Pour sa rentrée, l’UFC-Que Choisir a choisi de mettre l’accent sur un sujet polémique : l’assurance emprunteur. L’association de consommateurs, dans une étude, détaille la manière dont l’esprit de la Loi Lagarde a été détourné par le secteur bancaire et propose d’introduire dans la loi un droit pour le consommateur à résilier annuellement son assurance de prêt.

5,7 milliards d’euros : c’est le montant, estimé par l'UFC-Que Choisir à partir des chiffres de la FFSA (1), du marché français de l’assurance de prêt immobilier en 2011. L’activité s’avère de plus hautement profitable : dans son étude (2), l'association de consommateurs estime à 40%, fourchette basse, la marge des banques sur ce produit, soit une manne annuelle de 2,2 milliards d’euros environ.

En 2010, la loi Lagarde s’était donné pour objectif de faciliter la « déliaison » entre le prêt immobilier et l’assurance qui garantit son remboursement, permettant ainsi au consommateur de faire jouer la concurrence, là où dans 8 cas sur 10, les emprunteurs choisissaient l’assurance dite « de groupe », c’est-à-dire celle proposée par la banque prêteuse.

Qu’en est-il trois ans plus tard ? L’échec est « criant », selon l'UFC-Que Choisir. Le taux de délégation, c’est-à-dire le pourcentage des emprunteurs souscrivant chez un assureur non-bancaire, est passé de 20% fin 2009 à 14% actuellement. Dans le même temps, les tarifs ont augmenté, relève l’association de consommateurs, et le coût de l’assurance-emprunteur représente aujourd’hui 25% du coût total du crédit, contre 19% en 2008. « Certes, il y a eu une baisse des taux d'intérêt mais cela n'explique pas tout, normalement la loi Lagarde aurait dû faire baisser les prix », a estimé Alain Bazot, le président de l'UFC-Que Choisir, au cours d'une conférence de presse ce jeudi 29 août.

Conflit d’intérêt

Pour expliquer cet échec, Maxime Chipoy, responsable de l’étude, a pointé « des défauts majeurs dans la rédaction de la loi », qui laisse trop de latitudes aux banques pour en détourner l’esprit. Selon lui, certaines grandes enseignes ont par exemple allongé les délais d’examen des demandes de délégation, afin de mettre la pression sur les emprunteurs. « Si la banque met trop de temps à étudier l’assurance déléguée, le consommateur peut se retrouver en position de payer l’indemnité d’immobilisation prévue dans le cadre de la vente du bien » a-t-il expliqué.

Autre levier utilisé parfois : l’équivalence des garanties. La loi Lagarde autorise en effet les prêteurs à refuser la délégation si la couverture de l’assurance choisie n’est pas équivalente à celle du contrat de groupe. « Certaines banques se sont appuyées sur des garanties très secondaires, par exemple celle couvrant les accidents de chasse alors même que l’emprunteur n’est pas chasseur, pour refuser des délégations, alors que par ailleurs, l’assurance déléguée offrait de meilleures garanties sur les points essentiels », a expliqué Maxime Chipoy.

Plus généralement, l'UFC-Que Choisir a dénoncé le « conflit d’intérêt » des banques sur la question de l’assurance emprunteur, dans la mesure où elles sont à la fois prêteur et assureur. L’Italie, a rappelé Alain Bazot, a récemment légiféré pour dissocier systématiquement les deux rôles.

Un droit à résiliation annuelle

Pour l’UFC-Que Choisir, il existe un solution simple à ces dysfonctionnements : la mise en œuvre d’un droit pour les consommateurs à résilier chaque année leur assurance de prêt. L’association espère que le projet de loi consommation porté par Benoit Hamon, dont l’examen en séance publique doit reprendre le 10 septembre au Sénat, inclura une mesure de ce type.

« Le droit à résiliation annuelle est extrêmement vertueux car il a un pouvoir de correction par anticipation », a estimé Alain Bazot, pour qui ce droit permettrait d’éviter notamment le « chantage » au taux. Selon les résultats d’un appel à témoins lancé en juillet par l’association, 73% des 105 répondants ont en effet été confrontés à un chantage tarifaire (augmentation du taux du crédit, frais prohibitifs en cas de délégation…) pour les dissuader ou les empêcher de faire jouer la concurrence (3).

(1) Fédération française des sociétés d’assurance.

(2) « Concurrence sur le marché de l’assurance emprunteur : encore de la marge… », disponible sur le site internet de l’association.

(3) La récente loi de séparation et de régulation des activités bancaires interdit toutefois cette pratique.