20% pour l'investissement locatif et dans une résidence secondaire », explique-t-elle.

Très précisément, la décision du Haut Conseil de stabilité financière contraint bien les banques à octoyer au minimum 30% de cette « marge de flexibilité » aux primo-accédants, et 50% minimum au financement de la résidence principale, mais les 20% restants de cette marge sont libres d'utilisation (résidence principale, immobilier locatif ou résidence secondaire).

« Il faut respecter ces taux de dérogation par sous-catégorie à tout moment »

« Or il faut respecter ces taux de dérogation par sous-catégorie à tout moment, poursuit la directrice générale de la FBF dans Le Parisien. Pour ce faire, les banques sont amenées à ralentir les décisions, à gérer des files d'attente. Quand les taux sont stables, ce n'est pas forcément un problème de patienter 1, 2 ou 3 mois, mais quand les taux augmentent, l'investisseur ne peut plus se permettre d'acheter le même logement quand son tour est venu. » C'est à cette complexité de la « marge de flexibilité » que la FBF souhaite s'attaquer.

Le directeur général adjoint de Société Générale Sébastien Proto, interrogé à l'occasion de la publication des résultats trimestriels de la banque vendredi, a abondé en ce sens. « Nous soutenons comme nos pairs (...) une modification de certains curseurs » qui encadrent l'octroi du crédit immobilier, a-t-il indiqué, « et je pense notamment à ce qui concerne l'investissement locatif ».

Taux d'usure mensuel : au-delà de juillet 2023 ?

Premier assouplissement déjà en place depuis février et destiné à faciliter l'octroi de crédits, le taux d'usure – taux maximal d'un prêt destiné à protéger les acheteurs – est recalculé tous les mois au lieu d'une fois par trimestre.

« C'est une mesure positive » qui a « fluidifié la production » de crédit : « On a arrêté de mettre en pause des dossiers qui ne passaient pas à un moment donné », explique Maya Atig dans Le Parisien. Et cette production reste « forte » malgré le ralentissement.

Taux d'usure pour les crédits immobiliers en mai 2023

CatégoriesTaux effectif moyen
pratiqué au cours des
trois mois précédent
le 1er mai 2023
Taux d'usure
applicable au
1er mai 2023
Prêts immobiliers ¹
Prêts immo à taux fixe < 10 ans2,93 %3,91 %
Prêts immo à taux fixe ≥ 10 ans et < 20 ans3,25 %4,33 %
Prêts immo à taux fixe ≥ 20 ans3,39 %4,52 %
Prêts immobiliers à taux variable3,23 %4,31 %
Prêts-relais3,39 %4,52 %

¹ Cette catégorie inclut également le crédit issu d'un regroupement comprenant un ou plusieurs prêts immobiliers dont la part dépasse 60% du montant total de l'opération de regroupement. Source : Legifrance.

Cette mise à jour mensuelle du taux d'usure doit prendre fin en juillet pour retrouver son rythme d'actualisation trrimestriel classique. La directrice générale fait d'ores et déjà un appel du pied à la Banque de France et à Bercy pour prolonger l'exception avec une mise à jour chaque mois : « Comme Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a annoncé que la hausse des taux allait se poursuivre, nous pensons que c'est une bonne chose que cette actualisation mensuelle du taux d'usure se poursuive tant que les taux montent. »

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