La banque centrale d'Allemagne a exprimé des doutes lundi à l'égard d'un projet de la BCE visant à limiter les écarts entre taux d'emprunts des différents États de la zone euro et ainsi le risque d'une nouvelle crise de la dette.

La Banque centrale européenne a annoncé à la mi-juin son intention de créer un instrument contre ce qu'on appelle le "fragmentation" dans le jargon financier, à savoir les écarts entre taux d'emprunt souverains en zone euro, entre pays réputés sûrs comme l'Allemagne, et ceux du sud de l'Europe - comme l'Italie - jugés plus risqués.

"Une chose est certaine : des mesures de politique monétaire inhabituelles contre la fragmentation ne peuvent être justifiées que dans des situations exceptionnelles et dans des conditions étroites", a déclaré le patron de la Bundesbank, Joachim Nagel, dans un discours prononcé à Francfort.

Attention à la fragmentation

Ces écarts de taux se sont dernièrement envolés avant une remontée des taux directeurs de la BCE en juillet et les mois à suivre. La BCE a annoncé son intention de le faire pour contrer l'inflation record du moment.

Mais selon M. Nagel il est "pratiquement impossible" de déterminer "avec certitude en temps réel si un élargissement des "spreads", le nom donnés aux écarts de taux d'emprunt des États, est "fondamentalement justifié" par la situation économique d'un pays pour lequel les investisseurs exigent une prime de risque.

"En conséquence, j'invite à la prudence en essayant de limiter les primes de risque avec des instruments de politique monétaire", une pratique par laquelle "vous entrez rapidement dans des eaux dangereuses", a-t-il ajouté.

La politique monétaire ne doit "pas se laisser guider par des évolutions souvent très éphémères sur les marchés financiers" car elles ne "constituent pas un indicateur approprié" pour l'action de la banque centrale, selon M. Nagel.

En tout état de cause, "il serait fatal que les gouvernements (de la zone euro) partent du principe qu'à terme (la BCE et les banques centrales nationales) seraient prêtes à assurer des conditions de financement favorables aux États", a prévenu le patron de la "Buba".

Combattre la fragmentation ne peut donc se faire selon lui qu'avec "un instrument clairement défini" et qui serait justifié dans des situations bien définies : si les écarts de taux d'intérêt reflètent purement de la spéculation sur les marchés financiers, si la BCE voit la transmission de sa politique monétaire altérée dans certains pays, enfin si la fragmentation empêche de ramener à terme l'inflation à 2%.