Depuis le 1er juin, une série de nouveautés est entrée en vigueur pour des millions de copropriétaires. Le texte - qui donne plus de pouvoir au conseil syndical – renforce aussi la concurrence pour réduire les frais de syndic.

C’est une réforme qui intéresse les propriétaires de plus de neuf millions de logements. Alors que les copropriétés représentent plus d'un quart des habitations en France, selon l'Insee, leur régime n'a pas été rénové en profondeur depuis 1965. Depuis le 1er juin, une série de nouvelles mesures, issues de l’ordonnance du 30 octobre 2019, sont en principe entrées en vigueur.

Attention cependant, en raison de la crise du coronavirus, le texte n’a pas encore été ratifié par le Parlement. « Pour peu que députés et sénateurs adoptent des amendements, il faudra alors jongler entre différentes versions de la réforme au regard de leur date d’entrée en vigueur, ce qui pourrait être source d’erreurs sur le terrain », s’inquiète l’association de consommateurs CLCV.

De plus, le décret d’application, censé préciser plusieurs aspects de l’ordonnance, n’a toujours pas été publié. Interrogé par MoneyVox, le ministère en charge du Logement indique qu’il est actuellement étudié par le Conseil d’Etat avant une publication au Journal officiel d’ici la fin juin. En attendant d’éventuelles modifications, le point sur ce que vous réserve en l’état cette réforme.

Plus de pouvoir pour le conseil syndical

L’ordonnance donne plus de latitude au conseil syndical, c’est-à-dire les membres élus de la copropriété chargés d’assister et de contrôler le syndic dans le cadre de la gestion de l’immeuble. Désormais, lorsque le conseil syndical est composé d'au moins trois membres, l'assemblée générale peut, par décision prise à la majorité des voix de tous les copropriétaires, lui déléguer le pouvoir de prendre des décisions notamment pour certains travaux.

Cette délégation est accordée pour les travaux prévus à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 sur les copropriétés comme par exemple :

  • les travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble ainsi qu'à la préservation de la santé et de la sécurité physique des occupants. Ils incluent par exemple les travaux portant sur la stabilité de l'immeuble, le clos, le couvert ou les réseaux ;
  • les travaux d'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite ;
  • la suppression des vide-ordures pour des impératifs d'hygiène ;
  • la décision d'équiper les emplacements de stationnement d'accès sécurisé à usage privatif avec des bornes de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables ;
  • l'autorisation donnée à un ou plusieurs copropriétaires d'effectuer à leurs frais les travaux permettant le stationnement sécurisé des vélos dans les parties communes.

En revanche, les travaux d'économies d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre, entre autres, ne font pas partie de la délégation renforcée du conseil syndical.

Ces nouveaux pouvoirs comportent plusieurs garde-fous. La délégation est accordée pour une durée maximale de deux ans avec un plafond pour le budget des travaux. Elle peut être renouvelée par une décision expresse de l'assemblée générale. Dans tous les cas, elle ne s’applique pas à l'approbation des comptes, à la détermination du budget prévisionnel, « ou sur les adaptations du règlement de copropriété rendues nécessaires par les modifications législatives et règlementaires intervenues depuis son établissement », précise l’ordonnance.

A noter, parmi les nouveautés, la possibilité pour les parents et les enfants de copropriétaires de devenir, aussi, membres du conseil syndical.

Le syndic sous pression

Désormais, le contrat du syndic est remis en jeu chaque année et non plus au bout de trois ans. Le conseil syndical est obligé de faire un appel d’offres, sauf si l’assemblée générale des copropriétaires l’en dispense. Une manière de renforcer la concurrence sur le marché des syndics, comme le souhaite le gouvernement. Selon une étude menée en 2017 par la CLCV, seulement 39% des propriétaires d'appartements se disaient « satisfaits » des prestations des syndics. Or, seuls 4% des copropriétaires en changent chaque année.

Pour faciliter les choses, des amendes de 3 000 euros pour les personnes physiques et 15 000 euros pour les personnes morales peuvent être infligées contre les professionnels peu transparents. Si la loi Alur de 2014 les oblige notamment à présenter de la même façon un contrat type, d’une dizaine de pages, afin de permettre aux copropriétés de comparer les prestations des différents syndics et éventuellement d’en changer ; jusqu’ici, aucune sanction n’était prévue en cas de non-respect de cette disposition.

Lire aussi : Syndic de copropriété : professionnel ou non, lequel choisir ?

