En fusionnant avec le Crédit du Nord, la Société Générale prévoit de chambouler l’accès au conseiller et aux agences. D’après nos informations, les clients patrimoniaux conserveraient leur conseiller tandis que ceux, moins rentables, basculeraient sur une formule 100% à distance.

C’est officiel ! Les clients de la Société Générale et du Crédit du Nord vont, d’ici 2024, être regroupés au sein d’une même entité. Après 2 mois d’étude, le projet de rapprochement a été validé le 6 décembre par les conseils d’administration des deux entités. Toutefois, les 10 millions de clients, dont quelque 9 millions de particuliers, ne seront pas tous logés à la même enseigne. Car, pour améliorer l’efficacité opérationnelle et la rentabilité de sa nouvelle banque de détail, la Société Générale mise sur la segmentation de sa clientèle. C’est-à-dire différencier leur traitement en fonction de leurs besoins et de leur potentiel commercial, tout en préservant voire en augmentant la satisfaction client, basse dans la banque de détail de la Société Générale. C’est, du moins, ce qu’il ressort de la note d’information envoyée aux instances représentatives du personnel que MoneyVox a pu consulter.

Les particuliers scindés en 4 groupes

D’après ce document, le groupe prévoit de scinder la clientèle des particuliers en 4 en fonction de leurs avoirs dans la banque et de leur potentialité commerciale : les clients de banque privée, les clients patrimoniaux et les clients non patrimoniaux avec une distinction entre les « Premiums » et les « Essentiels ». Cette organisation s’inspire de la typologie actuellement en vigueur dans le réseau Société Générale. Chacun de ces segments aura une relation bancaire différente, des canaux de communication privilégiés et un accès différent au conseiller bancaire en agence, avec toutefois une ligne directrice commune : faire en sorte que les clients soient autonomes pour les tâches simples sans enjeu de revenu pour la banque.

Ainsi, parmi les 8,2 millions de particuliers non patrimoniaux, les clients « présentant le moins de potentiel commercial seraient basculés vers un traitement entièrement à distance », précise le rapport, « afin d’optimiser leur coût de gestion ». Dans un premier temps, 700 000 clients seraient concernés. Ces derniers interagiraient avec la banque via une plateforme téléphonique accessible à des horaires élargis, inspirée de l’Agence directe de la Société Générale actuelle et du Centre Expert Multimédia du Crédit du Nord, et via les outils digitaux (application et espace personnel en ligne). « Les clients basculeront vers une relation 100% digitale, mais ils seront quand même rattachés à une agence référente, si jamais ils ont besoin d’accompagnement pour les moments importants, concernant l’épargne notamment », précise à MoneyVox la Société Générale.

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Les conseillers des clients « Premiums » plus disponibles

S’agissant de la disponibilité du conseiller bancaire, la priorité sera donnée aux clients dits Premiums, qui sont aujourd’hui au nombre de 2 millions dans le seul réseau Société Générale, le Crédit du Nord ne retenant pas cette typologie à l’heure actuelle. Pour ce faire, la direction prévoit que les conseillers affectés aux Premiums aient 3 fois moins de clients en portefeuille que les conseillers affectés aux Essentiels, comme c’est actuellement en vigueur à la Société Générale.

La banque souhaite faire en sorte que les clients sollicitent ces conseillers ou se rendent en agence dans un but commercial, d’expertise et de conseil. En revanche les opérations courantes, comme la gestion du compte bancaire au quotidien, doivent pouvoir être faites par le client lui-même, à distance.

Pour rendre l’autonomie, la règle, et l’intervention du conseiller et le passage en agence, l’exception, la Société Générale prévoit d’investir dans son équipement informatique : tri des appels entrants pour orienter d’abord le client vers les outils digitaux, prétraitement des e-mails adressés aux conseillers ou encore mise en place de parcours de souscription totalement en ligne. Objectif : faire notamment en sorte qu’en 2025, 30% des crédits à la consommation et des assurances de personnes et de biens, ainsi que 50% des produits de la banque au quotidien soient souscrits 100% à distance.

