La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a jugé mardi "légitime" que 70% des sommes collectées à travers le Livret A et le LDD soient affectées à la Caisse des dépôts, alors que le partage de ces ressources fait débat avec les banques.

Le gouvernement a lancé fin octobre une consultation sur la part de cette collecte qui doit être centralisée à la Caisse des dépôts (CDC). Selon un projet de décret, un passage à 70% est prévu, mais seulement en 2018 au plus tard alors que les banques militent pour un taux de 65%. Les derniers arbitrages devraient être rendus en fin de mois. Fin 2009, environ 66% des dépôts du Livret A étaient centralisés à la CDC, qui utilise cette enveloppe pour financer le logement social à des taux d'intérêt avantageux.

« J'ai dit en son temps, c'était en 2008, que ce taux de 70% était parfaitement légitime et qu'il était souhaitable d'y parvenir. Je maintiens ce point de vue », a-t-elle dit au cours d'une audition par la Commission de Finances de l'Assemblée nationale. « On doit s'engager dans la direction de ces 70%. L'augmentation de la centralisation, elle est inéluctable en raison de la dynamique très importante de constructions de logements sociaux ».

Contraindre les banques

Pour Christine Lagarde, il est nécessaire de concilier le souci du financement du logement social et le contexte réglementaire plus contraignant pour les banques, notamment du point de vue de la liquidité. Elle veut pour cela s'appuyer sur le taux, inscrit dans la loi, de 125% qu'elle considère comme un plancher, soit le ratio minimum entre les dépôts du Livret A et du Livret de développement durable (LDD) gérés par la CDC et le volume de ses prêts au logement social (pour 100 unités prêtés, la CDC doit récupérer 125 auprès des livrets).

L'autre mesure est « la notion de l'augmentation systématique de 2% du montant de la collecte, indépendamment de ce qui est effectivement collecté », a-t-elle expliqué, précisant que cette hausse se ferait intérêts compris, pour contraindre les banques à continuer de proposer des Livrets A à leurs clients. Pour elle, le vrai risque est en effet d'assister à une décollecte, dans le cas où les banques jugeraient peu intéressant le Livret A et orienteraient l'épargne vers d'autres produits. « Il faut que ce soit attractif pour tout le monde », a-t-elle dit jugeant « pas négligeable » un taux de commission prélevé par les banques sur le Livret A de 0,5%.

Des crédits aux PME insuffisants

Pour leur défense, les banques avancent par ailleurs l'argument selon lequel une partie conséquente des dépôts des livrets est consacrée au crédit aux PME, et donc qu'un taux de centralisation trop haut menacerait ce financement. La ministre a reconnu ne pas avoir « de bons instruments de mesure » des montants de ces prêts mais espère les avoir « avant le milieu voire la fin de l'année 2011 ». Elle a indiqué que la France enregistrait une hausse de 3,9% des encours de crédit au PME en 2010 contre 2% en moyenne dans les autres pays de la zone euro, un financement qui toutefois « n'est pas satisfaisant » selon elle.

Christine Lagarde a « l'intention de proposer au président de la République et au Premier ministre des moyens supplémentaires pour véritablement nous assurer que le financement est effectué par les banques » envers les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

Plus tôt dans la journée, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, s'était exprimé devant cette même commission en faveur d'un allongement du délai de transition vers cet objectif de centralisation du gouvernement de 2018 à 2021.