Il y a peu, plusieurs fonds euros « internet » trustaient les premières places des palmarès. Mais depuis l'an dernier, leurs rendements sont rentrés dans le rang. Faut-il les abandonner ? Pour les courtiers en ligne, cette nouvelle donne oblige, en tout cas, à changer d'approche.

Il y a peu, ils étaient les stars de l'assurance vie. Distribués par les courtiers en ligne (Linxea, Assurancevie.com, Meilleurtaux, Patrimea...), Euro allocation long terme 1 et 2 (Spirica), Suravenir Opportunités 1 et 2, Netissima (Generali) ou Euroflex (Apicil) trustaient les podiums. Investissements originaux, frais réduits, rendements canons... Ils semblaient promis à un avenir radieux.

Mais depuis deux ans, tout semble avoir changé : performances plus timides, contraintes en unités de compte, fermetures de fonds, voire la fin, pour certains, de la garantie à 100% des capitaux... En 2022, ils n'ont pas suivi le mouvement de hausse massive. Un retour dans le rang ?

Une révolution

« On a toujours envie d'avoir le meilleur produit. 3%, ce serait plus attractif, on collecterait plus, et plus facilement. »

Forcément, c'est une révolution pour les distributeurs. « Le produit d'appel internet, c'était le fonds en euros, raconte Yves Conan, directeur général de Linxea. C'était la baguette de pain, notre axe unique de communication. Cela s'achetait tout seul. » Au zénith entre 2015 et 2020, les têtes d'affiche du web, Suravenir Opportunités et Euro Allocation Long Terme ont livré 2,1% l'an passé. On s'éloigne des 2,5% du Top 5 et des 3% du Livret A !

« Évidemment, il y a un peu de déception sur le taux facial, reconnaît Yves Conan. On a toujours envie d'avoir le meilleur produit. 3%, ce serait plus attractif, on collecterait plus, et plus facilement. » D'autant plus quand la concurrence réagit. « Pas mal d'acteurs avaient vraiment peur d'une sortie massive. Ils ont donc utilisé leurs réserves, et tout le monde se retrouve un peu noyé dans la masse... », constate Yves Conan.

Lancés en période de taux bas, ces fonds euros étaient diversifiés pour surperformer. Mais avec l'afflux de capitaux, les assureurs ont été contraints d'investir sur des obligations moins généreuses, minant la performance. Dans le même temps, les poches dynamiques et immobilières ont souffert des crises successives, notamment avec le Covid.

« Une bonne gestion ne peut pas faire de miracle... »

Résultat : « La baguette de pain historique de collecte des courtiers internet s'est un petit peu érodée », résume le directeur de Linxea. Distribuant à la fois les produits Spirica, Suravenir, Generali et Apicil, il peut analyser leurs performances.

Pour Suravenir Opportunités, il juge ainsi que « le contrat n'avait pas trop de réserves, et une poche immobilière qui a connu des difficultés ». Il est plus circonspect pour Euro ALT. Positionné en immobilier, son taux surprend, face aux rendements des SCPI. « Il semblait armé pour mieux rémunérer, concède le courtier. Mais en parallèle, leur nouveau fonds euros Nouvelle Génération a livré un meilleur taux : 2,30%. »

Pour Netissima (Generali), le directeur de Linxea tient à nuancer le faible rendement (1,53%). « Ils sont très agressifs sur les bonus liés aux unités de compte. Beaucoup de nos clients, qui ont pris l'habitude de diversifier depuis quelques années, ont obtenu 2,60% sur leur poche en euros. Un rendement parmi les plus hauts du marché. » Que penser des résultats d'Apicil, inférieurs à 1,5% ? « Ils ont un fonds euro de grande taille, qui a subi de plein fouet la période des taux bas. Même une bonne gestion ne peut pas faire de miracle... »

Des promotions pour séduite les épargnants

Pour autant, les clients ne semblent pas fuir. « On ne constate pas de sortie massive. Sur l'an passé, 2,10%, c'est mieux que le Livret A, qui a livré en moyenne 1,5%. » Et même si le Livret A est passé à 3%, la patience est de mise. « On ne saura que dans un an, combien les fonds vont payer cette année, rappelle Yves Conan. Si le contexte reste le même, avec l'OAT à +3% (l'indicateur des taux d'emprunt de l'Etat français NDLR), l'Investment Grade à +5% (les obligations des entreprises les moins risquées NDLR), le high yield à +7% (les obligations plus risquées NDLR) et les marchés actions à +10%, les assureurs ont les moyens de mettre un coup de booster ! »

Il est notamment optimiste pour Suravenir Opportunités. « Le fonds pèse 1,8 milliard d'euros. La durée de vie des obligations est courte. Si cela collecte beaucoup, il peut profiter pleinement de la hausse des taux, et se rapprocher des 3%. » Suravenir lance justement deux promotions pour attirer les capitaux : les clients peuvent investir à 100% sur le fonds Opportunités 2, et s'ils intègrent 50% d'unités de compte, l'assureur offre un bonus d'un point pendant deux ans.

« C'est malin : en acceptant la contrainte habituelle du fonds, 50% d'UC, on a un joli bonus. Pour ce fonds de bonne qualité, qui fera peut-être 2,4% l'an prochain, on est sûr de faire le Livret A pendant deux ans ! » Generali propose la même offre pour Netissima : 1% de bonus pendant 2 ans pour tout versement incluant 50% d'UC. Et pour Spirica ? « Le fonds ALT est en observation, souligne Yves Conan. On sait que Nouvelle génération sera bien positionné. S'il y a un trop grand écart entre leurs performances, il sera peut-être temps de basculer. »

2023, une année de « bascule »

« Les frais de versement, c'est devenu un sujet incontournable »

2023 semble être l'année « bascule ». « Pour les profils non diversifiés, il sera temps de voir si le contrat est encore bon. On espère que les assureurs feront un effort, et que les nouveaux fonds apporteront de bonnes surprises. Il ne faut pas louper le coche », estime Yves Conan.

Quoi qu'il en soit, les acteurs du web doivent se réinventer. « Notre positionnement marketing évolue, y compris sur notre site internet. Maintenant, on se doit de faire de la pédagogie », reconnaît Yves Conan qui met l'accent sur les frais d'entrée à 0% : « On n'insistait pas dessus, c'est devenu un sujet incontournable. Un fonds euros à 2,80% avec 1% de frais d'entrée, cela vient raboter la performance. »

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Face à la « concurrence » du Livret A, disponible et sans risque, les courtiers évoquent l'inflation. Le nouveau crédo, ce n'est plus le fonds euros, mais les unités de compte qui atteint désormais 50% chez Linxea. Les acteurs du web développent même leurs propres unités de compte : produits structurés à capital et rendement garanti, SCPI sans frais d'entrée...

« Il est devenu nécessaire de parler du couple rendement/risque. Saupoudrer parmi les UC de qualité permet d'obtenir 4 ou 5% par an sans prendre d'énormes risques. Par contre, les actions n'ont plus la cote. Les clients n'en veulent plus trop. Ils ont du mal à comprendre la volatilité, l'effet yo-yo », constate Yves Conan.

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