Inflation toujours forte, hausse des taux monétaires : le contexte semble propice à une hausse exceptionnelle du taux du Livret A dès le 1er mai, une possibilité prévue par les textes. L'espoir, toutefois, est mince. Explications.

3,50%, soit un demi-point de plus que les 3% actuellement en vigueur. Voilà ce qu'aurait pu rapporter votre Livret A si son taux avait été actualisé, ce 1er avril, sur la base de l'inflation et des taux monétaires actuels. Malheureusement, avril ne fait pas partie des mois où la révision est possible. Elle intervient deux fois par an, en février et en août. Pour 2023, la première échéance, le 1er février dernier, s'est soldée par une hausse d'un point, de 2 à 3%. Pour la seconde, il faudra attendre le milieu de l'été.

A moins que... Un autre scénario est envisageable : celui d'une actualisation dès le 1er mai. Voici, en effet, ce que dit le texte réglementaire (1) qui fait référence sur le sujet : « Au 15 avril et au 15 octobre de chaque année, si la Banque de France estime que la variation de l'inflation ou des marchés monétaires le justifie, le gouverneur de la Banque de France peut proposer au ministre chargé de l'économie de réviser les taux (...) au 1er mai ou au 1er novembre. »

Un contexte propice à une forte hausse

De fait, les conditions sont actuellement réunies, sans doute comme jamais, pour déclencher cette révision intermédiaire. D'un côté, l'inflation, quoiqu'en léger repli, reste forte : 5,6% en mars, selon l'Insee. De l'autre, nous assistons à une hausse historique des taux monétaires. La moyenne semestrielle de l'€ster, ce taux interbancaire utilisé dans la formule de calcul du Livret A, est passée de -0,58% en juillet 2022 à 0,56% début janvier et dépasse aujourd'hui les 1,70%. A ce rythme, il devrait s'approcher des 3% d'ici à la fin du 1er semestre 2023.

Si tel était le cas, le taux « technique » du Livret A, soit celui issu de l'application stricte de sa formule de calcul, devrait, lui, approcher des 4,50% le 1er août prochain. Soit un point et demi au-dessus du taux actuel. De quoi déclencher une nouvelle ruée des épargnants, qui garnissent actuellement leur Livret A comme jamais, aux dépens des dépôts à vue, mais également des fonds euros de l'assurance vie.

La Banque de France le pied sur le frein

Dans ce contexte, relever d'un cran le taux du Livret A dès au 1er mai pourrait présenter un intérêt pour la Banque de France : celui de lisser la hausse promise pour août, avec l'espoir de banaliser l'événement que représente la hausse de la rémunération du produit d'épargne le plus détenu en France. Une arme à double tranchant, car elle pourrait aussi avoir pour conséquence de ramener le Livret A dans l'actualité, et donc de déclencher de nouveaux dépôts. Quoi qu'il en soit, la Banque de France semble avoir un autre projet.

Interrogée sur la perspective d'une hausse le 1er mai, la communication de l'institution ne nous a pas apporté de réponse claire, nous renvoyant, sans « avoir rien à ajouter », à la position prise par le gouverneur de la Banque de France à l'occasion de la dernière échéance de révision, en janvier dernier.

A l'époque, il avait fait le choix de freiner la hausse du taux du Livret A, attendu à 3,30% et finalement fixé à 3%. Pourquoi ? Un, parce que fixer un taux trop élevé aurait été « très défavorable » à la construction de logements sociaux, « secteur clé pour notre cohésion sociale et notre activité économique ». Un tiers environ de l'argent placé sur des Livrets A, les LDDS et les LEP est, en effet, utilisé pour accorder des prêts aux bailleurs sociaux. Deux, parce que les mouvements du Livret A doivent rester « progressifs plutôt que trop volatils, et ceci à la hausse comme un jour potentiellement à la baisse. »

En clair, pas question d'amener le taux du Livret A vers de trop hauts sommets, au risque de fragiliser le financement de l'économie, pour le baisser aussi vite, lorsque, comme la Banque de France l'anticipe, l'inflation se calmera en fin d'année. Une logique qui pourrait amener l'institution, non seulement à faire l'impasse sur l'échéance intermédiaire du 1er mai, mais également à proposer au gouvernement de contenir, voire d'ignorer, la hausse attendue en août prochain.

(1) Arrêté du 27 janvier 2021 relatif aux taux d'intérêt des produits d'épargne réglementée