Une baisse du nombre de biens proposés et une hausse des demandes : le marché locatif français est de plus en plus tendu. Depuis la fin du Covid-19, le phénomène touche de plus en plus de villes autrefois épargnées. Et les choses ne devraient pas s'arranger tout de suite.

« URGENT, recherche maison 3 chambres », « recherche d'urgence un logement sur Saint-Nazaire », « un an que je recherche un logement sur Nantes »... Sur internet, les groupes qui référencent les annonces de logements à louer regorgent de messages. Et beaucoup font état de la même galère : pour un seul bien proposé, des dizaines de demandes. À Rennes comme ailleurs, les agents immobiliers font état d'un marché saturé, à l'image de Xavier Chasle, responsable de l'Agence des Lices, qui explique au site actu Rennes ne plus prendre de coordonnées de personnes en recherche de logement.

Des études viennent confirmer un phénomène qui semble aujourd'hui toucher de plus en plus de villes. Le 20 septembre, le site Particulier à Particulier (PAP) pointait du doigt une augmentation de la demande locative, de l'ordre de +9% de candidats locataires par rapport à 2019. Mais pour Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du management des services immobiliers et membre du Conseil national de l'habitat, cette tendance n'est pas nouvelle : « Le marché locatif privé est tendu depuis 20 ans déjà. En effet, la métropolisation s'est fortement renforcée sur cette période. Les 11 métropoles françaises sont devenus les principaux territoires d'attractivité. Or, dans ces villes, les ménages sont très majoritairement locataires. » L'offre n'aurait donc pas le temps de s'aligner sur la demande.

Un phénomène qui s'étend

Loin d'améliorer la situation, la pandémie de Covid-19 et l'avènement du télétravail n'ont fait que déplacer le problème. Henry Buzy-Cazaux estime qu'un ménage sur six s'est tourné vers d'autres villes plus modestes depuis deux ans : « On a vu une évolution des prix comme des loyers dans ces nouveaux territoires. Alors qu'il y avait avant une concentration des difficultés à trouver un logement à louer dans les métropoles, elles se sont aujourd'hui étalées à d'autres territoires. » Sans pour autant que la situation ne s'arrange dans les grandes villes. Dans son étude, PAP donne l'exemple d'un propriétaire à Paris ayant reçu 350 demandes de visites pour un studio, le tout en 48h seulement.

Et la demande locative ne va pas aller en s'améliorant, d'après Henry Buzy-Cazaux. Et ce en raison des nouvelles régles d'emprunt qui interdisent, sauf exceptions, les banques de prêter sur une durée supérieure à 25% et à des ménages dont le taux d'endettement est supérieur à 35%. « Aujourd'hui, les plus solvables sont déjà devenus propriétaires. Avec la hausse des taux de crédit immobilier, la porte de l'accession à la propriété n'est qu'à moitié ouverte. Or, si les ménages ne peuvent plus devenir propriétaires, cela veut dire que la demande locative va encore augmenter », complète Henry Buzy-Cazaux.

Et alors que les candidats à la location sont de plus en plus nombreux, l'offre est de son côté en baisse. En juillet, le site Bien'Ici expliquait que « l'offre d'appartements à louer a chuté de 13% entre 2021 et 2022. » Et alors qu'au deuxième trimestre de 2020, le ratio entre logements à vendre et à louer sur le site était de 65%/35%, l'offre locative s'est amenuisée pour atteindre 26% au deuxième trimestre 2022 (pour 74% de biens à la vente). Dans son étude, PAP rapporte que « le nombre d'offres de location au 1er septembre 2022 sur le site PAP.fr est en baisse de -22% par rapport à l'année 2021 ». Tout en expliquant que l'année 2021 n'est pas significative, le site PAP estime tout de même que le nombre d'annonces de locations a baissé de 5% par rapport à 2019.

Les « passoires thermiques » mises en vente

Outre le fait que les candidats font face à plus de concurrence, la raréfaction de biens peut également s'expliquer par la mise en vente massive de « passoires énergétiques ». Henry Buzy-Cazaux estime à 10% le nombre de ventes motivées par des bailleurs qui ne veulent pas effectuer des travaux de rénovation énergétique. Depuis le 24 août, les loyers des logements les plus énergivores, ceux classés F ou G au diagnostic de performances énergétiques (DPE), ne peuvent plus être augmentés. La première de nombreuses autres sanctions à venir.

DPE le calendrier
Passoires énergétiques : le calendrier

Selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique, près d'un logement sur cinq peut être considéré comme une passoire énergétique. Si, dans un sondage réalisé par la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), un tiers des bailleurs interrogés (31%) assurent qu'ils continueront à louer sans se mettre en conformité avec la loi Climat et résilience de 2021, d'autres vont simplement chercher à se débarasser de ces logements. « Il y a un réel risque de perdre une partie du parc locatif privé, alerte Henry BUzy-Cazaux. Car ces biens ne vont pas forcément être rachetés par des investisseurs pour les remettre dans le parc locatif, mais plutôt par des primo-accédants pour y habiter et qui n'auront pas ces obligations de DPE. »

Résultats, 96,7% des personnes interrogées par PAP confirment avoir eu des difficultés à trouver un logement à louer, et un candidat sur quatre assure avoir vu son dossier être rejeté plusieurs fois. Une galère qui touche tous les profils, puisque 33% des refus concernent des personnes en CDI. Malheureusement pour les candidats à la location, il faudra sans doute attendre un peu avant de voir le marché s'améliorer. « L'accession au marché locatif va rester compliqué pendant 12 à 24 mois », prophétise Henry Buzy-Cazaux qui souhaite tout de même se montrer optimiste : « Ensuite, il va y avoir des ajustements. Les difficultés ne vont durer qu'un temps. Je ne veux pas croire que demain, les cinq millions de bailleurs actuels ne seront plus que deux millions. D'autant qu'avec la hausse de la demande, l'investissement locatif reste très intéressant. »