Des milliers d'euros d'économies sur son crédit immo en changeant d'assurance emprunteur à tout moment : c'est la promesse de la proposition de loi de la députée Patricia Lemoine qui sera examinée à l'Assemblée dès jeudi. Le gouvernement est favorable à cette mesure, censée redonner du pouvoir d'achat aux consommateurs sans coûter un centime au budget de l'Etat. La députée détaille les ambitions de son texte à MoneyVox.

Patricia Lemoine persiste et signe. La députée Agir de Seine-et-Marne présente à partir de jeudi en commission sa proposition de loi pour permettre aux consommateurs de pouvoir résilier à tout moment leur assurance emprunteur. Cette mesure, qu'elle avait failli faire passer l'an dernier à l'Assemblée, a de grandes chances d'être adoptée puisqu'elle a le feu vert du gouvernement. Patricia Lemoine détaille les bénéfices de ce texte pour les particuliers.

Patricia Lemoine

Patricia Lemoine est députée Agir de Seine-et-Marne, membre de la commission des finances

Vous présentez votre proposition de loi qui vise à permettre la résiliation à tout moment de l'assurance emprunteur. Le feuilleton va-t-il enfin trouver son épilogue ?

J'espère que cette fois-ci, ce sera la bonne. La partie n'est pas gagnée d'avance car nous devons faire face au lobbying très actif de la Fédération bancaire française qui s'oppose à cette évolution et pousse certains parlementaires de la majorité à voter contre. Mais nous avons le soutien de nombreux députés de tous les bords et même du gouvernement. Il a pris conscience que les différentes évolutions depuis la loi Lagarde de 2010, la loi Hamon de 2014 et l'amendement Bourquin en 2017 n'ont pas permis de libéraliser le secteur de l'assurance emprunteur. Les acteurs bancaires détiennent aujourd'hui près de 88% du marché. Résultat, les consommateurs payent le prix de cette absence de réelle concurrence qui leur permettrait d'effectuer des économies substantielles avec des offres alternatives. A l'heure où de nombreuses dépenses du quotidien des Français explosent, cette proposition de loi va rendre du pouvoir d'achat sans coûter un centime au budget de l'Etat.

Facilitons la résiliation de l'assurance emprunteur à tout moment

Quelles sont les économies à attendre pour les particuliers ?

Une véritable libéralisation du marché via la possibilité de résiliation à tout moment de l'assurance emprunteur permettrait de réaliser une économie moyenne allant de 5 000 à 15 000 euros pour un prêt de 250 000 euros sur 20 ans d'après les calculs de l'UFC-Que Choisir. Les gains vont de plus de 6 500 euros pour un consommateur de 65 ans à environ 15 000 euros pour un emprunteur de 35 ans ! Cette réforme sera particulièrement bénéfique aux primo‑accédants, qui disposeront d'une plus grande marge de manœuvre financière pour mener à bien l'un des projets les plus marquants de leur vie : l'accession à la propriété.

4 exemples d'économies en comparant l'assurance de la banque

Que prévoyez-vous concrètement pour que les consommateurs puissent réellement profiter de cette résiliation de l'assurance à tout moment ?

Le manque d'information actuelle sur la substitution d'assurance est flagrant. Cette proposition de loi propose d'imposer une obligation d'information annuelle à destination des assurés sur leur droit à résilier à tout moment leur assurance emprunteur, ainsi que les modalités et délais à respecter pour le faire. Elle prévoit également les sanctions en cas de non‑respect de ces obligations. Mais ce n'est pas tout.

Aujourd'hui, trop souvent, les consommateurs qui demandent à changer d'assurance de prêt n'obtiennent pas de réponse dans les dix jours ouvrés suivant la réception de la demande, comme le prévoit pourtant la réglementation. Près d'un quart des demandes ne recevraient pas de réponses ou auraient un retard de plus d'un mois. D'autres pratiques sont également constatées : des réponses lacunaires, des objections erronées sur l'équivalence de garanties...

Cette réforme a pour objectif de rendre plus transparentes les décisions de refus de substitution d'assurance. Elles devront être motivées de façon exprès, sous peine d'amende. La DGCCRF pourra infliger des sanctions jusqu'à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros contre les prêteurs et les assureurs personnes morales qui tenteraient d'induire leurs clients en erreur, de ne pas leur répondre ou de le faire hors délai.

Ne craignez-vous pas que les mesures de votre texte puissent être contournées par les acteurs, comme ce fut le cas lors des réformes précédentes ?