Le rôle du conseiller concentré sur l'épargne

S’agissant de la clientèle patrimoniale, ayant donc de l’épargne, le conseiller patrimoniale restera la clé de voûte de la relation bancaire, à l’exception là encore des opérations pouvant être réalisées en autonomie. « Cette approche est cohérente avec l’objectif de continuer à traiter hors de l’agence, par le digital, les opérations à moindre valeur ajoutée pour concentrer le temps d’échange avec les clients sur les enjeux commerciaux, et avec l’idée qu’une vision complète du client permet d’être plus pertinent dans les propositions en matière d’épargne », peut-on lire dans le rapport adressé aux représentants du personnel. Elle est aussi cohérente avec ce que Frédéric Oudéa, le patron du groupe Société Générale, expliquait le 20 octobre dernier dans une conférence sur la banque du futur à laquelle MoneyVox avait participé.

Concrètement, seront considérés comme patrimoniaux, les personnes détenant entre 150 000 et 500 000 euros d’avoirs dans la banque. La direction du groupe a donc retenu les critères actuellement appliqués dans la banque de détail de la Société Générale. Au Crédit du Nord, les clients patrimoniaux sont aujourd’hui considérés comme tels jusqu’à 1 million d’euros d’avoirs. Au regard de la structure actuelle de la clientèle des deux réseaux, entre 550 000 et 640 000 clients seraient patrimoniaux. Dans l’organisation cible, ces derniers auront leur propre direction de la clientèle, au niveau central et en régions, une idée reprise du Crédit du Nord.

Du changement pour la clientèle très aisée du Crédit du Nord

Pour les clients patrimoniaux du Crédit du Nord, cette fusion va avoir une autre conséquence : ils vont perdre un interlocuteur. Aujourd’hui, ce segment de clientèle bénéficie d’une double affectation. Ces clients aisés sont gérés en parallèle par un conseiller de clientèle et un conseiller en gestion de patrimoine. Dans la nouvelle banque de détail en construction, un seul conseiller patrimonial gérerait l’ensemble des besoins de son client aisé.

« La seule exception concernerait la clientèle des professionnels, qui conserverait un conseiller en gestion de patrimoine de second niveau, compte-tenu de l’ampleur des sujets liés à la partie « vie professionnelle » des clients », explique le groupe dans son rapport. A l’heure actuelle, un professionnel génère 2 961 euros de produit net bancaire par an, c'est-à-dire du chiffre d'affaires, dans le réseau Société Générale, contre 4 434 euros au Crédit du Nord.

Au-delà de 500 000 euros placés, les clients passeront dans le giron de la Banque privée de la Société Générale. Cela concernerait au moins 80 000 personnes, dont au moins 8 000 clients du Crédit du Nord qui deviendront donc clients de Société Générale Private Banking.

Dans cette nouvelle banque, le rôle du conseiller étant essentiellement d’apporter son expertise en matière d’épargne, la Société Générale a d’ores et déjà revu son offre de placement en nouant des partenariats avec de nouvelles sociétés de gestion dont BlackRock, Mirova ou encore DNCA.

En résumé,

L’organisation de la nouvelle banque, issue du rapprochement entre la Société Générale et le Crédit du Nord, prévoit de faire la part belle aux outils de banque à distance pour que le conseiller bancaire se concentre sur le conseil en matière d’épargne.

Dans cette perspective, les clients avec des « besoins simples », ainsi que ceux à « faible enjeu de produit net bancaire », de chiffre d'affaires donc, passeraient dans un modèle 100% à distance. Pour certains moments de vie, l’accompagnement ponctuel par un conseiller resterait possible.

Pour la clientèle « cœur de cible », avec un fort besoin d’expertise notamment dans le domaine de l’épargne ou du financement, ainsi que pour les professionnels, l’organisation serait hybride, avec des outils digitaux mais aussi l’accès à l’agence et à un conseiller dédié et spécialisé.

Dans ce modèle cible, l’agence serait essentiellement fréquentée par les particuliers patrimoniaux et les professionnels. « La relation clientèle professionnelle serait gérée en fonction du maillage majoritairement en agences », précie la note d'information.