Les actions des banques françaises ont accusé de lourds replis en 2018. Comment expliquer cette débâcle boursière ? La reprise qui s’amorce depuis le début de l’année peut-elle s’inscrire dans la durée ?

Sur la seconde moitié de 2018, les investisseurs ont mené la vie dure aux banques. Entre mai et janvier, les actions BNP Paribas et Société Générale ont, toutes deux, perdu 39% de leur valeur. La troisième enseigne cotée, Crédit Agricole SA, a été un peu moins chahutée même si son action s’est tout de même repliée de 22% en 8 mois. A l’échelle de l’Europe, les résultats boursiers des banques françaises ne dénotent pas. 2018 s’est en effet révélée tout autant mauvaise pour les banques italiennes et allemandes…

Pour Stéphane Déo, stratégiste au sein de La Banque Postale Asset Management, les marchés ont sur-réagi. « D'après nos modèles internes, la valorisation actuelle de certaines banques se justifierait si leur taux de défaut sur les prêts bancaires était multiplié par trois, ce qui est une hypothèse un peu extrême et donc plaide en faveur d'un sur-ajustement des marchés », estime-t-il. Mais sur-réagi à quoi ? Au contexte monétaire notamment.

Un environnement hostile aux banques

L’année dernière, la baisse des taux d’intérêt s’est en effet accélérée. Depuis mai 2018, le taux des obligations de l’Etat français (OAT à 10 ans), qui est corrélé aux taux d’intérêt des prêts bancaires, a à nouveau chuté de 0,5 point. De quoi mettre sous pression les marges d’intérêt des banques, alors même que le crédit reste leur principale source de revenu. Pour tenter de maintenir leurs gains, les établissements ont largement assoupli leurs conditions d'octroi, comptant sur un effet volume. Mais la stratégie a moins fonctionné qu’en 2017. La demande de financement s’est tassée, à l’image de la production de crédits à l’habitat qui a chuté de 70 milliards d’euros (-25%) entre 2017 et 2018.

Mais pour les analystes interrogés, le contexte monétaire n'est pas la seule raison de la déroute boursière des banques. Elle s’explique aussi par le durcissement des règles prudentielles depuis la crise financière. Pour respecter les critères de Bâle, les banques doivent en effet conserver et accroitre leurs fonds propres ce qui a la vertu de limiter la prise de risque mais aussi leur rentabilité. Ainsi, « dans les années 2000, les banques arrivaient à avoir des retours sur fonds propres entre 20% et 25%. Aujourd'hui, les exigences réglementaires font qu'elles peuvent difficilement aller au-delà de 10% à 12% de rentabilité », illustre Bertrand Lamielle, directeur de la gestion chez B*capital.

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Les fonds propres scrutés par les marchés

Ces coussins de fonds propres minimums ont un effet encore plus direct sur les cours boursiers. Car leur non-respect est immédiatement sanctionné par les marchés. « Les ratios prudentiels sont l'un des premiers éléments que les banques communiquent lors de la publication de leurs résultats », note ainsi Bertrand Lamielle. « Les établissements, qui respectent leur plan de marche, voire sont en avance sur les fonds propres à conserver, sont ceux qui voient leur cours boursier s'apprécier », poursuit-il.

La Société Générale en fait d’ailleurs les frais. En février dernier, lors de la publication de ses résultats annuels, la banque rouge et noire a annoncé avoir un ratio de solvabilité de 10,9%, juste au-dessus du minimum réglementaire de 10%. Au même moment, BNP Paribas et Crédit Agricole communiquaient sur des ratios CET1 de respectivement 11,8% et 11,5%. Depuis, le titre de Société Générale est resté quasi au point mort, à +2%, alors que les actions de BNP Paribas et du Crédit Agricole SA ont bondi de 22% et 26%.

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Et les annonces de la Société Générale de vouloir faire des économies sur la banque de financement n’ont pas réussi à retourner le cours en sa faveur. Ce qui n’étonnera a priori pas Bertrand Lamielle, pour qui, les annonces de plans d’économies suffisent rarement, à eux seuls, à rassurer les investisseurs. « Les résultats financiers et les annonces de restructuration des réseaux peuvent être salués à court terme par les investisseurs... Ces derniers voyant que le management prend acte du ralentissement de son activité et rend plus efficace son organisation. Mais, ce qui est valorisé durablement en bourse, ce sont avant tout des sociétés capables de donner de la visibilité sur leur croissance à long terme », estime le directeur de la gestion chez B*capital.

Les cours boursiers suspendus aux décisions de la BCE

Pour voir progresser durablement les actions des banques françaises, au-delà de ce regain récent, les analystes scrutent tous en direction de la Banque centrale européenne. « L'effet déclencheur est à chercher du côté de la BCE. En cas de remontée des taux directeurs, notamment, les banques sous-valorisées pourraient alors voir leur action grimper de 20 à 35%. Mais, à l'heure actuelle, il n'y a ni élément déclencheur en vue, ni engouement des analystes », explique Bertrand Lamielle. Un avis partagé par Stéphane Déo de La Banque Postale AM : « Pour renouer avec des cours boursiers en hausse, il faudrait que les taux d'intérêt en zone euro remontent, ce qui n'est pas notre scénario privilégié ».

Toutefois ce dernier va plus loin et conditionne également la hausse des actions bancaires à deux autres éléments. « La réduction de leurs coûts de structure pourrait également redonner davantage de visibilité aux investisseurs et serait gage de profits certes plus faibles mais plus récurrents qu'avant la crise. Enfin des changements de réglementation, plus accommodante, pourraient donner aux banques davantage de marge de manœuvre sur leur activité », détaille le stratégiste au sein de La Banque Postale AM.