Si un nouveau syndic est choisi, l'ancien est tenu de remettre trois éléments au nouveau dans un délai de quinze jours à compter de la cessation de ses fonctions. Il s'agit de la situation de trésorerie, des références des comptes bancaires du syndicat et des coordonnées de la banque. Il a 15 jours de plus pour remettre l'ensemble des archives et des documents dématérialisés relatifs à la gestion de l'immeuble. L'ancien syndic a encore un délai supplémentaire d'un mois pour fournir au nouveau syndic l'état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du syndicat, et ce après avoir viré les fonds disponibles au nouveau syndic. En cas de non-exécution, ce dernier ou le président du conseil syndical, peut demander au président du tribunal judiciaire de forcer l'ancien syndic à les lui remettre, avec à la clé des pénalités à payer par jour de retard.

L’ordonnance prévoit aussi la possibilité « en cas de carence ou d'inaction du syndic », que le président du conseil syndical sur délégation expresse de l'assemblée générale, puisse exercer une action contre le syndic, en réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires. Lorsque la copropriété n'a pas de conseil syndical, cette action peut également être exercée par un ou plusieurs copropriétaires représentant au moins un quart des voix de tous les copropriétaires.

Un état daté, en théorie moins cher

L’article 10 de l’ordonnance prévoit que le montant de l'état daté, c’est-à-dire le récapitulatif des charges liées au lot de copropriété, ne pourra pas être facturé plus de 380 euros au propriétaire qui vend son bien. Selon l’Institut national de la consommation, son prix moyen était de 598 euros en 2019. Ce nouveau plafond a été critiqué par l’Autorité de la concurrence. Elle craint que les syndicats qui avaient des tarifs plus faibles alignent leurs honoraires « sur le plafond et ce, au détriment des consommateurs ». Elle aurait préféré que ce maximum soit calculé à partir des coûts réels pour les syndics, auxquels serait ajoutée « une marge raisonnable ».

Des règles plus souples lors de l’Assemblée générale

L’un des objectifs de cette réforme, selon le gouvernement, est aussi « de remédier aux conséquences de l’absentéisme croissant des copropriétaires en assemblée générale, obstacle majeur à la prise de décision ». Il est souvent nécessaire d’obtenir plus de 50% des voix de tous les copropriétaires. Désormais, si un projet a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée peut procéder immédiatement à un second vote. La décision peut alors être prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. C’est ce qu’on appelle le mécanisme « de la passerelle ».

Dans une autre ordonnance publiée fin mai, et ce afin d'éviter la propagation du coronavirus, le gouvernement a autorisé, toutes les copropriétés à organiser à partir du 1er juin, leurs assemblées générales à distance, notamment par visioconférence, et ce jusqu'à début 2021.

Plus de liberté pour les copropriétaires

L’ordonnance d'octobre 2019 offre également de nouveaux moyens d’action, notamment en facilitant la réalisation de travaux d’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite dans les parties communes aux frais d’un copropriétaire, ou encore en permettant à tout copropriétaire de solliciter la tenue d’une assemblée générale, toujours à ses frais, pour délibérer de questions le concernant.

Un régime simplifié pour les petites copropriétés

« Les petites copropriétés ou encore les copropriétés n’ayant que deux copropriétaires échapperont à certaines rigidités du dispositif de droit commun », annonçait fin octobre le ministre du Logement, Julien Denormandie. Un régime spécifique est ainsi mis en place pour les immeubles qui n'ont pas plus de cinq lots ou dont le budget annuel moyen est inférieur à 15 000 euros sur une période de trois exercices consécutifs. Par exemple, le syndicat n'est pas tenu de constituer un conseil syndical. De plus, la comptabilité tenue par le syndicat est assouplie.

Incertitudes sur le plan pluriannuel de travaux

L'obligation de mettre en œuvre un plan de travaux dans chaque copropriété, qui aurait dû être une mesure centrale de la réforme, ne figure finalement pas dans l’ordonnance. La mesure aurait imposé aux copropriétaires d'établir un plan de travaux sur dix ans, à partir du moment où l'immeuble concerné a plus de quinze ans d'existence. Elle obligeait la copropriété de mettre chaque année une enveloppe spéciale pour ces travaux, d'un montant minimum de 2,5% de l'ensemble du budget prévisionnel du plan. Mais face au tollé suscité par ce recul, Julien Denormandie a indiqué fin 2019, selon Le Figaro, que cette disposition sera réintroduite à l’occasion de la ratification de l’ordonnance par le Parlement pour laquelle aucune date n'est évoquée.