Il me semble que nous avons prévu suffisamment de garde-fous pour permettre une libéralisation du marché. Mais vous avez raison : toutes les tentatives de déverrouillage du marché ont jusqu'ici été contournées. J'espère donc que cette proposition de loi sera efficace dans le temps.

L'assurance emprunteur est un produit très rentable pour les banques. Si elles perdent la mainmise, faut-il s'attendre à ce qu'elles augmentent les taux d'intérêt des crédits immobiliers ?

C'est une menace que laisse planer le secteur bancaire. Aujourd'hui avec les taux bas, leur marge est plus faible sur le crédit immobilier. Pour se refaire, certaines pourraient être tentées d'augmenter leurs taux immo. C'est un risque que j'ai à l'esprit. Mais il est limité à mes yeux. Le consommateur a tout le loisir de faire jouer la concurrence pour obtenir une meilleure offre ailleurs.

L'autre aspect de votre proposition de loi concerne notamment le « droit à l'oubli » qui permet un accès plus simple à l'assurance de prêt pour les anciens malades. Que souhaitez-vous changer ?

J'ai été sollicitée par plusieurs associations qui m'ont alertée sur les difficultés des personnes touchées par le cancer ou des pathologies chroniques de pouvoir souscrire une assurance de prêt pour leur crédit immobilier. Il existe aujourd'hui le dispositif du « droit à l'oubli » qui concerne les personnes ayant été atteintes d'un cancer découvert avant l'âge de 21 ans, 5 ans après la fin du protocole thérapeutique et en l'absence de rechute, et aux personnes ayant été atteintes par un cancer après l'âge de 21 ans, 10 ans après la fin du protocole thérapeutique et en l'absence de rechute. Les bénéficiaires de ce dispositif n'ont pas à déclarer cet antécédent à leur assureur et ne sont pas pénalisés par des exclusions de garanties ou de surprimes au titre de cet antécédent. L'article 7 de cette proposition de loi propose de lancer des travaux pour réduire les délais du « droit à l'oubli » pour certaines pathologies cancéreuses et d'examiner la faisabilité de faire entrer davantage de pathologies, non cancéreuses dans les dispositions du « droit à l'oubli ».

Mais qu'en est-il des personnes malades qui ne relèvent pas du « droit à l'oubli » ?

La convention Aeras met en place, qu'il s'agisse de cancers ou d'autres pathologie, une grille de référence dans le but de faciliter l'accès à l'assurance emprunteur. Cependant, la convention actuelle paraît insuffisante au regard des avancées médicales et des attentes des consommateurs et associations de patients. Ma proposition de loi vise aussi à demander aux instances de travailler sur la faisabilité d'une évolution des conditions d'éligibilité au dispositif Aeras s'agissant de la quotité d'emprunt. En effet, le plafond de crédit soumis à la convention Aeras est au maximum de 320 000 euros. C'est une somme qui peut être insuffisante pour s'acheter un bien dans les zones où les prix sont très élevés, comme en région parisienne.

L'ensemble de ces travaux pour faire évoluer le « droit à l'oubli » et la Convention Aeras devront être lancés dans un délai de 3 mois suivant la promulgation de la loi et un rapport devra ensuite être remis au gouvernement sur l'état de l'avancement de ces questions dans un délai de 9 mois.

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Changement d'assurance emprunteur : la proposition de loi en détail

  • Résiliation à tout moment. Le texte soumis au vote des députés ouvre la possibilité de résilier sans frais et à tout moment les contrats d'assurance emprunteur pour des crédits immobiliers.
  • Décisions de refus. Le texte réclame aux banques plus de transparence en cas de refus de demande de résiliation : les informations manquantes devront être précisées par la banque, alors que ce refus doit uniquement « être motivé » jusqu'à présent.
  • Obligation d'information annuelle. Le texte introduit une obligation d'information annuelle à destination des assurés sur leur droit à résilier à tout moment.
  • Avenant au contrat de prêt. Si la proposition est adoptée en l'état, les banques seront désormais contraintes de produire l'avenant au contrat de crédit dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution.
  • Droit à l'oubli. La proposition de loi prévoit de lancer un important chantier (travaux, rapport, négociations, etc.) sur le « droit à l'oubli », dispositif censé permettre aux personnes ayant présenté par le passé des pathologies cancéreuses de pouvoir emprunter sans surcoût ou sans barrières supplémentaires.