Dans le cadre du projet de loi consommation, en cours d’examen par le Parlement, le gouvernement a annoncé son intention d’engager une réforme de l’assurance emprunteur. Principale piste envisagée : la création d’un délai de trois mois après la signature de l'offre de prêt et la souscription à l'assurance de groupe, au cours duquel l’emprunteur pourra résilier ce contrat initial au profit d’un autre, plus avantageux.

L’assurance emprunteur est décidément un objet législatif récurrent ces dernières années. Et pour cause : ce marché très lucratif (1) est jugé par nombre d’observateurs - des associations de consommateurs bien sûr, mais aussi, dans une moindre mesure, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) - comme insuffisamment concurrentiel.

La réforme du crédit à la consommation de juillet 2010 (dite « Loi Lagarde »), déjà, s’était donnée pour objectif d’améliorer la marge de manoeuvre des emprunteurs en facilitant la « déliaison » entre le crédit immobilier et l’assurance qui garantit son remboursement. Sans véritable succès : si près d’un nouveau contrat sur trois, en 2012, est souscrit en délégation (c'est-à-dire hors de la banque prêteuse) , leur pourcentage global, sur le stock des crédits immobiliers en cours, n’a que peu évolué depuis trois ans et reste bloqué entre 15% et 16% (2).

La loi de régulation et de séparation des activités bancaires, adoptée en juillet dernier, est allée un peu plus loin en améliorant l’information et la comparaison des différentes offres, en raccourcissant les délais de traitement des dossiers et en interdisant aux banques de pénaliser financièrement un client qui choisirait la délégation.

Des délais trop courts

Mais malgré ces initiatives, le principal écueil demeure : le temps. En effet, la souscription d’un crédit immobilier est une opération complexe et « enserrée dans des délais contraints de signature et de versements de fonds avec de multiples interlocuteurs » constatait il y a quelques mois le CCSF dans son rapport annuel 2012. Difficile pour l’emprunteur, dans ce contexte, de prendre le temps de comparer les différentes offres d’assurance.

Conscient de ce problème, le gouvernement avait commandé début août dernier un rapport sur la question à l’Inspection générale des finances (IGF). Quatre mois plus tard, il vient de lui être livré, et devrait inspirer une nouvelle réforme de l’assurance emprunteur dans le cadre du projet de loi relative à la consommation. Le texte, porté par le ministre de la consommation Benoît Hamon, fait son retour ces jours-ci à l’Assemblée nationale, pour une deuxième lecture.

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Un risque de démutualisation

Quelles sont les pistes proposées par l’IGF ? Tout d’abord, elle se montre très hostile à une idée suggérée par certains parlementaires : autoriser la résiliation du contrat à tout moment. Elle comporte en effet, selon elle, un risque de déstabilisation de l’industrie et de « démutualisation sourde » de l’assurance de prêt. « En réalité, le renforcement de la concurrence s’est accompagné d’une transformation du modèle économique de l’assurance-emprunteur », écrit l’IGF dans son rapport. « (…) Chacun paye davantage le risque individuel qu’il représente et les primes varient dans le temps en fonction de l’évolution du risque. (…) Il est vraisemblable qu’une possibilité de changer d’assureur à tout moment accroîtrait la concurrence. Mais outre les problèmes techniques que la disparition des meilleurs risques poserait à l’équilibre de certains contrats, cette option entraînerait évidemment des baisses de prix associées à une démutualisation de plus en plus forte qui remettrait en cause l’accès à la propriété des plus fragiles sur le plan de la santé, de l’âge ou des revenus. »

A cette libéralisation complète, l’IGF préfère une autre solution : l’instauration d’un délai de trois mois à compter de la signature de l'offre de prêt et de la souscription au contrat de groupe, au cours duquel l’emprunteur aurait la possibilité de résilier son assurance de prêt et d’en choisir une plus favorable, à condition qu’elle présente des garanties équivalentes. « Il a semblé [à l’IGF] qu’une mesure similaire à celle prévoyant un délai de trois mois entre la promesse de vente et la signature d’un acte authentique de vente permettrait au particulier de s’intéresser exclusivement pendant cette période à son assurance-emprunteur », écrit le service de Bercy.

Ce court délai n’aurait de plus que des conséquences limitées sur la démutualisation. « Cette concurrence additionnelle va peser sur les prix mais le nombre réduit des choix fondés exclusivement sur les prix devrait limiter les effets sur la démutualisation », anticipe l’IGF. Reste à savoir si le gouvernement va choisir de suivre la recommandation : si oui, elle devrait faire l’objet dans les prochains jours d’un amendement au projet de loi consommation.

(1) Pour les seuls prêts immobiliers, ce marché représentait un flux de cotisations de 5,2 milliards d’euros en 2010. (Source : rapport 2012 du CCSF)

(2) Source : Rapport de l’IGF, novembre 2013