Le crowdfunding immobilier a enregistré une collecte record l'an dernier. Mais depuis quelques mois, le secteur semble en perte de vitesse. Et les investisseurs s'inquiètent pour l'avenir.

Depuis 10 ans, le crowdfunding immobilier bat tous les records. Et le millésime 2022 n'a pas été une exception. Au total, les plateformes du secteur ont collecté plus de 1,6 milliard d'euros l'an dernier. Soit 40,2% de plus qu'en 2021, selon le baromètre de Financement Participatif France (FPF).

Il faut dire que sur papier, le crowdfunding immobilier a tout pour plaire. Les rendements sont excellents : 9,4% en moyenne sur l'année 2022. Et ce n'est pas tout. Les investissements sont accessibles à partir de quelques dizaines d'euros. Sans compter que vos fonds sont immobilisés sur une durée courte. Entre 12 et 24 mois, le plus souvent.

Retards en série

Mais la roue tourne. Jusqu'à présent, les projets immobiliers étaient financés en moins de 15 heures. Mais depuis quelques mois, le secteur tourne au ralenti. « Collecte toujours en cours 4 jours après l'ouverture... Du jamais-vu sur cette plateforme ! », observe par exemple top_kek sur le forum MoneyVox.

« On sent que les plateformes ont un peu de mal à boucler les opérations en ce moment vu les mails de relance qui tombent », enchaîne Msimmo, un autre contributeur régulier. Mais pourquoi les investisseurs sont-ils moins enclins à miser sur les projets des plateformes de crowdfunding ?

« En ce moment, les retards de paiement sur les plateformes se multiplient », répond Karl Toussaint du Wast, co-fondateur de la plateforme Netinvestissement. Sur Wiseed, 10,5% des projets seraient concernés, selon une lettre envoyée par la plateforme aux investisseurs. C'est nettement plus qu'il y a 12 mois. Et Wiseed n'est pas un cas isolé. En réalité, c'est tout le secteur qui est touché.

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Le neuf en difficulté

Car pour tenter d'enrayer l'inflation, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux pour la septième fois depuis juillet 2022. Du jamais vu. Or ces hausses se répercutent sur les autres taux. Si bien que les taux des crédits immobiliers dépassent désormais la barre des 3%, quelle que soit la durée d'emprunt, selon le dernier baromètre du courtier Meilleurtaux.

Résultat ? « Aujourd'hui, près de 50% des demandes de prêt sont refusées, ce qui limite le nombre d'acheteurs », estime Karl Toussaint du Wast. « On n'a jamais eu une année aussi mauvaise », abonde Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers de France (FPI). Sur un an, les ventes de logement neufs ont reculé de 26%.

Et c'est justement parce que les promoteurs ont du mal à vendre les logements que les retards se multiplient sur les plateformes de crowdfunding. À cela vient s'ajouter la flambée des coûts de construction. Le prix de certains matériaux, comme le béton prêt à l'emploi, a par exemple augmenté de 17,2% sur les deux premiers mois de l'année.

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Risque de défaut

Alors faut-il attendre des jours meilleurs pour investir dans le crowdfunding immobilier ? Pas nécessairement. Car retard ne veut pas dire défaut. « Tant que le promoteur ne fait pas faillite, il est dans l'obligation légale de rembourser ses dettes », rappelle Karl Toussaint du Wast. « Et pendant ce temps, les intérêts continuent à courir. Votre argent est certes immobilisé plus longtemps, mais vous êtes rémunéré en contrepartie ».

Pour autant la prudence reste de mise. Car pour l'instant les défaillances restent rares. Sur Wiseed, par exemple, le taux de défaut est inférieur à 0,3%. Cela dit, « Il n'est pas impossible que ce chiffre augmente dans les mois à venir », indique la plateforme. Et pour cause : selon la Banque de France, les défaillances d'entreprises de la construction ont bondi de 45,4% sur 1 an au 1er trimestre 2023.

« Si vous souhaitez limiter les risques, n'investissez qu'une petite partie de votre épargne et privilégiez les projets qui ont déjà obtenu leur garantie financière d'achèvement (GFA) », indique Karl Toussaint du Wast. Pour obtenir cette garantie, les promoteurs doivent en effet avoir déjà vendu plus de 50% de leur programme. Ce qui limite (en théorie) les risques de retard ou de défaut de paiement.

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