Alors que l'accès au crédit, notamment immobilier, se complique ces derniers mois, le ministère de l'Économie cherche des solutions pour éviter un blocage. De son côté, la Banque de France se refuse à faire des concessions, estimant que le marché français est sain.

Un nouveau bras de fer à venir entre Bercy et la Banque de France ? Alors que les chiffres du crédit immobilier font état de quasiment deux fois moins de prêts en 2023 que début 2022, le ministère de l'Économie avait décidé, en janvier, de mensualiser la mise à jour du taux d'usure, contre l'avis de la Banque de France.

Si ce taux maximum « tout compris » au-dessus duquel la banque ne peut pas prêter n'est donc aujourd'hui plus un problème pour les emprunteurs, le marché du crédit immobilier reste grippé. La hausse rapide des taux de crédit, désormais au-dessus des 3% pour toutes les durées (une première depuis 2014) évince de plus en plus de ménages.

Que les règles ne deviennent pas obstacles

Faut-il alors trouver des solutions, en revoyant notamment les normes contraignantes du Haut conseil à la stabilité financière (HCSF), à savoir l'obligation d'un taux d'endettement de 35% maximum et une durée de prêt ne dépassant pas 25 ans ? Sans tout remettre en cause, Bercy expliquait il y a quelques semaines à MoneyVox que le gouvernement restait vigilant : « Bruno Le Maire est très attentif aux remontées de terrain et souhaite donc s'assurer que cette norme HCSF, qui vise un objectif de stabilité financière en évitant un excès d'endettement, ne devienne pas un obstacle à l'accès au crédit et donc à la propriété de ménages pourtant solvables. »

35% d'endettement et 25 ans maximum : les normes en vigueur depuis 2022

Depuis le 1er janvier 2022, les banques françaises doivent respecter certains critères, définis par le HCSF, pour accorder un crédit immobilier : un taux d'effort, c'est-à-dire le montant total des dépenses liées à l'habitation rapporté aux revenus, de 35% maximum et une durée d'endettement de 25 ans au plus, avec un allongement possible à 27 ans dans certains cas (comme des travaux préalables à l'emménagement). Les banques ont toutefois la possibilité de déroger à ces critères pour 20% des crédits.

« Il n'est pas question de pousser les ménages français au surrendettement »

De son côté, la Banque de France se refuse à toute révision de ces normes. « L'objectif du HCSF n'est pas de rationner le crédit immobilier mais de s'assurer qu'il reste sûr », martelait le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ce mardi 25 avril sur RTL. Un jour plus tôt, lors de la conférence de présentation de la Lettre annuelle du gouverneur de la Banque de France au président de la République, François Villeroy de Galhau assurait encore que « tout le monde est d'accord et Bercy le premier qu'il n'est pas question de pousser les ménages français au surrendettement. C'était l'objet premier de ces normes HCSF. »

« L'objectif n'est pas de rendre le crédit immobilier plus rare »

« Je rappelle que l'objectif n'était pas de rendre le crédit immobilier plus rare mais bel et bien plus sûr. Or pendant des mois après l'entrée en vigueur de ces normes nous avons constaté une production record, ce qui montre bien que ces normes n'avaient vocation à [freiner] la production », détaille encore le gouverneur.

Selon la Banque de France, pas besoin donc de changer les règles, mais plutôt de faire en sorte que les banques se servent de celles dont elles disposent. Si elles ont aujourd'hui la possibilité de déroger aux règles pour 20% des dossiers, cette flexibilité « n'est utilisée que partiellement par les banques, à 14,5% », a encore noté François Villeroy de Galhau.

Fin du bras de fer en juin ?

Reste que face à toutes ces questions, des travaux d'évaluation sont en train d'être menés en lien avec la Banque de France, le HCSF et l'ensemble des acteurs concernés. « L'objectif est de s'assurer que le meilleur équilibre est trouvé entre objectif de stabilité financière et de protection contre le surendettement d'une part, accès à la propriété par l'emprunt d'autre part », rappelle encore le ministère. Si des mesures doivent être prises, elles le seront à l'occasion de la prochain réunion du HCSF, en juin.